« Je Suis Charlie » ne sera pas une marque française
Le petit Musée des Marques - Frédéric Glaize, 13/01/2015
Le phénomène des dépôts de marques opportunistes, cherchant à monopoliser un signe bénéficiant d’un fort bruit médiatique, n’est pas inconnu des lecteurs du pMdM. Certains sont amusants et d’autres affligeants.
L’afflux de dépôts de marques « Je Suis Charlie » après l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015 constitue le pire exemple de ce type de réaction. Un ordre de grandeur d’une cinquantaine de dépôts était évoqué dans la matinée du 13 janvier (Les Echos). Les demandes de marques françaises étant publiées environ 6 semaines après leur dépôt, ces demandes de marques ne sont pas accessible à ce jour.
Au Benelux, l’Office a publié une demande de marque « Je suis charlie », déposée le 8 janvier (ce qu’indiquent Markmatters et IPKat).
L’expression « Je Suis Charlie » s’est très rapidement répandue sur les réseaux sociaux et lors des rassemblements et marches en réactions aux terribles attentats. L’image comprenant ce slogan a été mise en ligne par Joachim Roncin, directeur artistique du magazine Stylist, le 7 janvier à 11h52 (Le Progrès). Face aux premiers signes de commercialisation de produits couvert de ce visuel, J. Roncin se déclarait opposé à une utilisation mercantile du message et de l’image dont il était à l’origine.
Dans l’après-midi du 13 janvier, l’INPI a réagi aux informations sur la cinquantaine de dépôts de marques françaises en publiant un communiqué annonçant une politique de rejet de tels dépôts. Pour l’INPI, « ce slogan ne peut pas être capté par un acteur économique du fait de sa large utilisation par la collectivité« .
La motivation sous-jacente à l’approche de l’Institut n’est pas, comme certain ont pu le supposer, celle de l’atteinte à l’ordre public (en quoi ce slogan serait-il une menace ?), mais apparait comme relative à l’incapacité du signe à exercer la fonction essentielle de la marque. Ceci semble cohérent eu égard à son usage massif.
Le récent arrêt de la cour de cassation dans l’affaire «I ♥ PARIS» (6 janv. 2015, n° 33-17.108) va en ce sens en retenant que : « les marques « I ♥ PARIS » et « J ♥PARIS » seront perçues par le consommateur comme un signe destiné à extérioriser l’enthousiasme d’une personne pour un lieu particulier et non comme une garantie d’origine commerciale du produit » (selon l’article de LSA).
Pour une perspective américaine sur les marques opportunistes faisant référence à l’actualité, je recommande le blog de Roberto Ledesma.