8000 personnes libèrent en une semaine les données manuscrites des déclarations d’intérêts des parlementaires !
Regards Citoyens - Roux, 1/08/2014
des parlementaires numérisées par les citoyens
(ces données sont des fichiers tableurs au format CSV utf-8, si vous y trouvez des symboles kabbalistiques, vous employez certainement un mauvais logiciel, utilisez plutôt un vrai tableur)
Les parlementaires l’avaient promis lors des débats des lois sur la transparence : les informations contenues dans les déclarations d’intérêts allaient être en Open Data. Mais s’imaginaient-ils que ce serait la détermination de 8 000 de leurs électeurs qui permettrait de réaliser cette promesse ?
Depuis une semaine, les déclarations d’intérêts de 920 parlementaires sont publiques et téléchargeables sur le site de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique. Si les importants revenus d’une petite minorité de nos élus ont déjà fait les gros titres de la presse, un bilan global sur les intérêts déclarés et la validité de ces déclarations n’a pas encore pu être établi : en effet la HATVP n’a publié que des versions scannées de ces déclarations manuscrites, préférant attendre le développement futur d’un site de télédéclaration pour pouvoir assurer réellement l’accès en Open Data. En l’état, il n’est donc pas possible de rechercher facilement dans l’ensemble de ces documents, ni de tirer de conclusions statistiques à partir des quelques 11 000 éléments déclarés par les parlementaires.
Comme nous avions pu le faire par le passé pour explorer les auditions des rapports parlementaires, nous avons donc ouvert quelques heures après la publication des documents par la Haute Autorité, un site invitant les citoyens à une opération de crowdsourcing, visant à ressaisir dans un format lisible par tous les intérêts déclarés par les parlementaires. L’intégration de l’outil sur certains sites de presse aidant, l’engouement sur Internet a été très rapide : quelques heures à peine après l’ouverture du site, des milliers de citoyens numérisaient les informations à un rythme frénétique atteignant jusqu’à 14 000 saisies en une heure ! Tout juste une semaine plus tard, la numérisation complète, qui aurait probablement pris plusieurs mois à la HATVP, est désormais achevée grâce à la participation de 7 924 citoyens !
Pour éviter tout risque de vandalisme et assurer une certaine qualité des données coproduites, chaque élément n’a été validé qu’une fois saisi à l’identique par trois utilisateurs différents. Il a en effet fallu mobiliser des compétences d’égyptologues, pharmaciens et autres archivistes pour parvenir à déchiffrer l’écriture de certains parlementaires. Ce sont Nicolas Dhuicq, Xavier Bertrand, Dominique Potier, Ary Chalus et Valérie Pécresse qui ont posé le plus de problèmes : les deux premiers ont ainsi du mobiliser plus de 70 personnes chacun pour rendre certains éléments de leur déclaration compréhensibles.
Observations manuscrites de Xavier Bertrand au sein de sa déclaration d’intérêts
Une première analyse de ces données laisse penser que de nombreux parlementaires n’ont pas encore réellement saisi l’importance de déclarer précisément leurs intérêts. Ainsi, seuls 36 parlementaires (4 %) déclarent avoir exercé des activités de conseil dans les 5 dernières années alors que près du double se déclare avocat, profession dont la majeure partie des activités consiste en du conseil. Et ceux-là n’ont quasiment jamais pris la peine de recenser leurs clients, alors même que c’est des relations avec ces clients que des conflits d’intérêts peuvent émerger.
De même, il est suprenant que 78 % des parlementaires n’aient déclaré aucun intérêt lié à des activités bénévoles : certains sont pourtant membres de nombreux groupes d’intérêts thématiques qui défraient régulièrement la chronique comme ceux liés à la viticulture, la filière porcine ou l’automobile, d’autres organisent ou président des colloques financés par les industries pharmaceutique ou de l’armement. Au vu du tissu associatif français, il semble enfin peu probable que seule une centaine de parlementaires soient membres d’associations ou ONGs. Si ces relations avec une partie de la société civile sont compréhensibles, il serait également légitime que les parlementaires en informent leurs électeurs pour permettre à tous de mieux pouvoir comprendre et évaluer leurs prises de position.
Contrairement aux autres parties des déclarations, les parlementaires ont largement renseigné les informations relatives à leurs collaborateurs : 99 % des parlementaires ont complété cette rubrique. Le voile est donc maintenant levé sur cette profession jusqu’à présent sans statut et pourtant essentielle de la vie parlementaire. L’annuaire des assistants parlementaires réclamé de longue date par les syndicats de collaborateurs va enfin pouvoir voir le jour. On apprend ainsi que 42 % des parlementaires emploient 3 collaborateurs et près de 3000 personnes ont été déclarées par les parlementaires sous ce statut. En revanche, il est surprenant de noter que 2,6 % des parlementaires n’emploient qu’une seule personne.
Question respect de leurs obligations déclaratives, les parlementaires semblent avoir globalement joué le jeu : l’analyse des dates de tampon par la HATVP des déclarations montre que 64 % des déclarations ont été reçues avant le délai légal du 1er février (ou deux mois après début de mandat). 31 % ont été recues moins d’un mois après la deadline et 15 déclarations ont été validées plus d’un mois après le delai légal. Ces retards seraient a priori liés à des échanges entre la HATVP et les parlementaires, un certain nombre d’entre eux s’étant par exemple trompés de formulaire. Pour quelques parlementaires les échanges ont ainsi duré jusqu’à 5 mois avant de réussir à faire accepter leur déclaration par la HATVP quelques jours seulement avant la publication !
Malgré la forte mobilisation autour de ce projet, les données désormais disponibles en Open Data sont encore largement améliorables : ne contenant que du texte brut, tel que formulé individuellement par chaque élu dans sa déclaration, de nombreux éléments manquent de cohérence d’un formulaire à l’autre. Il est par exemple difficile de tirer une vision globale des revenus annexes des parlementaires pour le moment, ceux-ci étant indifféremment déclarés en montants bruts ou net, mensuels ou annuels, etc. Un long travail de qualification, nettoyage et homogénéisation de ces données brutes reste donc encore nécessaire. Mais nous sommes convaincus que l’accès d’ores et déjà à ces données brutes, ainsi qu’à l’ensemble des 86 000 saisies anonymisées réalisées par les citoyens, ouvrent déjà la voie à de nombreux travaux.
Même si un certain nombre d’éléments a déjà pu être recensé sur l’outil collaboratif dédié aux « perles », ces données n’ont certainement pas encore révélé toutes les informations qu’elles recèlent. Gageons que la libération de ces données aujourd’hui permettra d’en exploiter pleinement tout le potentiel !
des parlementaires numérisées par les citoyens
(ces données sont des fichiers tableurs au format CSV utf-8, si vous y trouvez des symboles kabbalistiques, vous employez certainement un mauvais logiciel, utilisez plutôt un vrai tableur)