Au Macron et à la Hollande !
Justice au Singulier - philippe.bilger, 15/08/2018
Au Macron et à la Hollande !
Au chat et à la souris !
Il y avait quelque chose de pitoyable, presque de pathétique dans la volonté manifestée par François Hollande de revenir tout de suite dans le jeu après la victoire d'Emmanuel Macron, à laquelle il avait cru moins que tout autre. Mais au moins, longtemps il n'a gêné personne.
D'abord, il n'avait pas supporté de ne pas se représenter en 2017 même si, avec un humour de plus en plus jaune, il en tire la conclusion, face à ce qui lui reste de soutiens, qu'il n'a pas été battu à l'élection présidentielle.
Surtout, depuis quelques mois - et le succès de son livre n'y est pas pour rien avec la confusion qui l'incline à croire que ses lecteurs sont de potentiels électeurs, méprise dont Nicolas Sarkozy avait lui-même pâti - il mène un combat singulier contre Emmanuel Macron que, paraît-il, il méprise (mais il vit mal de n'avoir pas été invité à l'Elysée !).
Il ne lui pardonne pas, alors qu'il se vantait de n'être pas naïf en politique, d'avoir été floué. Il s'était laissé abuser par des avancées que son "poulain" lui présentait comme socialistes et solidaires alors qu'elles ne servaient que la cause d'Emmanuel Macron. Celui-ci gagnant d'ailleurs haut la main le défi de l'emporter, nouveau et jeune, dans un monde trop usé et convenu.
François Hollande se laisse doucement bercer par l'encens tardif et rétrospectif que d'aucuns déversent sur lui. L'amour de Julie Gayet fait dire à celle-ci que beaucoup de gens "attendent son retour". Elle sans doute, mais qui d'autre ?
Des jeunes hollandistes ont lancé un tract pour 2022 en déclarant que l'histoire n'était pas "terminée" et en brossant sommairement un bilan élogieux et tronqué du bilan de leur champion.
On pourrait sourire, sans la tourner en dérision, de cette énergie indéracinable qui a conduit François Hollande, à peine le temps de se dire qu'il ne serait plus dans la joute présidentielle, à s'y relancer mais sur un mode aigre et vindicatif qui ne l'honore pas. Que n'aurait-il pas dénoncé si Nicolas Sarkozy, vaincu en 2012, s'était montré si rapidement aussi peu élégant envers lui et si peu accordé avec l'esprit républicain qui l'avait élu pour cinq ans !
François Hollande me semble depuis quelque temps clairement sorti de la compétition politique normale pour laisser toute sa place à un ressentiment personnel qui l'incite d'une certaine manière à ridiculiser la démocratie et donc le pouvoir macronien par contrecoup.
Je ne peux pas analyser autrement cette plaisanterie qui consiste à suivre le président à la trace, en signant son livre par exemple à soixante kilomètres de Brégançon. A cause de François Hollande, ce qui aurait pu être un retour politique dans la dignité - il l'est d'ailleurs si peu qu'il cherche autant à damer le pion au président qu'à gêner Olivier Faure et le parti socialiste - est devenu plutôt une sorte de course à l'échalote, de suivisme, presque de vaudeville où l'un s'imagine qu'en demeurant à tous points de vue dans les basques de l'autre il découvrira peut-être ses secrets et pourra, lui aussi, un jour, ressurgir dans la lumière (Le Monde).
Même ce mimétisme médiocre, cet empressement à faire oublier 2017 en se projetant vers 2022, ne seraient pas trop dommageables s'ils ne troublaient pas la posture présidentielle. Après une année de mandat tous comptes faits très positive - avec cette affaire Benalla qui est venue pourtant il y a quelques semaines nous rappeler qu'il est extrêmement difficile de résister aux coteries et aux fidélités clientélistes alors qu'on a la chance d'être en charge du peuple -, on peut déplorer que François Hollande pollue la présidence avec son jeu du chat et de la souris. Qu'il inscrive l'élection d'Emmanuel Macron dans le registre du coup de chance et de la manipulation et qu'il dégrade ainsi ce qu'elle a permis jusqu'à aujourd'hui.
Petit dans son obsession de revanche, François Hollande ne risque-t-il pas par contagion d'abaisser son vainqueur en stratégie et en tactique en le mettant par force dans une comédie sans allure ?
Je suis persuadé que l'Elysée est plus qu'exaspéré par ce qui se passe, la meilleure preuve en étant l'apparente sérénité avec laquelle les provocations de François Hollande sont accueillies : celui-ci ne serait pas un sujet ! Quelle manière de dire au contraire qu'il en est un, même si on peut tout à fait douter du retour de François Hollande en 2022 et même le juger inconcevable.
Il n'empêche que maintenant il est un trublion pervers jouant petit bras obsédé par les bâtons amers et narcissiques qu'il met dans les roues présidentielles.
Pourrait-on rappeler à François Hollande que la démocratie n'est pas un jeu et qu'il gagnerait à faire oublier son passé plutôt qu'à se prêter un avenir ?