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Un Attali pour penser

Justice au singulier - philippe.bilger, 31/12/2012

Un dictionnaire incarné. On le regarde. A -t-il changé de coiffure, un nouveau style d''habillement, la barbe, d'autres lunettes ? Mais il n'est pas people ni peuple : il est Jacques Attali.

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La comparaison est vulgaire mais Jacques Attali est cet intellectuel dont on ne peut se passer, qui vient toujours en dernier recours, on ne sait jamais, pour la touche savante.

C'est comme, à la fin des soirées arrosées, le traditionnel et familier "encore un pour la route" ! Une poire pour la soif ! Encore un Attali pour l'esprit !

Il y a toujours de la place pour Jacques Attali parce qu'il est partout. Rien de ce qui est culturel ne lui est étranger, même pas les éloges funèbres de chanteurs.

Ce qui relève de la société, de l'économie et de la finance n'a aucun secret pour lui. Il écrit, il commente, il prévoit, il dialogue, il réplique, il conseille, il admoneste, il rassure. Avec, sans cesse, cette apparence d'imperturbable et tranquille certitude qui laisse croire qu'il a des contacts privilégiés avec la Vérité, qui nous échappent à nous pauvres mortels. L'abstraction, chez lui, se pare toujours d'arguments, d'éléments techniques, quantitatifs. Comme on ne sait pas les contredire, il l'emporte.

Jacques Attali est une encyclopédie à lui seul et il serait inconvenant de se moquer d'une telle personnalité.

D'autant plus que les accusations de plagiat à son encontre sont très éloignées - pour son "Histoires du temps" - et que ses penchants somptuaires à la BERD sont oubliés depuis longtemps.

J'éprouve, à titre personnel, une sympathie admirative et familière - tant il fait partie de notre espace - pour cet être omniprésent capable de traiter de tout. J'ose m'abriter sous son aile très protectrice quand sur Twitter certains me reprochent de donner mon avis sur tous les sujets. Si je ne le faisais pas, je ne vois pas à quoi pourraient bien servir les tweets. Mais qu'on se rassure : je me sens comme l'Attali du très pauvre et très infirme là où on affirme qu'il excelle : pour mettre les gouvernements, quels qu'ils soient, sur la bonne voie.

Il a été conseiller spécial de François Mitterrand et se frotter au jour le jour à un tel politique a dû être une exaltante leçon de vie et de pouvoir. A dire vrai, je n'ai pas trop aimé l'attitude ultérieure d'Attali dans son rôle de chroniqueur orienté et curieux, mais qui n'a pas été jugé coupable de concurrence déloyale. Mitterrand a été tellement important qu'il aurait mérité, de la part de certains, le silence.

Il a présidé des commissions pour Nicolas Sarkozy et il ne s'est jamais caché d'être très proche de l'ancien président.

Mais j'ai cru comprendre aussi que ses liens avec François Hollande étaient sinon amicaux du moins suffisamment forts pour que ses recommandations médiatiques soient entendues. La dernière qu'il prodigue prévient le président que "le remaniement serait une faute". Nul doute que François Hollande sera convaincu d'autant plus qu'il a déjà fait valoir la même position (Le Parisien).

De qui, de quoi Jacques Attali n'est-il pas l'intime, le confident, l'observateur, de quel pouvoir n'est-il pas familier, de quel thème n'est-il pas, et de loin, le plus habile analyste, le commentateur le plus éclairé ?

Ses articles préparent à l'action et il se dispute avec Michel Onfray qui peu ou prou, lui impute de n'être qu'un pur intellectuel. Jacques Attali ne veut rien laisser en dehors de son emprise. Il y a en lui un Sarkozy qui ne serait pas agité. Ce qu'il écrit serait gros du réel à venir. Et le réel est sa matière pour écrire. L'homme complet. Tel qu'il se voit, tel qu'il s'espère. Tel qu'on l'invite.

Jacques Attali se trouve bien au-delà de nos catégories ordinaires. L'opportunisme est une forme d'artisanat de l'ambition qui n'a pas l'ombre d'un rapport avec cette consécration façonnée par le temps, les relations et l'aura à la fois justifiée et médiatiquement nourrie et entretenue.

On ne peut rien faire sans Jacques Attali. On ne cherche même plus à savoir s'il a tort ou raison. Il est là, c'est tout, et on l'a à portée de soi. A chaque fois qu'on serait tenté par le doute, il coche la case appropriée. Ce pourrait être lassant mais on y trouve en définitive plus d'avantage que d'embarras.

Un dictionnaire incarné.

On le regarde. A-t-il changé de coiffure, un nouveau style d'habillement, la barbe ou d'autres lunettes ?

Mais il n'est pas people ni peuple.

Il est Jacques Attali.


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