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Groupements d’intérêt public : l’indispensable nouveau souffle

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Laurent-Xavier Simonel et Mathieu Prats-Denoix, 6/02/2012

Le groupement d’intérêt public (le « GIP ») a été créé par la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d’orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France.
Il avait été conçu, à l’origine, pour permettre aux établissements publics de recherche et de développement technologique de s’associer organiquement à des opérateurs privés pour la réalisation de projets communs. Le nouveau vecteur accueillait les contributions respectives des coopérants publics et privés, mutualisait les moyens dédiés au projet commun et surmontait les questions nées du respect des règles de la commande publique dans les relations entre les constituants du GIP. En effet, l’échange de valeurs entre les patrimoines des acteurs publics et privés et la satisfaction de besoins propres à la personne publique pouvaient cristalliser un marché public si la relation ne passait pas par un rapport organique entre les parties à l’échange.

Fort de leur succès, les GIP ont été multipliés selon un principe d’opportunité, plus que par une démarche rationnelle. Ils sont apparus dans de nombreux domaines de l’action publique, comme l’aménagement et le développement du territoire, l’éducation et la culture, l’énergie, l’environnement, la coopération internationale, par exemple. Chaque type de GIP trouvait alors son fondement juridique dans des textes normatifs spécifiques, qu’il a fallu multiplier au gré des mutations des différents domaines de l’action publique.

Mais le recours à la loi étant nécessaire pour créer une nouvelle catégorie de GIP, il était très difficile, en réalité quasiment impossible, de répondre efficacement à l’émergence des projets diversifiés qui surgissent de plus en plus du dialogue entre le secteur public et les opérateurs privés. Les restrictions budgétaires des uns et le recours indispensable par les autres à des infrastructures ou des droits des patrimoines publics, suscitent un intérêt accru pour la formule du GIP auquel, bien souvent l’on ne pouvait pas répondre faute de catégorie d’accueil disposant d’un support législatif ; par exemple, pour le développement en commun de produits ou de services innovants destinés à répondre à des besoins certains ou très vraisemblables mais futurs.

Avec la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, le législateur a réuni dans une loi cohérente les dispositions normatives définissant le GIP, autrefois disparates. Le chapitre II de cette loi
Création des groupements d’intérêt public ») qui regroupe ses articles 98 à 122, organise un cadre général et générique pour les GIP dont la nature est posée dans un cadre large :

« Le groupement d'intérêt public est une personne morale de droit public dotée de l'autonomie administrative et financière. Il est constitué par convention approuvée par l'Etat soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre l'une ou plusieurs d'entre elles et une ou plusieurs personnes morales de droit privé.
Ces personnes y exercent ensemble des activités d'intérêt général à but non lucratif, en mettant en commun les moyens nécessaires à leur exercice. (…)
» (article 98, al. 1 et 2).

L’essentiel est dit : un objet d’intérêt général sans recherche de profit (celui-ci pouvant surgir, heureusement, comme produit sporadique d’une gestion efficace et devant, alors être investi dans l’activité du GIP ou réservé mais jamais distribué pendant la vie du GIP), l’association de moyens publics différents ou de moyens mixtes publics et privés, une personnalité juridique de droit public, une approbation étatique au cas par cas.

Le centre de gravité de la gouvernance des GIP est ancré dans le secteur public : « Les personnes morales de droit public et les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public doivent détenir ensemble plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes délibérants. » (article 103, al. 1).

Les principaux traits de ce régime sont posés : « l’Etat approuve la convention constitutive ainsi que son renouvellement et sa modification, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat » (article 100) ; « l’Etat peut désigner un commissaire du Gouvernement chargé de contrôler les activités et la gestion du groupement, sauf si l’Etat n’est pas membre de ce dernier » dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat (article 114) ; enfin, « la comptabilité du groupement est tenue et sa gestion assurée selon les règles du droit privé, sauf si les parties contractantes ont fait le choix de la gestion publique dans la convention constitutive ou si le groupement est exclusivement constitué de personnes morales de droit public soumises au régime de comptabilité publique » (article 112).

Le décret en Conseil d’Etat n° 2012-91 du 26 janvier 2012 relatif aux groupements d’intérêt public, précise les conditions dans lesquelles l’Etat approuve la convention constitutive du GIP ; définit les pouvoirs du commissaire du Gouvernement comme les conditions dans lesquelles celui-ci peut s’opposer aux décisions du groupement ; enfin, prévoit les circonstances dans lesquelles le GIP peut être soumis au contrôle économique et financier de l’Etat.

En conclusion, le nouveau dispositif permet de recourir à un organe de coopération entre moyens publics et initiative privée, dont la configuration variable peut être déclinée selon plusieurs modes. Le dessin maximal est celui de la personne de droit public, dotée d’un capital, avec une limitation de la responsabilité de chaque membre à hauteur de sa part de capital, fonctionnant selon les règles de la comptabilité privée et avec des personnels soumis au droit commun du code du travail, avec une reprise des apports à la liquidation du GIP ; sans commissaire du Gouvernement et sans contrôle économique et financier de l’Etat.

Si l’on cherche à repousser encore plus loin les lignes, il faut s’interroger sur la portée de la loi et du décret à l’égard de deux questions :

- dans quelle mesure les membres du GIP peuvent-ils décider d’atténuer les effets du système de majorité de principe prescrit en faveur des personnes publiques, par exemple par la conclusion d’une « pacte de gouvernance » qui permettrait d’asseoir un équilibre et un partage des pouvoirs décisionnels entre les coopérants publics et privés en fonction des exigences objectives de leur projet commun ?

- la distribution de l’excédent d’actif apparaissant à la liquidation du GIP, après la reprise des apports des membres constituants, peut-elle aller en faveur de tous les membres du GIP liquidé, de certains d’entre eux seulement ou, au contraire, leur est-elle interdite pour devoir être faite exclusivement au profit de bénéficiaires tiers à l’opération de coopération ?

Nous nous efforcerons de mesurer l’attractivité du nouveau dispositif en suivant les constitutions de nouveaux GIP intervenues depuis la publication du décret du 26 janvier 2012, pour en rendre compte ici.

L’on peut pronostiquer que ce dispositif devrait bénéficier d’un certain engouement pour la réalisation de coopérations industrielles innovantes en matière de défense et de sécurité, particulièrement pour la réalisation de programmes expérimentaux financés sur fonds propres de l’industrie mais qui ne peuvent pas être menés sans le recours à des moyens étatiques inaccessibles ou non-reproductibles, comme les moyens d’essai ou différentes plateformes terrestres, navales ou aériennes devant être utilisées dans le cours de leur usage opérationnel (l’on pense, par exemple, à un système d’armes naval devant être développé pendant les opérations à la mer d’un bâtiment militaire ou de plateformes innovantes devant être armées avec des personnels étatiques pendant la poursuite de leur développement).


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