Equateur vs Chevron : 19 milliards de dollars de dommage environnemental
Actualités du droit - Gilles Devers, 5/08/2012
Le groupe US Chevron, la troisième compagnie pétrolière mondiale, vient de prendre une raclée devant la justice équatorienne : 19 milliards de dollars, soit environ 4 fois la somme infligée à Exxon Mobil pour la marée noire de l'Alaska en 1989. Une victoire judiciaire exemplaire pour la population équatorienne, les cinq tribus indiennes massacrées et leurs très combattifs avocats.
Le malheur d’un peuple commence souvent avec la découverte du pétrole. Pour l’Equateur, cela a été en 1964, dans les provinces de Sucumbíos et d’Orellana, au Nord du pays.
En 1967, Texaco, alors deuxième groupe mondial, a obtenu l’exploitation. Les travaux ont été gigantesques : un oléoduc traversant la forêt de l’Amazonie, 350 puits et une zone contrôlée de 442.965 hectares. De 1967 à 1992, Texaco a exporté 1 500 millions de barils de brut, pillant ainsi 80 % du pétrole équatorien. Chevron est dans l’affaire pour avoir racheté Texaco en 2001.
Et l’environnement ? Un massacre. Pour chaque puits creusé, Texaco construisait des bassins pour recueillir les déchets toxiques. Ces bassins géants étaient installés à côté des cours d’eau pour faciliter l’évacuation, et ont été ainsi largués par tonnes du benzène, du toluène, de l’arsenic, du plomb, du mercure, du cadmium et autres saloperies.
Le résultat a été la dévastation d’un million d’hectares de forêt tropicale. Cinq tribus d’indigènes qui vivaient sur ce territoire ont disparu et les dommages à la santé sont considérables.
La première action en justice contre Texaco a été engagée en 1993 devant un tribunal de New York, siège de Texaco. Huit ans de bataille de procédure, et en 2001 le tribunal a estimé que l’affaire relevait des juridictions équatoriennes, par référence au lieu du dommage.
La procédure a repris en 2003 devant la cour de justice de Laga Agrio en Equateur, avec un rôle clé pour le juge Alberto Guerra Bastides.
106 rapports d’expertise furent produits et tous démontraient la présence des hydrocarbures et des produits polluants, faisant le lien avec les atteintes graves à la santé. Chevron a tout fait pour contester les juges et combattre les preuves, mais la réalité de la pollution était incontestable… Alors, l’argument a été de dire que Texaco avait payé 40 millions de dollars dans les années 1990 pour le nettoyage des sites, et avait obtenu quitus de la part du gouvernement équatorien en 1998. La blague.
La cour de Lago Agrio n’a pas été convaincue et le 14 février 2011 elle a condamné Chevron à verser 9,5 milliards de dollars de dommages et intérêts, soit le coût réel de la dépollution et du dédommagement des victimes, demandant en outre à Chevron de présenter des excuses aux victimes faute de quoi les dommages et intérêts seraient doublés à titre punitif.
Chevron a fait appel, et le 3 janvier 2012, la cour d'appel a confirmé la condamnation. Fin juillet, la cour a constaté que Chevron n'avait pas présenté ses excuses, et la somme a été portée à 19 milliards de dollars,
Chevron a formé un pourvoi devant la Cour suprême de justice à Quito, recours non suspensif.
Jeudi, la cour a sommé Chevron d’avoir à payer cette somme « dans un délai de 24 heures » ou « dans le même délai, mettre à disposition de la justice équatorienne des biens non hypothéqués d'une valeur équivalente à ce montant ».
Pablo Fajardo, l’un des avocats des victimes, sait qu’avec ces bandits ce ne sera pas simple d’obtenir les sommes, mais les procédures d’exécution vont être engagées : « Nous sommes en train d'examiner différents lieux où se trouvent des actifs importants de Chevron et où on peut compter sur des systèmes judiciaires adaptés, impartiaux et forts ».
Bravo.