L’imprimante 3D : l’impression d’une révolution
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Matthieu Bourgeois, Amira Bounedjoum, 28/11/2014
Estimé à 669 millions de dollars en 2014, en hausse de 62 % par rapport à 2013, le marché de l’imprimante 3D est en pleine explosion… au risque de faire apparaître quelques fissures dans notre édifice juridique. Retour sur une révolution technologique et juridique.
1) DE QUOI S’AGIT-IL ?
Une imprimante tridimensionnelle (« 3D ») est une machine permettant la fabrication d’objets en trois dimensions.
Opérant à partir d’un modèle d’objet en 3D – obtenu, soit via un fichier 3D natif récupéré auprès d’un éditeur ou bien créé par l’utilisateur, soit après mesure d’un modèle physique au moyen d’un scanner –, l’imprimante 3D déclenche un processus de fabrication par addition de matière. Plusieurs techniques varient d’un matériel à l’autre : dépôt d’une résine (stéréolithographie), agglomération d’une poudre synthétique (frittage), dépôt de matières en fusion (FDM
Opérant à partir d’un modèle d’objet en 3D – obtenu, soit via un fichier 3D natif récupéré auprès d’un éditeur ou bien créé par l’utilisateur, soit après mesure d’un modèle physique au moyen d’un scanner –, l’imprimante 3D déclenche un processus de fabrication par addition de matière. Plusieurs techniques varient d’un matériel à l’autre : dépôt d’une résine (stéréolithographie), agglomération d’une poudre synthétique (frittage), dépôt de matières en fusion (FDM
2) UN ENGOUEMENT RECENT
Pour la plupart brevetées, certaines de ces technologies sont très récemment tombées dans le domaine public – comme celle du frittage – faisant chuter le prix de ce type de machine. Progrès technique aidant, l’imprimante 3D, hier réservée au domaine du prototypage professionnel, s’invite aujourd’hui sur le marché des particuliers.
3) LES DEFIS JURIDIQUES
3.1) Pour les titulaires de droits de propriété intellectuelle : des exceptions à leur monopole ?
Prenons l’hypothèse d’une personne utilisant une imprimante 3D pour reproduire plusieurs exemplaires de jouets ou de bijoux, sans l’autorisation de leurs fabricants.
Sur le terrain du droit d’auteur, cette personne pourrait valablement se prévaloir de l’exception de copie privée, si sa source (son approvisionnement) est licite et sauf à réaliser un nombre de copies qui serait incompatible avec le caractère restrictif selon lequel cette exception doit être appréciée (règle dite du « test des trois étapes » – art. L.122-5 CPI).
Supposons maintenant que l’objet soit breveté et/ou protégé par un dessin et modèle : l’utilisateur de l’imprimante pourrait invoquer l’exception de reproduction à des fins non commerciales (art. L.513-6 et L.613-5 CPI).
Enfin, si cet objet est protégé par une marque que l’imprimante reproduit sur la copie, l’utilisateur devrait pouvoir invoquer l’absence d’usage de la marque dans « la vie des affaires » et tenter d’échapper ainsi au grief de contrefaçon.
3.2) Pour les fabricants d’imprimante 3D : une responsabilité en cas de dommage causé par un objet imprimé défectueux ?
Au vu des techniques actuelles, les objets imprimés ne seront que très rarement de même qualité et de même robustesse que les originaux. Prenons l’exemple d’une personne « imprimant » une pièce mécanique et l’intégrant sur son vélo ; la pièce, moins robuste que celle d’origine, rompt et provoque un accident causant un dommage corporel à un tiers. En cas d’insolvabilité du cycliste, le tiers pourrait-il agir sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux (art. 1386-1 et s. C. civ) et si « oui » contre qui? Les textes actuels définissent le producteur comme la personne qui, agissant « à titre professionnel », a mis sur le marché le produit défectueux. En admettant ce fondement, il serait délicat de définir le producteur responsable puisqu’une multitude d’intervenants peut être mise en cause. En effet, l’éditeur d’un fichier 3D imparfait ou le fabricant d’une imprimante 3D présentant un défaut de conception pourraient voir leur responsabilité engagée sur ce fondement, à moins qu’ils ne démontrent que les défectuosités résultent des choix de l’utilisateur tels que les matériaux employés.
La définition des responsabilités respectives des différents acteurs est un enjeu central dans le développement de cette nouvelle génération d’imprimante, qu’il reste à déterminer. Pour l’heure, l’encadrement contractuel des relations avec les utilisateurs est une première approche permettant de sécuriser les projets d’impression 3D.
les Vendredis de l'IT n°28 du 28/11/2014
Prenons l’hypothèse d’une personne utilisant une imprimante 3D pour reproduire plusieurs exemplaires de jouets ou de bijoux, sans l’autorisation de leurs fabricants.
Sur le terrain du droit d’auteur, cette personne pourrait valablement se prévaloir de l’exception de copie privée, si sa source (son approvisionnement) est licite et sauf à réaliser un nombre de copies qui serait incompatible avec le caractère restrictif selon lequel cette exception doit être appréciée (règle dite du « test des trois étapes » – art. L.122-5 CPI).
Supposons maintenant que l’objet soit breveté et/ou protégé par un dessin et modèle : l’utilisateur de l’imprimante pourrait invoquer l’exception de reproduction à des fins non commerciales (art. L.513-6 et L.613-5 CPI).
Enfin, si cet objet est protégé par une marque que l’imprimante reproduit sur la copie, l’utilisateur devrait pouvoir invoquer l’absence d’usage de la marque dans « la vie des affaires » et tenter d’échapper ainsi au grief de contrefaçon.
3.2) Pour les fabricants d’imprimante 3D : une responsabilité en cas de dommage causé par un objet imprimé défectueux ?
Au vu des techniques actuelles, les objets imprimés ne seront que très rarement de même qualité et de même robustesse que les originaux. Prenons l’exemple d’une personne « imprimant » une pièce mécanique et l’intégrant sur son vélo ; la pièce, moins robuste que celle d’origine, rompt et provoque un accident causant un dommage corporel à un tiers. En cas d’insolvabilité du cycliste, le tiers pourrait-il agir sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux (art. 1386-1 et s. C. civ) et si « oui » contre qui? Les textes actuels définissent le producteur comme la personne qui, agissant « à titre professionnel », a mis sur le marché le produit défectueux. En admettant ce fondement, il serait délicat de définir le producteur responsable puisqu’une multitude d’intervenants peut être mise en cause. En effet, l’éditeur d’un fichier 3D imparfait ou le fabricant d’une imprimante 3D présentant un défaut de conception pourraient voir leur responsabilité engagée sur ce fondement, à moins qu’ils ne démontrent que les défectuosités résultent des choix de l’utilisateur tels que les matériaux employés.
La définition des responsabilités respectives des différents acteurs est un enjeu central dans le développement de cette nouvelle génération d’imprimante, qu’il reste à déterminer. Pour l’heure, l’encadrement contractuel des relations avec les utilisateurs est une première approche permettant de sécuriser les projets d’impression 3D.
les Vendredis de l'IT n°28 du 28/11/2014