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Greta Garbo, en effet "Divine"...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 12/08/2020

Comme Eric Neuhoff a eu la lucidité peu commune dans un brillant pamphlet contre le cinéma français de soutenir qu'Isabelle Huppert était sa pire actrice, je m'aventure jusqu'au point d'être prêt à échanger toutes les stars du cinéma mondial contre Greta Garbo.

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On la surnommait "Divine" et on avait bien raison.

Je prends le risque : femme, actrice, caractère, mythe, on n'a jamais fait mieux !

Comme Eric Neuhoff a eu la lucidité peu commune dans un brillant pamphlet contre le cinéma français de soutenir qu'Isabelle Huppert était sa pire actrice, je m'aventure jusqu'au point d'être prêt à échanger toutes les stars du cinéma mondial contre Greta Garbo.

Je sais que dans de nombreuses familles, les discussions tournent autour des goûts esthétiques de chacun, qui est la plus belle actrice, Ava Gardner, Marilyn Monroe et, joute finale souvent, faut-il préférer Marlène Dietrich ou Greta Garbo ?

Pour moi, il n'y a pas l'ombre d'un débat possible, tant chez cette dernière, par une sorte de miracle, son passé en faisait déjà une personnalité d'avenir, incorporant en elle ce qu'il y avait de magique dans l'art et la flamboyance d'antan et la modernité troublante, libre, indépendante et équivoque qui l'habitait déjà.

Je me souviens qu'il y a des années j'avais formé le projet d'écrire un livre sur les artistes qui, dans des disciplines et activités différentes, étaient sortis du lot au point de susciter une admiration intégrant leurs dons, leur talent, leur génie à leur nature exceptionnelle. Devenant ainsi emblématiques, porteurs d'un universel rendant fiers les humains bien au-delà du champ de l'opéra, de la danse, du cinéma ou de la musique. Je songeais notamment à Noureev, à la Callas, aux Beatles et d'abord à Greta Garbo.

Cette dernière m'a toujours fasciné. Jeune j'avais un poster d'elle dans ma chambre. Je regardais son visage et elle une énigme je tentais désespérément d'en déchiffrer les singularités, la profondeur, la mélancolie, la gravité, la beauté.

Mais Greta Garbo n'était pas jolie ni belle au sens classique. Il y avait toujours chez elle quelque chose qui dérogeait aux impressions convenues, qui s'en échappait.

Infiniment féminine mais virile, avec une brusquerie gracieuse, femme sportive, sans apprêt mais d'une élégance folle, rétractée, sauvage mais lumière absolue, éblouissante en public quand elle l'avait décidé, mauvaise actrice mais avec une qualité, une incandescence telles que les critères basiques d'appréciation étaient mis à bas, amoureuse parfois mais rétive, se protégeant mais capable, selon son humeur, d'un lyrisme rendant fou l'être épris d'elle, s'éloignant quand on se rapprochait, proche selon son seul gré, détestant le milieu du cinéma, infiniment mal à l'aise mais avec le charme infini de ceux qui font semblant d'ignorer qu'ils sont uniques, un jour elle s'est regardée dans la glace, après le magnifique "La femme aux deux visages" et sa danse débridée, elle a vu un pli, une ride, une fêlure. Et elle a arrêté le cinéma (Valeurs actuelles).

Et sa vie d'après est entrée dans une autre sorte de célébrité : la discrète la plus connue du monde. Des voyages, quelques liaisons, une privilégiée dans le monde, une errante de luxe, elle a failli reprendre le cinéma mais non.

Greta Garbo, une femme de toujours, portant, avec son destin, l'infinité et la plénitude des personnages que sa richesse d'être lui offrait.

Dépassant l'ordinaire, extravagante, sur les écrans, dans les têtes, dans les songes.

Comme une légende écoutée aux portes du cinéma, comme un nom planté au coeur de l'humanité.

Pour toujours Divine.


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