Quand l’OHMI invite N. Sarkozy dans ses décisions
Le petit Musée des Marques - Frédéric Glaize, 5/02/2015
Les membres des très sérieuses Chambres de Recours de l’OHMI formulent normalement leurs décisions avec l’austérité qui sied à leur fonction. Il faut vraiment creuser dans les archives de la jurisprudence de l’Office communautaire pour nuancer ce principe.
Dans une affaire mettant aux prises JALLA (marque française antérieure) et JALAS (demande de marque communautaire contestée), la comparaison des signes constituant ces marques intervenait très classiquement selon leur perception visuelle, phonétique et intellectuelle par le public pertinent.
En défense, les ressemblance étaient contestées, notamment en raison de la signification pouvant être attachée à au moins un des signes.
Dans un premier temps, devant la Division d’Opposition, le titulaire de la demande contestée soutenait que le terme JALLA serait identifié dans des pays tels que la Norvège, la Suède ou la Finlande (« The applicant comments that the word JALLA will be recognised in countries such as Norway, Sweden and Finland »).
Or, fort à propos, la Division d’Opposition rappelait que le public pertinent est celui du territoire où la marque nationale antérieure est protégée. Celle-ci étant franco-française, l’argument relatif à la perception du signe dans des langues nordiques était donc logiquement écarté (sans qu’il soit besoin de s’étendre sur le fait que la Norvège ne fait pas partie de l’UE).
Cette décision a été contestée devant la première Chambre de Recours. L’argument relatif à la perception linguistique était cette fois développé différemment : il était soutenu en substance que JALLA serait perçu comme la translittération de l’arabe ‘ ياللا ’ (« JALLA would be perceived as the French transliteration of the Arabic term ‘ ياللا ’. »).
La Chambre de Recours courroucée par tant d’audace souligne en premier lieu que la translittération est incorrecte (en précisant que ‘yalla’, ‘ialla’ ou ‘hialla’ seraient appropriés mais pas « Jalla »). Elle enfonce ensuite le clou en rappelant ce qu’avait souligné la Division d’Opposition : la marque antérieure étant un enregistrement délivré par l’INPI, le public français était celui à prendre en compte.
Ce dernier point est exprimé d’une manière assez surprenante :
« In any case, the Arabic meaning of the marks is irrelevant since this language is, as even Mr Sarkozy would have to admit, not (yet) familiar to the majority of ordinary French buyers of clothing articles. »
Référence : DECISION of the First Board of Appeal of 3 December 2009 In Case R 389/2009-1