Marine Le Pen leur fait peur...
Justice au Singulier - philippe.bilger, 29/03/2015
Ils ne parlent que du Front national et ils le vitupèrent.
Mais à distance.
C'est facile et confortable.
Que Christiane Taubira, dans Paris Match, ait un jour déclaré qu'elle refuserait de dialoguer avec Marine Le Pen parce qu'elle appartenait à la catégorie des "gens qui ne pensent pas" n'était pas étonnant.
Il y avait là ce mélange d'arrogance et de fuite qui n'a pas cessé de caractériser cette garde des Sceaux maintenue en survie gouvernementale par le président de la République. "Marqueur de gauche", elle crée un point de fixation, d'obsession et d'hostilité qui détourne, heureusement pour le pouvoir, le citoyen d'autres oppositions et controverses au moins aussi sérieuses.
Mais que Nicolas Sarkozy, président de l'UMP, se retrouve sur la même ligne que Christiane Taubira et n'ait pas accepté de débattre avec la présidente du FN, alors que Jean-Jacques Bourdin avait proposé d'organiser une telle confrontation, est surprenant et assez paradoxal de la part de quelqu'un qui ne cesse de se poser en partisan des affrontements directs et précisément du "débat" (Boulevard Voltaire), en adepte du dialogue démocratique.
Ce n'était pas apparemment son premier rejet. Il n'avait pas davantage agréé la possibilité d'une rencontre avec Jean-Christophe Cambadélis, champion du parti socialiste. Redevenu responsable d'un parti, Nicolas Sarkozy ne peut pas se défausser au prétexte qu'il a été un président de la République battu. Il est dans l'arène et ne devrait pas pouvoir à son gré en sortir quand cela l'arrange.
Nicolas Sarkozy, un certain nombre d'événements et de péripéties l'ont démontré, est un faux dur. Il adore dénoncer, critiquer, pourfendre, caricaturer et exacerber mais le face-à-face à égalité n'est pas, et de loin, son exercice préféré. Lors de la campagne de 2007, il a parfois été brillant et pugnace en face de journalistes mais il n'a jamais été étincelant dans les débats "présidentiels". Il a battu Ségolène Royal parce que celle-ci avait été médiocre et François Hollande l'a dominé.
Il a peur, en réalité, d'affronter Marine Le Pen. Car quelle meilleure occasion aurait pu lui être donnée de valider sa démarche, celle de l'UMP, la légitimité de son opposition radicale au FN que cet affrontement dont tous les citoyens intéressés par la chose publique auraient été friands !
Si, malgré cette formidable opportunité de pouvoir manifester, comme chef de parti, sa force et son talent en face d'un chef de parti honni, il a décliné, c'est que derrière la superficie verbalement courageuse et durablement narcissique, il y a une faiblesse, une crainte, un recul.
Il sait qu'il sortirait peut-être vainqueur mais en miettes. Il craint, aussi, d'être vaincu. Son aura abritée serait battue en brèche. Son acier protégé par la distance deviendrait, à cause de la proximité, du fer blanc.
Fuir n'est pas une très belle attitude et en politique, on a toujours privilégié les tempéraments et les personnalités qui, dans la courtoisie, ont montré de quoi ils étaient capables.Les présents plus que les lâches.
La preuve la plus éclatante de ce que j'énonce tient au fait que Nicolas Sarkozy participe, au premier chef, à cette dégradation du discours qui s'en prend au physique de l'adversaire. Des propos récemment rapportés (lepoint.fr) révèlent à quel degré d'indélicatesse il en est arrivé pour évoquer l'apparence de Marine Le Pen. Cette dérive est le signe d'une carence. On humilie de loin parce qu'on n'est pas assuré de pouvoir convaincre, répliquer et l'emporter de près.
Nicolas Sarkozy a traité Marine Le Pen d'"hommasse".
Mais lui-même, en ayant, couard, fui le débat, s'est-il comporté en homme ?