On achève bien les présidents !
Justice au singulier - philippe.bilger, 15/06/2012
Nicolas Sarkozy va redevenir, à quelques heures près, un citoyen ordinaire.
Des épées de Damoclès, sur le plan judiciaire, semblent peser sur sa tête, notamment à la suite d'une toute récente information l'impliquant personnellement dans l'octroi d'une commission (procédure Takieddine) à l'égard de laquelle son administration - il était ministre du Budget - était plus que réticente (Mediapart, Le Parisien, Le Monde).
Je n'ai jamais ménagé sur ce blog l'ancien président de la République dont la personnalité, la pratique de l'Etat et les démarches souvent erratiques m'ont déçu. J'ai suffisamment été blâmé, pour mon prétendu sectarisme, à la suite de certains billets pour ne pas être obligé de démontrer la pureté de mon antisarkozysme qui m'a conduit - une évolution imputable au dévoiement de la droite victorieuse de 2007 - à voter sans état d'âme pour François Hollande ; en espérant que ce dernier n'oubliera pas, dans la mise en oeuvre de son projet, la multitude de citoyens qui comme moi l'ont rejoint sans être le moins du monde socialiste.
Je n'en suis que plus à l'aise pour dénoncer un livre dont les médias - évidemment par corporatisme - ont fait grand cas : Derniers Carnets de Franz-Olivier Giesbert.
Rien ne m'étonne plus de la part des journalistes, qu'ils soient reconnus ou en quête de notoriété, ce qui les entraîne souvent vers le pire. Il y en a que j'estime, voire que j'admire, d'autres qui m'amusent - par exemple, Michel Denisot qui nous apprend qu'il serait le journaliste préféré du président Hollande, à croire que celui-ci ne l'a pas vu inexistant en face de Nicolas Sarkozy -, quelques-uns qui m'énervent au plus haut point.
FOG, jusqu'à son dernier ouvrage, quel que soit mon sentiment personnel à son égard, sortait du lot parce qu'il avait du talent et, dans une profession moutonnière, donnait une apparence de singularité.
Mais ses Derniers Carnets n'offrent pas une belle image de lui-même. Le livre, sous-titré "Scènes de la vie politique en 2012 (et avant)", rapporte un certain nombre d'échanges, narre des épisodes et dresse des portraits. L'ensemble n'est pas inintéressant. FOG a le droit évidemment d'avoir ses "têtes", pour la détestation comme pour l'estime. Pour la première, Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy sont très bien servis. J'admets qu'on peut éprouver parfois de la jubilation devant un jeu de massacre qui pourfend Balladur et son cercle lors de la cohabitation. François Bayrou, Arnaud Montebourg, en revanche, sont appréciés.
Mais ce qui m'a choqué ne tient pas à l'analyse critique de Nicolas Sarkozy, de ses actions, de ses abstentions, de son caractère mais au ton utilisé presque en permanence. Grossièreté, vulgarité, attaques basses sur le physique, références constantes à des comparaisons animalières ("bête traquée"!), sadisme dans l'écriture, psychologie réduite au basique, et même les bons côtés moqués. Ce n'est plus de la politique mais de la boucherie. Sans aucune classe.
Cette entreprise de démolition qui dans la forme dépasse les bornes est d'autant plus paradoxale que FOG se vante d'avoir été le seul journaliste quasiment à reconnaître du talent à Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle, ce qui est pôur le moins abusif.
Il reproche à celui-ci de ne pas écouter son interlocuteur, d'imposer sa logorrhée. Griefs d'autant plus piquants que FOG est exactement le même dans les émissions de télévision et que sa seule écoute, c'est de s'entendre, lui, et que les questions profuses qu'il formule interdisent littéralement à son contradicteur de répondre.
L'émission culturelle dont il a eu la responsabilité ne brillait pas non plus par le pluralisme et on avait plutôt l'impression de connivences poussées au paroxysme.
Tout cela n'aurait aucune importance si le sujet principal de son livre n'était pas lui-même mais portraituré en majesté, liberté, indépendance et insolence en dépit de la feinte dérision qu'il fait mine d'appliquer à son encontre.
La manière odieuse dont Nicolas Sarkozy est dégradé dans son humanité même m'a gêné. Pourtant j'étais prêt à tout lire, à tout entendre, même le meilleur sur Nicolas Sarkozy !
On achève bien les présidents mais, comme cela, ce n'est pas bien ni courageux. C'est tirer sur une ambulance déjà à l'arrêt.