Actions sur le document

Provocation à la haine socialiste ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 6/11/2015

Si elle ne se retenait pas, elle serait coupable de provocation à la haine socialiste.

Lire l'article...

Quand on m'en a parlé, je n'ai pas voulu le croire.

Je lis trois quotidiens par jour et parfois quatre.

Je lis Le Canard enchaîné.

Je lis l'Obs, Le Point, Paris Match, Le Figaro Magazine et parfois L'Express.

Je ne lis jamais Minute.

Quelquefois je lis Valeurs actuelles et j'apprécie les analyses politiques et sociales de Geoffroy Lejeune et de Raphaël Stainville. Mais la démagogie anti-juges, à la fois sommaire et guère éclairée, me choque quand elle conduit la droite radicale à encenser les délires d'Henri Guaino et à laisser penser que l'état de droit ne serait une exigence que pour la gauche.

Cette longue liste pour démontrer que je ne suis pas un fanatique épris d'un seul son de cloche politique et médiatique.

La ministre de la Culture et de la Communication doit octroyer des aides à des hebdomadaires qui actuellement en sont privés. Parmi ceux-ci, Minute et Valeurs actuelles (VA).

Pour s'éviter d'avoir à subventionner une presse libre et vigoureusement opposante, la ministre a décidé que seraient exclues de cette manne les publications ayant été sanctionnées pour incitation à la haine raciale. Coup de chance, Minute et VA seront donc pénalisés!

Si ce que Fleur Pellerin a annoncé le 2 novembre se confirme, ce sera une honte pour notre démocratie. Et pour la liberté d'expression. Modestement je sonne mon petit tocsin parce que je suis persuadé que le sort de Minute laissera indifférent à peu près tout le monde et que celui de VA, derrière l'affichage pluraliste, réjouira secrètement ses concurrents agacés par son succès.

Je crains que la ministre ne soit sérieuse et déterminée. Au mois de mai dernier elle avait déjà envisagé de priver des crédits de l'Etat la presse récréative, les magazines people. Faut-il se venger de ces trublions indélicats qui ont eu le front de nous présenter notre président rue du Cirque, dans une action et une posture qui n'honoraient pas la République qui l'avait élu ?

Fleur Pellerin, personnalité intelligente même si elle n'a pas toujours l'art de montrer sa culture, est-elle à ce point imprudente, partiale, aveuglée et dénuée de sens politique pour ne pas comprendre que ce qu'elle projette est scandaleux ?

Je sais bien qu'elle sera approuvée par une minorité applaudissant la seule rigueur, l'unique fermeté dont ce pouvoir est capable : contre le racisme et l'antisémitisme. Mais qui pourrait soutenir de bonne foi que les inévitables aléas de la jurisprudence en matière de droit de la presse, de liberté d'expression et de constat sociologique offrent un terreau sûr à un tel dispositif d'exclusion ?

Yves de Kerdrel a été condamné pour une couverture qualifiée de provocation à la haine raciale mais Nicolas Bedos a été relaxé pour une insulte grave à l'encontre de Marine Le Pen, proférée à la télévision.

Que le gouvernement ait le courage de ses détestations et qu'avec ce totalitarisme quiet et perfide qui le caractérise il aille au bout, sans fard, de cette entreprise d'élimination ! Ce serait plus franc, ce serait moins hypocrite.

Ce type de comportement est symptomatique d'une autorité qui perd le nord. Plus l'amateurisme d'un pouvoir se manifeste - et ces dernières semaines, que d'exemples, notamment sur le plan fiscal, et de démonstrations d'un Etat qui recherche désespérément compétence et rigueur -, plus il compense par de médiocres absurdités impérieuses et inéquitables. Plus un pouvoir se défie à juste titre de lui-même, plus il s'en prend à ceux qui osent révéler que le roi est nu ; et ce gouvernement paniqué par l'échéance des régionales et l'approche d'une élection présidentielle où il ne s'agira plus de sauver la France mais sauve-qui-peut pour les ambitions de chacun...

Comment Fleur Pellerin ose-t-elle jeter un pavé aussi scandaleux dans la mare quand à l'évidence la légitimité et la fiabilité du pouvoir au nom duquel elle intervient sont si largement obérées ? Pour l'essentiel comme pour le plus anecdotique mais cependant signifiant.

Ainsi ce dernier épisode concernant l'une de ses collègues, l'aimable ministre du Travail incapable d'indiquer le nombre de renouvellements possibles pour un CDD et qui à l'issue de l'émission (BFM, RMC) avoue à une amie que "ça a merdé, ça a merdé". Certes ! Et ce constat lucide de sa part n'a rien à voir avec le fait qu'elle est "femme, beur et jeune" comme elle l'a souligné. Mais sans doute avec l'évidence que les ministres sont souvent choisis en dépit du bon sens au point qu'on a le droit de s'interroger : l'aptitude professionnelle pour une fonction n'est-elle pas un handicap dans ce gouvernement ?

Dans un tel contexte, la ministre de la Culture devrait très vite renoncer à sa déplorable envie et au prétexte de la provocation à la haine raciale ne pas préjudicier, dans le champ du débat public et médiatique, à ceux, personnes et hebdomadaires, dont elle se passerait volontiers, et le pouvoir avec elle.

Si elle ne se retenait pas, elle serait coupable de provocation à la haine socialiste.


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...