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Affaire Le Couviour: une « idée stupide », dit la belle-fille

Chroniques judiciaires - prdchroniques, 24/05/2012

On avait quitté l'audience, la veille, sur ces mots de Josiane Le Couviour.  Avant même d'être interrogée sur les faits qui lui sont reprochés, la belle-fille de la victime avait déclaré: "J'ai eu une idée stupide qui s'est transformée en … Continuer la lecture

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On avait quitté l'audience, la veille, sur ces mots de Josiane Le Couviour.  Avant même d'être interrogée sur les faits qui lui sont reprochés, la belle-fille de la victime avait déclaré: "J'ai eu une idée stupide qui s'est transformée en drame" et elle avait demandé "pardon" à sa famille. Un peu plus tard, elle avait répété: "J'ai eu une idée idiote, je n'ai pas imaginé les conséquences". 

L'idée "stupide," ou "idiote", a entraîné la mort par asphyxie de sa belle-mère, Anne-Marie Le Couviour, 75 ans, retrouvée dans sa propriété, dans la nuit du 9 au 10 avril 2009, couchée sur le dos, le visage tuméfié et recouvert d'adhésif noir, les mains et les chevilles entravées, aux côtés de son époux, Eugène Le Couviour, 90 ans, choqué et lui-même blessé.  Elle vaut à Josiane Le Couviour d'être renvoyée devant la cour d'assises du Morbihan pour complicité d'assassinat de sa belle-mère, aux côtés de son jardinier, qui a servi d'intermédiaire, et des deux "exécutants" de l'agression, qui répondent eux, d'assassinat.

Cette accusation d'assassinat, Josiane Le Couviour la conteste depuis le début. Mise en cause par les déclarations de deux de ses co-accusés, qui la désignent comme le commanditaire de l'agression et surtout par la découverte, dissimulé dans sa propriété sous une dalle de la piscine, d'un sac de bijoux dérobés chez ses beaux-parents, la belle-fille avait dû finir par admettre, lors de sa garde à vue, qu'elle n'était pas complètement étrangère au drame qui s'était noué quelques jours plus tôt dans la propriété d'Anne-Marie et Eugène Le Couviour.

Elle s'en tient depuis cette date à une seule ligne: elle n'a commandité, moyennant le versement de 20.000 euros aux deux exécutants, "qu'une" simulation de cambriolage, dont le but était de récupérer des documents testamentaires de son très riche beau-père. Le reste serait donc accidentel.

Mais voilà qu'à la barre, ce jeudi 24 mai, s'approche le gendarme qui a dirigé toute l'enquête, Christophe Le Gall. Cheveux blancs, allure solide, voix posée, exposé fluide, aisance à la barre, l'enquêteur va donner à "l'idée stupide" de Josiane Le Couviour, un tout autre contour.

Christophe Le Gall livre d'abord quelques détails sur la scène de crime. Le visage d'Anne-Marie Le Couviour avait été littéralement enrubanné dans du sparadrap - 5,60 mètres, précise-t-il. Le "masque" d'adhésif portait l'empreinte du nez et de la bouche de la victime, ce qui tendrait à prouver, selon lui,  qu'il a été "appliqué avec force".

Pour les enquêteurs, un premier doute s'instille: "L'amas de scotch sur le visage n'était pas compatible avec l'agression simple d'une personne", observe Christophe Le Gall. Un autre élément les trouble: le sort manifestement différent qui a été réservé à chaque membre du couple."Il était impossible à Anne-Marie Le Couviour de se libérer", assure le gendarme, alors qu'Eugène Le Couviour, de quinze ans plus âgé que son épouse, entravé aux chevilles et aux mains, avait pu arracher lui-même ses liens et le simple ruban adhésif qui lui avait été appliqué sur les lèvres.

Le sentiment que  "quelque chose cloche" va être renforcé par d'autres observations sur la scène de crime. Si la maison semble bien avoir été fouillée, des bijoux pourtant facilement accessibles ainsi que des objets de valeur n'ont pas été dérobés.

Ils en sont là, lorsque dès le lendemain du drame, un correspondant anonyme livre à la gendarmerie des informations troublantes. L'homme assure qu'il ne s'agit pas d'un simple cambriolage mais d'une tentative d'assassinat, sur fond de règlements de compte familiaux. Il livre le nom de l'un des exécutants, Wenceslas Lecerf, un ami à lui, qui s'était vanté quelques jours plus tôt d'être sur un "coup" et d'en attendre une coquette somme d'argent. Entendu ensuite à la gendarmerie, le témoin livre des détails précis sur le déroulement de l'agression, telle qu'elle lui a été racontée par son ami et qui concorde avec la description qu'en a faite Eugène Le Couviour.

Tout va ensuite très vite. Interpellé et placé en garde à vue, Wenceslas Lecerf avoue être l'auteur de l'agression, livre le nom de celui qui l'accompagnait, Guénolé Madé et déclare qu'il a agi dans le cadre d'un contrat destiné à "rayer la dame", à l'instigation de sa belle-fille. Il désigne aussi celui qui a servi d'intermédiaire entre Josiane Le Couviour et lui pour la remise de l'argent, Loïc Dugué, une de ses connaissances qui est le jardinier et homme d'entretien de Josiane Le Couviour.

Interpellé à son tour, Loïc Dugué passe rapidement des aveux et désigne Josiane Le Couviour, qu'il appelle "Madame", comme étant le commanditaire de l'assassinat de sa belle-mère.

Il explique qu’environ huit mois avant les faits, "Madame" lui a raconté la tension qui régnait entre son beau-père et les fils aînés de celui-ci, à cause des craintes qu’ils nourrissaient pour la succession. "Elle m’a dit que sa belle-mère privilégiait ses enfants et c’est comme ça qu’elle a commencé à me parler de l’éliminer, qu’elle ait un accident ou quelque chose comme ça. Elle m’a dit que ce serait bien que ça aille assez rapidement, parce que son beau-père était âgé et qu’il avait des soucis de santé".

Au départ, précise-t-il, c’est à lui qu’elle propose le contrat. Il se rend près de la propriété d’Eugène Le Couviour pour " voir un peu les lieux". "J’avais su par Madame que la belle-mère roulait vite en voiture et j’avais envisagé de couper le câble de frein ou de saboter d’une manière ou d’une autre la voiture. Après plusieurs passages là-bas, j’ai bien senti que je ne serais pas capable de commettre un tel acte. J’en ai parlé à Madame en lui disant que je n’y arriverais pas".

Il lui propose alors de faire appel à quelqu’un d’autre et soumet l’idée à Wenceslas Lecerf, un ami de son beau-frère. En guise de preuve que le contrat a bien été réalisé, Josiane Le Couviour aurait alors exigé de récupérer des bijoux appartenant à ses beaux-parents « et notamment une grosse bague que [Anne-Marie]Le Couviour portait en permanence ». Le lendemain de l’agression, Loïc Dugué retrouve Wenceslas Lecerf sur un parking. Celui-ci lui remet un sac contenant les bijoux en échange des 20.000 euros.  "Il y avait deux, trois montres, un bracelet, quelques bagues et chevalières"  mais pas celle demandée, parce que, lui explique Wenceslas Lecerf, la victime "avait les doigts gonflés".

Loïc Dugué se rend alors à la propriété de Josiane Le Couviour et décide avec elle d’enterrer le sac de bijoux sous une dalle de la terrasse.  "Elle m’a dit que cette affaire était un secret entre nous et qu’elle nous liait pour la vie ", avait expliqué le jardinier aux enquêteurs.

Loïc Dugué a confirmé ces déclarations à plusieurs reprises en garde à vue, puis devant le juge, avant de se rétracter et de soutenir, comme Josiane Le Couviour, que la commande était seulement de simuler un cambriolage.

Le chef d'enquête parle, les jurés l'écoutent. Dans la salle d'audience, tournent deux mots - "idée stupide" -  qui semblent soudain, comment dire? Légers.

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