Rixe mortelle sur l’A13: les mots nus des écoutes téléphoniques
Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 12/04/2013
C'est une jolie jeune femme à l'allure sage, portant ses cheveux sombres noués en chignon sur la nuque, qui décline son identité d'une voix intimidée à la barre des témoins. Elle se prénomme Vanessa, elle a épousé "religieusement" l'un des accusés, elle est "gestionnaire de portefeuille". De la rixe qui a coûté la vie à Mohamed Laidouni, elle dit ne pas savoir grand chose. Elle n'était pas avec son compagnon ce soir là, il lui avait emprunté la puce de son portable, elle l'avait appelé avec un autre téléphone à 4 heures du matin parce qu'elle "s'inquiétait". Elle dit qu'elle le connait depuis longtemps, qu'il est gentil, qu'elle connaît aussi la plupart de ses amis assis à côté de lui dans le box. Elle sait qu'il est suspecté d'être l'homme vêtu d'un pantacourt blanc et d'un tee shirt Manchester United, qui a porté l'un des plus violents coups de pied sur le corps de Mohamed Laidouni.
Ses épaules se plient un peu quand le président de la cour, Pierre Pélissier, évoque devant elle "un certain nombre d'écoutes téléphoniques et de retranscriptions de SMS qui figurent au dossier". Elles ont été réalisées au début de l'instruction, lorsque les enquêteurs apprenant que les accusés disposaient de téléphones portables en détention, s'étaient bien gardés de leur faire retirer.
Le président commence la lecture d'une conversation interceptée entre Vanessa et son compagnon, Ismail Seghna. Il semble furieux, accuse quelques uns de ses co-accusés de l'avoir "fumé" - donné - devant le juge. Il en veut surtout à la jeune fille, Claire, qui était avec eux le soir du 27 juin et qui le met précisément en cause en racontant qu'aussitôt après la rixe, il avait changé son pantacourt et ses baskets qui portaient des traces de sang.
Elle: "Elle dit, là, que c'est toi qui a terminé le mec à coups de pied". Lui: "L'autre là, la Claire, elle a intérêt à...elle va changer ses dépositions direct". Elle: "Ben ouais, c'est chaud, y'a des années en jeu là". Lui: "Elle va payer ça". Elle: "Tu dis que t'as jamais porté de pantacourt de ta vie. Tu dis: ‘écoutez, moi, j'ai jamais montré mes jambes’".
L'accusé évoque plus loin un de leurs amis communs, un certain Nordine, qui assiste à l'échange: "Il faut qu'il la retrouve cette salope. Faut qu'elle dise: ‘les keufs m'ont mis la pression. j'ai raconté des conneries. Elle a juste ça à dire, cette fils de pute de sa mère".
Nordine parle à son tour: "C'est qui? la céfran? [la Française]". - "Oui. Claire". Nordine: "Je vais lui mettre une grosse gifle dans la gueule dès que je vais la voir". Ismail Seghna: "Dis lui, elle arrête ses conneries, parce qu'elle a pété un câble, frère!". Il dit encore: "Parce que pour de vrai, j'ai rien fait, je l'ai pas tué, ce fils de pute de sa mère".
L'avocat de la famille Laidouni, Me Francis Szpiner, demande la parole et s'adresse à la jeune femme mal à l'aise à la barre.
- Vous vous souvenez de cette conversation?
- Non, pas vraiment. Mais si elle est sur le papier...La fille, on n'a jamais cherché à la revoir. C'est vrai, on avait peur. Mais on n'a jamais rien fait".
Quand elle quitte la barre, le regard que la cour et les jurés posent sur elle semble avoir changé.