Loi NOTRe : Création d'une action récursoire de l’État contre les collectivités territoriales en cas de condamnation pour manquement par la Cour de Justice de l’Union Européenne.
droit des collectivités territoriales - actualités et miscellane - Luc BARTMANN, 22/07/2015
La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) a été définitivement adoptée le 16 juillet 2015 par le Parlement, après passage en commission mixte paritaire. voyez ici et ici.
Ce texte comporte une disposition introduisant une possibilité d’action récursoire de l’État contre les collectivités territoriales en cas de condamnation pour manquement par la Cour de Justice de l’Union européenne.
Cette nouveauté a été générée par un double constat :
- D’une part, au regard du droit de l’Union européenne, seuls les États membres ont à répondre des manquements commis sur leur territoire. Ainsi, en cas de violation de ce droit, les procédures existantes ne s’appliquent qu’aux seuls États membres, quand bien même le manquement ne relèverait pas de l’État lui-même, mais d’une collectivité territoriale ou d’un de leurs groupements et établissements publics.
- D’autre part, aucun dispositif d’action récursoire de l’État à l’égard des collectivités territoriales ne permet, à ce jour, de faire supporter à ces dernières tout ou partie des conséquences financières pouvant résulter pour l’État d’une condamnation par la CJUE pour manquement au droit de l’Union européenne imputable à l’exercice d’une compétence décentralisée.
Le texte définitivement adopté, malgré un opposition du Sénat tout au long du processus parlementaire, prévoit des garanties pour les collectivités concernées en les associant plus étroitement à la procédure d’instruction du manquement, ce qui permet de justifier au final une mise à leur charge de tout ou partie des conséquences financières induites par la procédure en manquement.
Le nouvel L. 1611-10 du CGCT comporte 7 dispositions principales:
1°) Un mécanisme d’information des collectivités concernées :
« Lorsque la Commission européenne estime que l’État a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en application du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et que l’obligation concernée relève en tout ou partie de la compétence de collectivités territoriales ou de leurs groupements et établissements publics, l’État les en informe et leur notifie toute évolution ultérieure de la procédure ... »
2°) Une obligation pour les collectivités d’informer l’État :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements et établissements publics mentionnés au I transmettent à l’État toute information utile pour lui permettre de vérifier l’exécution de ses obligations et d’assurer sa défense. »
3°) La création d’une commission consultative
« composée de membres du Conseil d’État, de magistrats de la Cour des comptes et de représentants des collectivités territoriales ».
4°) Le provisionnement du risque financier induit et de sa gestion ainsi que les suites d’une condamnation prononcée par la Cour de Justice de l’Union. Les représentants des collectivités sont entendus dans le cadre de la commission consultative. Dès le lancement de la procédure par la Commission Européenne, la commission consultative se prononce sur la
« répartition prévisionnelle de la charge financière entre l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements et établissements publics à raison de leurs compétences respectives ».
6°) Le renvoi à un décret pour la détermination, le partage et le recouvrement des sommes dues par les collectivités territoriales et leurs groupements et établissements publics qui constitueront des dépenses obligatoires. Le décret pourra prévoir un échéancier pluriannuel de recouvrement de ces sommes pour les collectivités territoriales et leurs groupements dont la situation financière ne permettrait pas l’acquittement immédiat de ces charges ; et en cas de situation financière particulièrement dégradée, ces charges peuvent même faire l’objet d’un abattement total ou partiel.
7°) L’entrée en vigueur de ces dispositions au 1er janvier 2016 et leur applicabilité aux procédures engagées par la Commission européenne qui n’ont pas donné lieu au prononcé d’un arrêt constatant un manquement.