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Opération de guerre : Si, la Constitution permet un vote

Actualités du droit - Gilles Devers, 1/09/2013

Alors j’apprends qu’un débat suivi d’un vote serait impossible avant de...

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Alors j’apprends qu’un débat suivi d’un vote serait impossible avant de lancer une opération militaire en Syrie, parce qu’il faudrait changer la Constitution ? Allons, allons, ce débat est tout-à-fait possible et il existe un précédent : le 16 janvier 1991 pour la guerre du Golfe, avant l’envoi des soldats au feu.

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Une compétence de l’exécutif

Il est certain que le texte de la Constitution, rédigé sous les consignes du général de brigade à titre temporaire De Gaulle Charles, laisse peu de place au Parlement. 

Deux textes sont décisifs.

L’article 5 alinéa 2 sur la fonction du Président de la République : « Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ».

L’article 15, qui est opératoire : « Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et comités supérieurs de la Défense nationale ».

L’article 21 indique que le Premier ministre est « responsable de la Défense nationale », ce qui est une formulation assez ambiguë compte tenu du poids des articles 5 et 15.

Pour le Parlement, tout se trouve avec l’article 35, que voici :

« La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement.

« Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.

« Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort.

« Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante ».

En principe, le premier alinéa de l’article 35 devrait jouer, car « l’intégrité du territoire », qui assoit la compétence du Président par l’article 5 n’est pas en jeu. Mais un consensus s’est dégagé pour marginaliser ce texte…  De fait, il n’en a jamais été fait usage depuis le début de la V° République, et du fait d’une pratique devenue coutumière que tout passe par le canal de l’article 5.

La réforme de 2008

La situation était donc intenable, par son incohérence et la faiblesse insigne du Parlement, et des correctifs ont été introduits par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, votée sous Sarko.

Ce régime qui reste encore bien faible : une information du Parlement au plus tard trois jours après le début de l’intervention, avec un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Si l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement doit obtenir une prolongation par le Parlement, et après c’est sans limitation de durée.

L’Assemblée s’est prononcée trois fois dans ce cadre : le 22 septembre 2008, pour l’Afghanistan ; le 28 janvier 2009 pour le Tchad, la République centrafricaine, la Côte-d’Ivoire, le Liban et le Kosovo, et le 22 avril 2013 pour le Mali.

Saisi dans le cadre de l’article 35, le Parlement débat donc sans vote et alors que la décision du Président a déjà été prise.

Alors, pas de vote du Parlement ?

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Le précédent de 1991, pour la guerre du Golfe

Il existe un précédent, pour la guerre du Golfe, lorsque l’Irak de Saddam Hussein avait envahi le Koweït. La France allait engager des troupes dans le cadre d’une coalition, en exécution d’un mandat donné par le Conseil de sécurité. Avant d’agir, le président de la République François Mitterrand avait demandé au premier ministre Michel Rocard d’engager la responsabilité du gouvernement sur une déclaration de politique générale, par application de l’article 49-1 de Constitution. Cette procédure permet au gouvernement d'organiser un débat et un vote, et si la déclaration est rejetée, le gouvernement démissionne.

Le débat avait été précédé de la lecture d’un texte de Mitterrand, sur les enjeux de cette opération de guerre, qui se concluait en appelant à l’unité de la nation :

« Mesdames, messieurs, je ne doute pas que le Parlement de la République saura exprimer l'unité profonde de la nation dans cette épreuve.

« A nos soldats, ainsi qu'à leurs familles qui vont en supporter l'essentiel de la charge, j'adresse, au nom de la France ».

Michel Rocard avait développé la déclaration de politique générale, ainsi synthétisée :

« Les résolutions du Conseil de sécurité sur l'évacuation du Koweït devant être appliquées, la France est-elle fondée à y contribuer par tous les moyens envisagés par les Nations unies, y compris des moyens militaires en cas d'impossibilité avérée de toute autre solution ? C’est sur cela, et sur cela seulement, qu'il vous est demandé de vous prononcer. […] Naturellement ceux qui voteront «pour» ne seront en aucun cas présumés soutenir la politique générale du Gouvernement. Ils auront simplement signifié leur approbation du texte et de l'esprit des résolutions de l'ONU, et des conséquences qui en résultent directement pour la France, dans le cadre de ses engagements internationaux.

Après de longs débats – 19 pages au JO – le scrutin avait dégagé une nette majorité de 523 voix pour et 43 contre.

Aussi, pour avoir un débat et un vote avant l’engagement de l’opération militaire en Syrie, il suffit d’utiliser cette procédure, qui respecte « la lettre et l’esprit de la Constitution ».  


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