Pourquoi Johnny a lâché l’affaire
Actualités du droit - Gilles Devers, 19/02/2012
Il n’y aura pas de jurisprudence Johnny. Juste un accord amiable, et quelques dollars. Tout çà pour çà… Alors, du gros bidon de chez bidon pour la rock star fatiguée. Essayons de décrypter.
Hervé Termine, l’avocat du Docteur Delajoux, a confirmé l’info : « Il y a eu un accord global entre Johnny Hallyday, les compagnies d'assurance et le Docteur Delajoux. Les avocats de Johnny Hallyday avaient annoncé à grand renfort médiatique qu'ils lançaient deux actions, une action devant le Conseil de l’Ordre et une assignation. L’assignation, Stéphane Delajoux ne l'a jamais reçue. En revanche il avait bien fait une action devant le Conseil de l'Ordre. Cette action, ils s’en sont désistés officiellement ».
Que sait-on de l’affaire ?
Ce qui avait fuité dans la presse. En novembre 2009, Johnny avait été opéré par le Docteur Stéphane Delajoux pour une hernie discale. Quelques jours plus tard, il avait dû retourner à la clinique où le médecin avait dû réintervenir. Le lendemain, il avait pris l’avion pour Los Angeles. Mais était survenue une infection, conduisant à son hospitalisation le 7 décembre, en urgence. Il en était sorti quelques temps plus tard sans séquelles, mais une tournée avait été remise en question.
Comme tout patient confronté à un litige d’ordre médical, Johnny avait saisi le juge des référés pour obtenir une expertise, ce qui est la plus banale des procédures.
L’expertise, ou du moins ce qui en a été dit, concluait que l’intervention avait été correcte, que la complication ne résultait pas d’une faute, mais que la prise en charge avait été un peu légère pour les conseils de suivi.
Les suites procédurales
Premier point : pas de faute médicale technique. L’art médical est complexe, et la ligne jurisprudentielle est constante : le médecin ne s’engage pas à un résultat qui serait de guérir, mais à délivrer des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science ». Donc, le grief principal tombe : la survenance d’une complication opératoire ne permet pas de conclure que la technique chirurgicale a été fautive.
Deuxième point : une infection nosocomiale, c’est-à-dire causée à l’occasion des soins. C’est un cas de responsabilité sans faute, qui concerne l’assureur pour les cas pas trop graves, et l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM), pour les affaires graves. Johnny a été très atteint par l’infection, mais il est ressorti de l’hosto quelques semaines plus tard et sans séquelles : ce n’est pas un dommage grave au sens de la loi.
L’assureur doit indemniser… quelques semaines d’arrêt, ce qui ne va chercher loin, même au tarif d’une star. Et les conséquences financières par l’annulation d’une tournée ? C’est là uniquement une question d’assurance, et il est impossible de donner le moindre avis sans connaître les contrats. Mais attention : c’est là une action qui appartient aux assureurs de Johnny, et pas à Johnny.
Alors, après ces frayeurs et ce rapport d’expertise si light, que pouvait faire Johnny ?
Il pouvait faire une déclaration guerrière, et il ne s’en était pas privé, annonçant qu’il allait porter plainte pour « tirer toutes les conséquences de la méconnaissance par le docteur Delajoux de ses obligations telles que prévues et définies par le Code de la Santé publique, et de ses manquements », ajoutant : « Le temps de la réparation est venu ».
Ca c’est pour la tchatche, mais après ? Rien ou presque.
L’indemnisation du petit préjudice lié aux quelques semaines d’hospitalisation puis de repos a été négociée entre avocats. C’est l’usage pour les affaires d’un montant limité, car on dispose, par l’étude de la jurisprudence, de références très précises. Donc pas de procès.
Ensuite, Johnny avait grand cas de la plainte qu’il avait déposé devant le Conseil de l’Ordre des médecins. L’Ordre est compétent pour toutes les fautes techniques ou relationnelles, et l’expertise parlait d’un accompagnement de la prise en charge un peu limite. On ne peut pas demander de dommages et intérêts devant le Conseil de l’Ordre, qui ne se prononce que sur le plan déontologique. L’Ordre ne peut prononcer que des sanctions disciplinaires : avertissement, blâme, suspension d’exercice ou radiation. Le patient peut porter plainte de manière simple, mais il ne peut pas faire de demande précise, notamment pour un niveau de sanction. C’est l’Ordre qui se prononce.
Pour éviter des procédures abusives, la loi a institué un filtre, avec une procédure dite de conciliation. Deux membres du Conseil de l’Ordre sont présents, et quand l’affaire ne vaut pas tripette, ils le font bien comprendre pour encourager à une conciliation très symbolique,… car elle se limite à un abandon de la plainte par le plaignant.
Cette affaire était donc de la gonflette et il n’en reste rien, sauf pour le Docteur Delajoux qui a subi une campagne de dénigrement insensée, mise en scène par le clan Johnny.
Au final, c’est Johnny qui a de la chance,… car il n’existe pas de Conseil de l’Ordre des rockeurs,… qui lui aurait immanquablement collé une sanction disciplinaire pour cette grosse manip.