Le voleur demande qu’on l’emprisonne
Actualités du droit - Gilles Devers, 29/05/2012
Huit mois de prison ferme pour le vol de deux bouteilles… et le condamné dit merci en expliquant que pour lui, le meilleur moyen de ne pas voler c’est d’être en prison. Tout va de mieux en mieux...
C’est La Voix du Nord qui nous raconte cette audience pas banale, tenue devant le tribunal correctionnel de Lille, la semaine dernière.
L’histoire commence dans un supermarché, le Carrefour City de Croix. Un client prend deux bouteilles d’alcool en rayon, jette un coup d’œil alentour, et les glisse sous son pull. Pas de chance pour le voleur : un agent de sécurité a vu la scène, et lui demande ce qu’il en est. Gentillement, notre ami rend les bouteilles.
Vous avez donc compris que notre collègue a passé la caisse, car le vol n’est établi que par le passage en caisse sans payer les emplettes. Avant, c’est le genre d’exercice pas recommandé, mais non pénal, car le transfert de propriété n’a pas eu lieu.
A ce stade, c’est cuit de chez cuit. Si c’est vous ou moi, on peut refuser d’ouvrir le sac ou de soulever son pull. Le service de sécurité ne peut rien imposer, à part vous demander d’attendre que la police arrive.
Dans notre affaire, tout a été simple. Notre ami a aussitôt rendu les bouteilles en expliquant qu’elles étaient volées. Voici une affaire élucidée.
La police est arrivée, et a eu l’avantage de trouver un client connu : multirécidiviste du vol simple avec, à 37 ans, un casier noir comme un corbeau. Direction le tribunal, pour un jugement selon la procédure de comparution immédiate.
Les faits sont aussi simples que la personnalité est complexe… Le directeur du magasin était présent à l’audience. On comprend qu’il ne s’est pas déplacé pour le montant du préjudice, mais parce qu’il craque, expliquant que notre ami commet vol sur vol dans son établissement. Alors, le tribunal qui a déjà jugé maintes fois notre ami pour ce genre de vol, cherche à comprendre la motivation.
« C'était pour les vendre à la sauvette, Monsieur le président. Ça vaut 10 € l'unité ». Et d’expliquer que l’argent était destiné à acheter les doses d’héroïne. Mais le tribunal n’est pas saisi des faits d’usage de stupéfiant. Restons-en au vol, d’autant plus que la défense de notre ami est assez stupéfiante : « Si je sors, je vais encore commettre des délits. Des fois, je vole ma mère, mes frères, mes sœurs. Je n’ai pas de conscience. »
Son avocat confirme : « Mon client veut arrêter. Tous ses délits sont liés à sa consommation de stupéfiants. Pour lui, la seule solution, c’est la prison ».
Le tribunal a exhaussé ce vœu et a condamné notre ami à huit mois de prison ferme avec mandat de dépôt. S’il estime que c’est n’est pas assez, il peut toujours faire appel, en demandant à son profit l’application des peines planchers de la loi sur la récidive.
Mais qu’il fasse attention : en prison, il y a encore plein de choses à voler et souvent, on y trouve de la drogue. Pour la prochaine fois, je lui conseille de demander la relégation sur une île déserte. C’est plus sûr.