Un dimanche en ordre et en désordres...
Justice au Singulier - philippe.bilger, 2/06/2019
D'abord, parce que j'y tenais après la belle victoire méritée de Liverpool en finale de la Coupe d'Europe, écouter We never walk alone, l'hymne des supporters chanté par Elvis Presley. Une splendeur constituant le football comme une geste épique.
Un moment d'exaltation avant l'ordre et les désordres.
Les désordres troubles, sombres, poignants ou indécents.
Neymar visé par la plainte d'une Brésilienne pour viol. Son père qui parle toujours à sa place dit que c'est faux et qu'il s'agit d'un chantage.
Il y a la mort de Michel Serres à 88 ans. De multiples hommages lui sont rendus. Disparition d'un philosophe accessible et bienveillant.
Un collectif de militaires adresse une lettre ouverte à Monseigneur de Romanet, évêque aux Armées françaises, pour dénoncer le fait qu'à l'initiative du Kosovo une prière islamique a été psalmodiée à Saint-Louis des Invalides. Aujourd'hui certes il ne faut plus s'étonner de rien mais je doute cependant que par exemple au Kosovo le catholicisme aurait droit à la même tolérance (Boulevard Voltaire).
Le ministre Sébastien Lecornu invite les maires LR à rejoindre LREM en présumant que les élections municipales seront le décalque des européennes (Le Point) et que les positions l'emporteront sur les convictions.
Cette certitude affichée d'une migration quasiment obligatoire est choquante. On peut la juger telle, tout en considérant que par honneur Laurent Wauquiez devrait céder la place. La reconstruction ne pourra commencer qu'avec la table rase. Sébastien Lecornu s'est sans doute appuyé sur le comportement du maire de Quimper qui, si rapidement, a quitté LR - trop dans le sillage des populistes, paraît-il - pour rejoindre la droite pro-Macron (Le Figaro). "Il y a comme cela des intuitions fulgurantes qui n'attendaient qu'une défaite pour éclore", avais-je tweeté.
L'ordre, c'est celui qui concerne la police. A la suite d'un entretien donné par le procureur de la République de Paris au Parisien au sujet notamment des Gilets jaunes, des policiers du Syndicat Alliance se disent "trahis par les autorités".
J'ai trop défendu la police dans ma vie de magistrat puis dans l'autre pour être suspect de la moindre animosité de principe à son égard. Bien au contraire. Je n'ai jamais fait peser sur elle une présomption de culpabilité.
Je n'ai rien à voir par ailleurs avec ces sociologues et chercheurs qui peu ou prou sont toujours critiques à l'encontre des autorités politiques et rarement équitables pour la police. Ainsi Sebastian Roché, chercheur au CNRS, met-il en cause dans Le Parisien "l'Intérieur incapable d'un maintien de l'ordre raisonné" - comme si cela avait été facile ! - et dénonce les dérives policières en nous assurant que "la crise est devant nous". Pour ces analystes, l'optimisme serait une faute de goût...
Quand j'ai lu les réponses de Rémy Heitz, j'ai d'abord tiqué, y décelant une propension à la visibilité dont ce haut magistrat ne semble pas exempt surtout si on le compare avec son prédécesseur François Molins qui ne s'y abandonnait que par obligation avec ses communiqués.
Puis il m'est apparu que le constat chiffré qu'il communiquait, aussi bien pour les Gilets jaunes que pour la police, n'était pas inutile mais au contraire très éclairant dans un quotidien populaire. Interpellations, classements sans suite, comparutions immédiates, condamnations, ouvertures d'information : une vision nette et précise d'une réalité judiciaire de six mois.
Cette communication objective montrait que les Gilets jaunes n'avaient pas pâti d'un traitement disproportionné sur le plan de la rigueur, en ayant bénéficié notamment de beaucoup de classements sans suite.
Pour les fonctionnaires de police, huit informations ont été ouvertes pour des chefs délictuels ou criminels - globalement, des violences que le procureur a bien fait de qualifier "illégitimes' et non pas policières. Il a indiqué qu'il y aura "des classements sans suite" mais aussi "des renvois de policiers devant le tribunal correctionnel d'ici à la fin de l'année".
Peut-être aurait-il dû demeurer dans l'incertitude sur les issues judiciaires au lieu de considérer comme acquis certains renvois.
Mais quand le Secrétaire Général de Synergie Officiers déclare que "l'encadrement est outré" parce que "déjà confronté à de multiples suicides et à des chiffres de la délinquance qui sont épouvantables" (Le Figaro), il fait un mauvais procès à l'institution judiciaire qui était dans son rôle en veillant à la transmission de données fiables pour les deux parties - sans qu'on puisse prétendre à une équivalence entre les violences inadmissibles de certains Gilets jaunes et les violences rarement illégitimes de quelques policiers.
Il ne faudrait pas que le syndicalisme policier si nécessaire, par extrémisme, tension et nervosité, donne l'impression de prétendre à une impunité totale. Elle serait la pire des solutions pour combattre la présomption de culpabilité qui à chaque conflit, à chaque affrontement, pèse scandaleusement sur la police.
En l'occurrence, à l'exception de la maladresse que j'ai relevée, il serait injuste de faire grief au procureur de Paris de cet entretien.
Pour ma part, à chaque fois qu'il conviendra de défendre des fonctionnaires de police attaqués par principe pour avoir accompli leur mission difficile sur un mode irréprochable, ils me trouveront à leurs côtés.
Pour les autres faisant l'objet d'une procédure judiciaire, on verra bien. Renvois comme non-lieux sont possibles.
Désordres, ordre, quel dimanche stimulant !