La généralisation en droit administratif de l'adage "qui ne dit mot consent" une pseudo révolution juridique ?
droit des collectivités territoriales - actualités et miscellane - Luc BARTMANN, 13/11/2014
La loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens a, en son article 1er, introduit une nouveauté dont on a beaucoup parlé, la généralisation en droit administratif de la règle "silence de l'administration vaut acceptation" qui doit signer l'arrêt de mort de la fameuse décision implicite de rejet qui prévaut depuis 1900.
Dorénavant, l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations pose le principe que :
"Le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation."
Mais aussitôt posée par la loi, cette règle est assortie de plusieurs dérogations notables où le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet :
1° Lorsque la demande ne tend pas à l'adoption d'une décision présentant le caractère d'une décision individuelle ;
2° Lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ;
3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;
4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d'Etat, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public ;
5° Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.
Et, comme si cette liste d'exceptions n'était pas suffisante, la disposition finale du texte dispose que :
"Des décrets en Conseil d’État et en conseil des ministres peuvent, pour certaines décisions, écarter l'application du premier alinéa du I eu égard à l'objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration. Des décrets en Conseil d'Etat peuvent fixer un délai différent de celui que prévoient les premier et troisième alinéas du I, lorsque l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie."
C'est dans ce cadre, et dans la perspective de l'entrée en vigueur du texte le 12 novembre 2014 s'agissant de l’État, que le Journal Officiel du 1er nombre 2014 publie pas moins de 42 décrets concernant ses différents ministères (voyez ici).
Le moins que l'on puisse dire c'est que le champ de la décision implicite d'acceptation sera délicat à définir et qu'il risque fort de se réduire à la portion congrue. Conscient de cette difficulté, la loi a prévu que :
"La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l'autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l'acceptation est acquise."
Le 12 septembre 2015 la réforme s'appliqueront aux actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que pour ceux des organismes de sécurité sociale et des autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif. Gageons qu'à cette occasion la liste des exceptions et dérogations s'étoffera encore.