Woody Allen accusé de viol par sa fille Dylan
Actualités du droit - Gilles Devers, 3/02/2014
Ni le passage des années, ni le poids du mensonge institutionnalisé n’empêchent les enfants de dénoncer leurs agresseurs sexuels. Sur le blog du respecté Nicholas Kristof, du New York Times, Dylan, aujourd'hui âgée de 28 ans, confirme les agressions sexuelles commises par son père adoptif, Woody Allen, alors qu’elle avait sept ans.
Dans les années 1980, Woody Allen et Mia Farrow vivaient en couple. Ils ont eu ensemble deux enfants, et adopté une fille, Dylan. D’une première union, Mia Farrow était déjà mère adoptive d'une fille, Soon-Yi Previn. En janvier 1992, Mia Farrow avait trouvé, parce qu’elles étaient mal rangées, des photos pornos de Soon-Yi, alors âgée de 19 ans, prises par Woody Allen. Depuis, tous deux se sont mariés en 1997, et le couple a adopté deux petites filles.
Entre Woody Allen et Mia Farrow, la séparation avait été, on s’en doute, brutale. Les enfants ne voulaient plus voir leur père, et Mia Farrow avait engagé une procédure pour priver Woddy du droit de visite. Ce genre de procédure devient vite destructeur, mais tout n'y est pas faux pour autant... En août 1992, Dylan avait fait état d’agressions sexuelles commises par Woody Allen, dont un viol alors qu’elle était âgée de sept ans. Mia Farrow avait contacté un pédiatre, et le procureur du Connecticut, où vivait la famille, près de New York, avait ouvert une enquête. La journaliste Maureen Orth avait publié un article très documenté décrivant un Woody Allen « complètement obsédé » par Dylan. Woody Allen répliquait en accusant Mia Farrow d’avoir manipulé « honteusement des enfants innocents ».
Sur le plan civil, le juge Elliot Wilk, dans un jugement de juin 1993 avait retiré à Woody Allen le droit de visite sur Dylan. Woddy Allen avait fait appel,... demande rejetée en mai 1994, les juges de la cour d’appel de New-York constatant « un consensus manifeste » parmi les experts psychiatriques pour dire que « l'intérêt de Woody Allen pour Dylan était anormalement conséquent » et ajoutant : « le témoignage des personnes s'occupant des enfants ce jour-là, la vidéo de Dylan faite par Mme Farrow le lendemain et des déclarations rendant compte du comportement de Dylan envers M. Allen avant comme après l'abus présumé laissent entendre que l'abus a bien eu lieu».
Sur le plan pénal, le procureur avait estimé qu'il y avait des « raisons suffisantes » pour poursuivre Woody Allen, mais il avait renoncé, jugeant la petite fille trop « fragile ». Une invraisemblable décision de sale mec : ne pas perturber la victime par le procès de son agresseur…
La jeune femme, aujourd'hui mariée, qui vit sous un autre nom en Floride,... mais l’affaire n’était jamais restée loin. En novembre 2013, Vanity Fair avait publié un article de Maureen Orth, rapportant des propos de Dylan. Un tournant ? Non... La magie de la création cinématographique et le rêve hollywoodien ne pouvaient freiner la carrière du génial auteur : 78 ans, 40 films, 24 nominations aux Oscars, 4 Oscars… Blue Jasmine a reçu le mois dernier trois nominations aux Oscars.
Mais trop, c’est trop. Les enfants sont révoltés par l’injustice, et puissent dans des forces infinies pour renverser la chape de plomb du mensonge institutionnalisé pour protéger le crime.
Il y a quinze jours, pendant les Golden Globes, alors que Woody Allen venait de recevoir le prix Cecil B. DeMille pour l’ensemble de sa carrière, c’est son fils Ronan, 26 ans - fils biologique du réalisateur et de Mia Farrow - qui avait rappelé qu’il n’existe qu’une vérité : «J'ai manqué l'hommage à Woody Allen. Est-ce qu'ils ont mentionné la partie où une femme confirme publiquement qu'il l'a agressée à 7 ans, avant ou après Annie Hall ? ».
Mais il y a deux jours, c’est Dylan elle-même qui s’est exprimée, par un texte publié sur le blog de Nicholas Kristof.
« Quel est votre film favori de Woody Allen ? Avant de répondre, il y a quelque chose que vous devez savoir : quand j’avais sept ans, Woody Allen m’a prise par la main, et m’a conduite dans un petit grenier mal éclairé au 2e étage de notre maison. Il m’a dit de m’allonger sur le ventre et de jouer avec le train électrique de mon frère. Puis il m’a agressée sexuellement. Il me parlait en le faisant, me murmurant que j’étais une gentille petite fille, que c’était notre secret, me promettant que nous irions à Paris et que je serais une star de cinéma ». Elle poursuit : «Aussi loin que je me souvienne, mon père m'a fait des choses que je n'aimais pas», avant d’exposer quelques-unes des insupportables perversités de ce père sans limite.
Dylan explique ensuite pourquoi elle a décidé de s’exprimer : « Woody Allen n’a jamais été condamné pour aucun crime, et qu’il ait échappé à ce qu’il m’a fait m’a hantée toute ma jeunesse. Je suis restée avec la culpabilité de l’avoir laissé être proche d’autres petites filles. À chaque fois que je voyais le visage de mon agresseur sur un poster, un t-shirt ou à la télévision je ne pouvais que cacher ma panique jusqu’à ce que je trouve un endroit isolé pour m’effondrer. La semaine dernière, Woody Allen a été nommé pour un Oscar. Mais cette fois, j’ai refusé de m’effondrer. Pendant tellement longtemps, la reconnaissance dont jouit Woody Allen m'a réduite au silence. Je le prenais comme un reproche personnel. Mais les survivantes d'agressions sexuelles qui m'ont parlé – pour me soutenir, partager leur peur de parler haut et fort d'être traitée de menteuse, de se voir dire que leurs souvenirs sont erronés – m'ont donné des raisons de sortir de mon silence, ne serait-ce que pour que d'autres sachent qu'elles peuvent sortir de leur silence.»
Dylan dénonce le système Hollywood, qui sait tout, mais préfère le confort illusoire du mensonge : « Mon tourment a été aggravé par Hollywood. Tout le monde, à part quelques-uns (mes héros) a fermé les yeux. La plupart ont préféré accepter l'ambiguïté, dire ‘qui sait ce qui s'est produit ?’ et prétendre que tout allait bien ».
Elle conclut : « Woody Allen est l'exemple vivant de la façon dont notre société néglige les survivants d'agressions et d'abus sexuels ».
Dylan, merci pour ton courage, merci pour toutes les victimes, et que ta voix soit entendue...