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La Justice demain : de Charybde en Scylla ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 9/05/2015

Tout cela serait risible si en 2017 nous ne risquions pas d'avoir, avec le retour souhaité d'une droite honorable, contre la Justice, ces mêmes outrances, partialités et irrespects ! D'avoir Scylla après avoir eu Charybde !

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On mesure le pire qu'on subit en matière judiciaire mais demain, qu'en sera-t-il ?

Je rappelle que la politique pénale calamiteuse de la gauche au pouvoir et sa conception partiale et vindicative de la République - notamment caractérisée par l'exclusive stigmatisation morale de ceux qui n'ont pas la même vision intellectuelle et sociale qu'elle - ont tout de même laissé place à deux avancées significatives sur lesquelles je pensais qu'il serait difficile de revenir.

D'une part, une courtoisie démocratique au bénéfice du corps judiciaire dont la mission respectée est fondamentale dans une République respectable.

D'autre part, la liberté et l'indépendance des pratiques judiciaires, mieux garanties depuis 2012 que sous le quinquennat précédent.

Ce qui m'incline au pessimisme pour l'avenir est d'abord de constater que depuis l'élection de François Hollande, l'opposition n'en a pas profité pour, sérieusement et profondément, engager une réflexion sur la Justice et les rares réformes essentielles dont l'institution et donc les citoyens auraient besoin.

Ensuite, à ma connaissance, parmi les candidats plausibles pour la primaire de 2016, seul Alain Juppé a annoncé la publication, le moment venu, d'un ouvrage consacré aux sujets régaliens que sont l'exigence de sécurité et sa mise en oeuvre, le rôle de la justice avec des perspectives et propositions opératoires.

Enfin - et c'est infiniment plus préoccupant -, la validation des écoutes téléphoniques des échanges de Nicolas Sarkozy avec son avocat par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a suscité, dans le camp de l'ancien président, des réactions qui inquiètent.

Je conçois bien que ce qui est, pour le commun des citoyens, une victoire de l'état de droit - même si Nicolas Sarkozy s'est pourvu en cassation - n'apparaisse pas forcément tel à ceux qui n'avaient pour ambition professionnelle que sa défaite ou en tout cas l'annulation de ce qui accablait leur champion.

Mais il y a des ripostes politiques qui tout de même font frémir.

Je relève que systématiquement la justice est prétendue acharnée quand elle donne tort aux causes de Nicolas Sarkozy - le pluriel est malheureusement obligatoire - mais sereine quand elle leur donne raison. Il y a déjà là sur le plan intellectuel la manifestation d'une hémiplégie choquante et partisane. Parce que ce n'est plus le citoyen qui apprécie mais le militant qui s'indigne, avec son ignorance souvent et son aveuglement toujours.

Il était inévitable qu'Henri Guaino - un ami avec lequel je suis, sur ce plan, en désaccord permanent mais dont j'aime la liberté d'expression et sa capacité d'accepter la rançon de celle-ci, les répliques qu'elle appelle à tout coup - mette son grain de sel, d'intelligence et de provocation dans cette joute. Cette dernière lui permettait en effet à la fois de fustiger la justice et de soutenir Nicolas Sarkozy, une double opportunité à laquelle, avec son tempérament, il ne pouvait demeurer étranger.

A nouveau, de la même manière que certaines de ses attaques précédentes avaient largement, à mon sens, dépassé la mesure, il s'en prend, à cause de cette validation procédurale, "à une ivresse de la surpuissance, une forme d'irresponsabilité chez certains juges" et il ajoute : "Il faudrait réformer tout ça...par référendum...pour instaurer des principes de responsabilité et soumettre cette réforme aux Français...", en continuant à revendiquer "la suppression du syndicalisme dans la magistrature".

La démarche d'Henri Guaino, dans le registre judiciaire qu'il semble affectionner, est toujours la même : un mélange de dénonciation singulière erratique, imprudente et de réflexions générales stimulantes, voire décapantes. Il dégrade les secondes à cause de la première. Son intelligence qui devrait entraîner là manque ses effets par un parti pris ici.

Sur le premier point, comment ne pas s'étonner - c'est un euphémisme !- du fait qu'avec une assurance péremptoire, il déclare "que la validation des écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat signifie que le secret professionnel est mort..." ?

Comment accepter cette affirmation qui ne se nourrit que d'elle-même sans l'ombre d'une justification fondée extrinsèque : "Je ne trouve pas anormal que des juges aient les moyens de placer des gens sous écoutes mais encore faut-il, lorsqu'on leur donne ce pouvoir, qu'ils l'utilisent avec retenue et responsabilité, et je trouve que ce n'est pas ce qui a été fait dans cette affaire" ? (Le Figaro.fr)

Ainsi Henri Guaino qui ne connaît pas ce dossier disqualifie, certes avec plus de délicatesse qu'à l'encontre, hier, du juge Gentil, les magistrats qui ont statué en le connaissant !

Ai-je seulement besoin de rappeler cette litanie qui démontre le caractère infiniment prévisible des positions d'Henri Guaino ? Nicolas Sarkozy comme témoin assisté pour abus de faiblesse : c'est une honte. Mis en examen du même chef : un scandale. Une ordonnance de non lieu en sa faveur : une justice qu'on approuve et qu'on respecte. La validation des écoutes téléphoniques : une grave erreur.

Cela continuera demain avec le même rythme syncopé et alternatif. Seulement inspiré par la sauvegarde ou non de Nicolas Sarkozy.

Henri Guaino est brillant. Imaginons alors ce qu'il doit en être pour la masse des militants UMP chauffés à blanc par l'inconditionnalité et l'ignorance !

Tout cela serait risible si en 2017 nous ne risquions pas d'avoir, avec le retour souhaité d'une droite honorable, contre la Justice, ces mêmes outrances, partialités et irrespects !

D'avoir Scylla après avoir eu Charybde !


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