L’adoption en questions (495)
Droits des enfants - jprosen, 3/11/2012
L’adoption d’enfants demeure une question d’une grande actualité.
Nombre d’adultes, en couple ou seuls, vivant dans les pays dits développés, en quête (légitime) d’enfants cherchent toujours à en adopter dans leur pays. Ne les trouvant pas ils se tournent vers d’autres pays où des enfants sont réputés y être délaissés notamment du fait des conditions économiques difficiles. Là ils se heurtent aujourd’hui à des difficultés tout aussi conséquentes et ne comprennent de ne pas pouvoir y accéder. On a vu récemment plusieurs pays (Inde, Brésil, etc.), jusqu’ici pourvoyeurs d’enfants, fermer le robinet pour privilégier l’adoption nationale dès lors qu’émerge chez eux, développement économique oblige !, une classe moyenne en situation de prendre en charge des enfants sans famille.
L’actualitén, c’est encore la revendication des couples homosexuels, non seulement d’accéder au mariage, mais aussi à la parentalité en adoptant en couple quand jusqu’à présent, dans de nombreux pays, dont la France, l’adoption est ouverte aux célibataires indépendamment de leur sexualité. Ces couples ne comprennent pas qu’on leur refuse l’adoption à deux au nom d’une réflexion plus générale sur la filiation et sur le droit de l’enfant à une double filiation paternelle et maternelle. (voir infra mes différents blogs sur le sujet)
A supposer que le mariage homosexuel et l’adoption par des couples du même sexe soient autorisés, la question du désir d’enfants de ces couples ne sera pas pour autant réglée. En effet, dans la mesure où peu d’enfants sont adoptables et qu’il y a peu de chances de voir privilégier les couples homosexuels sur les couples hétérosexuels, c’est à travers la revendication de l’accès aux procréations médicalement assistées que se cristallise cette quête d’enfant et le souhait de voir consacrer un droit à l’enfant.
Les pouvoirs publics, spécialement français, résistent à reconnaitre ce droit car il faudrait créer les conditions pour le gager. En l’espèce comme garantir à tout un chacun qu’il trouvera l’enfant qu’il recherche quand justement l’enjeu public est de faire en sorte que les enfants naissent désirés par leurs géniteurs et soient élevés par eux. On doit se réjouir et on se réjouit ici qu’il n’y ait plus autant d’enfants adoptables en France qu’il y en a eu.
Dans la France de 1900, 150 000 enfants étaient pupilles de l’Etat donc officiellement sans parents titulaires de l’exercice de l’autorité parentale. Ils étaient donc adoptables. A l’époque la France comptait 26 millions d’habitants.
Aujourd’hui avec une population de 64 millions d’habitants nous dénombrons seulement 2 300 pupilles !
A cela au moins trois explications.
Une meilleure maitrise de la contraception. Dès lors les femmes e les hommes qui enfantent en ont fait le choix et se sentent en situation d’assumer l’enfant à naître.
Deuxièmement un meilleur statut de la mère célibataire qui jusqu’aux années 70 était tenu pour une mauvaise femme pour ne pas employer de mots plus crus. Aujourd’hui on n’est pas une traînée que d’avoir un enfant hors le mariage et de l’élever seule.
Enfin notre dispositif d’aide sociale s’est amélioré et on peut aider des parents, à élever seuls ou non, leur(s) enfants avec un soutien matériel ou éducatif s’il est nécessaire.
Résultat, aujourd’hui, chaque année peu d’enfants sont délaissés. Environ 500 à 1000 sont confiés sur un an à l’Aide sociale à l’enfance ou à des œuvres privés aux fins d’être adoptés - on ne parle plus dans d’abandon depuis la loi du 6 juin 1984. Quelques centaines sont l’objet d’une déclaration judiciaire d’abandon pour avoir délaissés implicitement sans l’assumer leur enfant en le confiant à l’aide sociale à l‘enfance.
Ainsi chaque année moins de 1500 enfants deviennent adoptables.
Dans le même temps on recense de 15 à 20 000 personnes désireuses d'adopter.
On voit d’entrée de jeu le problème posés quand la demande est plus forte que l’offre si je puis me permettre ces mots.
J’ajoute que les enfants adoptables sont souvent âgés – plus de 7 ans- quand les candidats à l’adoption recherchent le bébé qu’ils n’ont pas pu concevoir, en tous cas un enfant de quelque sois. Certains sont porteurs de handicaps quand les candidats à l’adoption entendent tout logiquement accueillir un enfant en bonne santé. Ils ne sont pas tous blancs de peau comme souhaité et parfois sont en fratrie.
Il est donc souvent difficile aux services sociaux de « servir » - c’est l’expression utilisée en France – un enfant à l’adoption à ceux qui les sollicitent.
L’inverse les mêmes servies sociaux ont le souci des enfants pupilles qui sont âgés, handicapés, colorés ou en fratrie.
Car si notre système ne reconnait pas le droit des adultes à accueillir un enfant par l’adoption et ‘une manière générale le droit à l’enfant – comment pourrions nous le faire ? - , il affiche le droit de l’enfant à une famille.
Pour faire simple je dirai que le droit français se résume en une phrase fondamentale qui, à mon avis, vaut dans d’autres pays proches comme le Québec : « Tout enfant a droit à une famille, d’abord la sienne, à défaut d’être accueilli dans une autre qui a vocation à devenir la sienne par l’adoption et en tous cas à être adopté ».
Cela signifie que tout doit être fait pour permettre aux enfants d’être élevés par leurs géniteurs, pour créer un climat favorable à travers une politique familiale. Une politique de ce type est nationale et locale et va bien au-delà d’un dispositif de prestations familiales.
Ce n’est qu’exceptionnellement et sur dans un cadre fixé par la loi et sur décision judicaire – donc après débat et d’éventuels recours – que l’on peut retirer un enfant de chez lui
Ce retrait n’est pas une fin en soi mais un moyen au service d’une stratégie qui vise à permettre aux parents d’exercer mieux leurs responsabilités parentale.
Généralement les enfants retrouvent leur place auprès des leurs.
Exceptionnellement cela n’est pas possible il faut les faire accueillir sur la durée par le service de l’enfance.
On veillera a priori à un accueil en famille plutôt qu’à un accueil en institution. Ce n’est pas toujours possible ; ce n’est pas toujours souhaitable. On voit des parents s’y opposer de peur de la concurrence supposée de la famille d’accueil. Les parents juridiques conservent leurs droits d’autorité parentale sur leur enfant accueilli même sur décision de justice ; encore faut-il qu’ils les exercent en se préoccupant de leur enfant.
Si l’enfant s’inscrit dans une famille car aucun retour auprès des siens n’est possible, il faudra se poser la question à terme d’une adoption, en mobilisant dans un premier temps la famille d’accueil prioritaire. Entre-temps il faut envisager une délégation d ‘autorité parentale.
Et au final si ces accueillants ne peuvent pas ou ne veulent pas - il leur faut tenir compte de leur désir d’enfant, de leur âge, de l’avis leurs propres enfants, etc. - adopter l’enfant devenu adoptable, se posera la question de l’orientation sur une famille candidate à adopter.
J’ajouterai deux notations essentielles.
L’adoption pour les enfants ne date que de 1923 quand il a fallu faire un sort digne du sacrifice de leurs parents aux orphelins des Poilus de Verdun et de la Guerre de 14-18. Pas question de les mélanger trop longtemps avec les enfants abandonnés ou les enfants retirés aux prostituées !
Deuxième notation en lien avec la première : il a fallu attendre la loi du 6 juin 1984 pour que soit affirmé le droit de tous les enfants y compris handicapés d’être adoptés. Jusque là on exigeait qu’un enfant soit en bonne santé pour être proposé à des adoptants. Il y avait un tel mystère de l’adoption – comment peut on faire sien un enfant qui n’est pas la chair de sa chair ? – qu’on ne pouvait pas en plus demander à celui-là de prendre en charge un enfant porter d e handicap.
Désormais – toujours la loi du 6 juin 1984 - tous les enfants délaissés sont adoptables même s’ils sont gravement malades au point d’être condamnés à mourir à bref délai. Et des familles s’ouvrent à ces enfants là.
En d’autres termes au plan national le souci est bien de veiller au droit de l’enfant à vivre en famille. Nous y parvenons globalement, mais des enfants peuvent encore devoir vivre en dehors de leur famille : 140 000 sont placés sur l’année ce qui est peu au regard des 13 millions de moins de 17 ans de France.
Et nous rencontrons des difficultés pour une partie de ceux qui constitue le « stock » désormais quasiment incompressible de 2300 pupilles de l’Etat.
J’ajoute, mais on y reviendra qu'il nous faut respecter aussi le cadre international fixé par la CIDE et par la convention de la Haye avec cette idée fondamentale à laquelle nous adhérons et que nous appliquons ici : dans toute la mesure un enfant doit vivre chez lui et dans sa culture. Aux politiques publiques de réunir les conditions pour que ce droit se concrétise.
Il parait aussi nécessaire dans toute la mesure du possible de veiller à assurer la stabilité des liens affectifs et juridiques entre un enfant et des adultes et d’avoir le souci de veiller au respect de son histoire.
Je veux revenir sur ces deux points.
Et déjà sur la nature de l’adoption.
L’adoption c’est sa définition même crée un lien de filiation juridique entre deux personnes qui ne sont pas du même sang. Et de cette filiation découle les droits et devoirs de l’autorité parentale.
La France connait deux types d’adoption depuis 1965 : l’adoption simple et l’adoption plénière.
L’adoption simple est additive c’est-à-dire qu’elle s’ajoute à la première filiation sans l’effacer. L’enfant entre dans sa deuxième famille, il en portera le nom. Ses parents (adoptifs) exerceront pleinement l’autorité parentale. En théorie l’adoption simple prononcée par un tribunal est réversible sur décision de justice ; on peut l’annuler. En fait il n’y pas de cas connu.
L’adoption plénière est substitutive : elle remplace en tout et pour tout la première filiation. L’enfant est réputé né dans sa nouvelle famille. Tout est effacé de la première histoire de l’enfant : l’acte d’état civil est rectifié, son nom est changé. Il s’agit d’une pure fiction. Cette adoption est irréversible. Les parents peuvent cependant abandonner l’enfant qui pourra désormais (1996) bénéficier d’une nouvelle adoption si cela est opportun.
Conclusion : l’adoption simple doit être seule retenue pour un enfant d'un certain âge ; d’ailleurs l’adoption plénière n’es pas possible après 15 ans. Pas question de nier la réalité quand l’enfant a la mémoire de sa vie antérieure en famille.
A tout âge l’enfant doit etre consulté sur le projet d’adoption ; à 13 ans il faut son accord et non plus son simple avis. Il dispose donc d’un droit de veto.
On peut adopter un enfant sans famille confié à l’Ase, mais on peut également adopter l’enfant de son compagnon ou conjoint.
L’adoption intra familiale se développe de plus en plus avec une confusion fondamentale : souvent le beau-père ou la belle-mère ne veut pas faire sien l’enfant de l’autre qu’il ou elle élève, mais être reconnu comme ayant des droits et des responsabilités à son égard. Si on adoptait enfin le statut du beau-parent on répondrait à cette attente.
L’adoption plénière offre sur le papier une stabilité juridique à l’enfant Je la combats quand elle nie à l’enfant son histoire.
J’en viens ainsi au respect du droit à l’histoire d’un enfant.
L’adoptant veut généralement remplacer par l’adoption l’enfant qu’il n’a pas eu naturellement. Or l’enfant adopté nait et vit avec son histoire : ses gènes propres, ses liens plus ou moins visibles avec ses géniteurs sa mémoire. L’adoption c’est en vérité l’histoire d’une rencontre entre individus qui chacun a son itinéraire. Une autre étape de vie va se vivre en commun. Chacun doit respecter l’autre tel qu’il a est avec ses qualités, ses défauts et son histoire. Le monde adulte a tendance à privilégier les adultes sur les enfants et à vouloir un enfant vierge de tout passé pour aller vers l’adoption et répondre aux attentes des adoptants.
Le summum est l’accouchement sous X qui par la volonté des adultes prive l’enfant de filiation originelle. Or la filiation d’un enfant n’appartient pas qu’à sa mère et à son père, mais lui appartient aussi.
De toutes les personnes que j’ai rencontrées celles qui souffrent le plus sont celles qui ont le sentiment d’avoir été amputées d’une partie d’elles mêmes quand on les prive d’accéder à leur histoire ; le sentiment d’injustice et de révolte est profond.
En d’autres termes je suis pour une adoption qui crée un lien solide sans priver l’enfant de son passé s’il souhaite y accéder.
Ainsi si on y regarde bien, l’adoption n’est qu’un instrument dans la boite à outils de la protection de l’enfance pour donner une famille à un enfant. Il est même un instrument qu’on utilisera le moins possible si l’on tient les objectifs majeurs de la protection de l’enfance.
Il s’avère que les adultes qui accueillent cet enfant sont eux-mêmes en recherche d’enfant.
D’un coup on satisfait deux attentes.
Les pouvoirs publics en charge de la protection de l’enfance doivent avoir le souci de trouver une famille – un couple ou une personne seule – qui puisse permettre à cet enfant sans famille de vivre la dimension famille avec toute sa richesse.
En revanche, sans y faire obstacle ils ne peuvent pas se préoccuper des adultes en manque d’enfants, soit qu’ils n’en aient jamais eu, soit qu’ils désirent en avoir plus. L’enfant n’est pas une marchandise. On doit combattre ces exposions d’enfants sur internet ou sur les podiums dressés dans des grands magasins comme on a pu le voir aux USA.
Trop souvent, ici comme ailleurs, on ne parle de l’intérêt de l’enfant que pour camoufler la prise en compte des intérêts des adultes. L’exemple de la revendication de l’adoption par les couples homosexuels est topique de cette observation.
La convention de la Haye et la convention internationale sur les droits de l’enfant sont d’une autre veine en traçant le bon cap !