L'état d'urgence stabilisé par le Conseil constitutionnel
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Laurent-Xavier Simonel, 22/12/2015
Le Conseil constitutionnel a déclaré, mardi 22 décembre 2015, la constitutionnalité du fondement législatif des assignations à résidence ordonnées par le ministre de l'intérieur sur le fondement de l'état d'urgence
En rendant compte, ici même, des axes principaux que l'on croyait pouvoir déceler dans la question posée par Me Denis Garreau (avocat aux conseils) au Conseil constitutionnel sur les assignations à résidence décidées par l'autorité administrative sous l'état d'urgence, l'on dessinait la possibilité d'une déclaration de constitutionnalité de ce régime exceptionnel, moyennant une réserve d'interprétation - Etat d'urgence : l'audience du Conseil constitutionnel du 17 décembre 2015, Kpratique du 17/12/2015.
Il semble que l'on ne se soit pas trompé de beaucoup dans l'anticipation car la décision n° 2015-527 QPC rendue le 22 décembre 2015 conclut que les dispositions de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015, ne méconnaissent aucun droit ou aucune liberté que la Constitution garantit et, à défaut d'une véritable réserve d'interprétation, fournit un mode d'emploi opératoire de l'état d'urgence.
Il semble que l'on ne se soit pas trompé de beaucoup dans l'anticipation car la décision n° 2015-527 QPC rendue le 22 décembre 2015 conclut que les dispositions de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015, ne méconnaissent aucun droit ou aucune liberté que la Constitution garantit et, à défaut d'une véritable réserve d'interprétation, fournit un mode d'emploi opératoire de l'état d'urgence.
Le raisonnement suivi par le Conseil constitutionnel
L'assignation à résidence en état d'urgence relève exclusivement de la police administrative de préservation de l'ordre public et de prévention des infractions. Elle est sans lien avec la police judiciaire tendant à appréhender les auteurs d'infractions pénales en vue de leur sanction. Elle n'emporte pas de privation de la liberté individuelle et, dès lors, reste naturellement sous la protection juridictionnelle de la juridiction administrative.
L'assignation à résidence en état d'urgence ne méconnaît pas le droit au respect de la vie privé. Elle ne méconnaît, pas plus, le droit de mener une vie familiale normale.
En revanche, elle porte atteinte à la liberté d'aller et de venir. Mais cette atteinte, dont l'ampleur va dépendre des contraintes particulières qui peuvent l'assortir (remise du passeport ou interdiction de se trouver en relation avec des personnes dénommées, par exemple), doit être justifiée et proportionnée aux raisons ayant motivé la mesure d'assignation à résidence "dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration d'état d'urgence" (considérant 12). La mesure en cause doit être rattachable par l'objectif poursuivi avec les causes ayant conduit à l'état d'urgence.
L'assignation à résidence en état d'urgence ne méconnaît pas le droit au respect de la vie privé. Elle ne méconnaît, pas plus, le droit de mener une vie familiale normale.
En revanche, elle porte atteinte à la liberté d'aller et de venir. Mais cette atteinte, dont l'ampleur va dépendre des contraintes particulières qui peuvent l'assortir (remise du passeport ou interdiction de se trouver en relation avec des personnes dénommées, par exemple), doit être justifiée et proportionnée aux raisons ayant motivé la mesure d'assignation à résidence "dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration d'état d'urgence" (considérant 12). La mesure en cause doit être rattachable par l'objectif poursuivi avec les causes ayant conduit à l'état d'urgence.
L'encadrement de la déclaration de constitutionnalité
Les quelques 368 assignations à résidence ordonnées depuis le 14 novembre 2015 trouvent un fondement juridique solide, leurs destinataires étant placés sous la protection du juge administratif. Celui-ci est désigné comme le juge des libertés publiques pour apprécier, par un processus juridictionnel plein, "l'existence de raisons sérieuses permettant de penser que le comportement de la personne assignée à résidence constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics".
Cependant, le Conseil constitutionnel pose les traits d'un encadrement, qui ne tient pas pleinement de la réserve d'interprétation mais qui est énoncé de façon très opératoire. D'abord, pour considérer qu'il n'y a pas de mesure privative de liberté, il rappelle les dispositions législatives qui prohibent "la création de camps où seraient détenues les personnes" assignées à résidence, avant de relever que la durée de 12 heures pour l'astreinte à domicile est un plafond au delà duquel l'assignation à résidence deviendrait privative de liberté et devrait être placée, dès lors, sous le contrôle du juge judiciaire. Ensuite, il souligne que la durée de l'état d'urgence doit être fixée par la loi, au delà des 12 jours établis par décret en conseil des ministres, en fonction de la nature des circonstances ayant conduit à déclarer cette mesure exceptionnelle. Il ajoute qu'en cas de nouvelle loi de prolongation du délai de l'état d'urgence, reconnue comme possible (alors que certains exégètes affirmaient qu'une seule prorogation était concevable), toutes les mesures d'assignation à résidence tombent et doivent être reprises sous l'empire de la nouvelle loi.
Cependant, le Conseil constitutionnel pose les traits d'un encadrement, qui ne tient pas pleinement de la réserve d'interprétation mais qui est énoncé de façon très opératoire. D'abord, pour considérer qu'il n'y a pas de mesure privative de liberté, il rappelle les dispositions législatives qui prohibent "la création de camps où seraient détenues les personnes" assignées à résidence, avant de relever que la durée de 12 heures pour l'astreinte à domicile est un plafond au delà duquel l'assignation à résidence deviendrait privative de liberté et devrait être placée, dès lors, sous le contrôle du juge judiciaire. Ensuite, il souligne que la durée de l'état d'urgence doit être fixée par la loi, au delà des 12 jours établis par décret en conseil des ministres, en fonction de la nature des circonstances ayant conduit à déclarer cette mesure exceptionnelle. Il ajoute qu'en cas de nouvelle loi de prolongation du délai de l'état d'urgence, reconnue comme possible (alors que certains exégètes affirmaient qu'une seule prorogation était concevable), toutes les mesures d'assignation à résidence tombent et doivent être reprises sous l'empire de la nouvelle loi.
L'on relèvera la consécration dans l'ordre constitutionnel de l'office du juge administratif pour la protection des libertés publiques, en net contrepoint du regard porté récemment par le premier président de la Cour de cassation qui, à en croire un journal du soir, y voyait, il y a peu, "une justice service public, simple rouage de l'administration générale de l'Etat sous l'autorité du pouvoir exécutif".