le Ministère de la Culture et de la Communication se met a l’heure de l’open data
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Virginie Delannoy, 9/04/2013
Le ministère de la culture et de la communication a publié, le 22 mars 2013, son « Guide Data Culture ». Partant du constat que « le monde de la Culture est considéré comme le "parent pauvre de l’open data" du fait du nombre relativement faible de données publiques issues du secteur culturel ouvertes à la réutilisation libre et gratuite », ce guide a pour but de promouvoir la réutilisation des données culturelles au bénéfice, tout à la fois, des opérateurs économiques et de l’administration dont le travail et la richesse des initiatives se trouvent ainsi mis en valeur. Dans cette perspective, il a pour objet de proposer aux acteurs culturels étatiques « des outils juridiques simples et adaptés pour engager une stratégie numérique de diffusion et de réutilisation de leurs données publiques numériques ». Ainsi, est exprimée pour la première fois une doctrine complète de l’administration centrale sur ce sujet.
« Guide Data Culture »
La possibilité de déroger au régime de la réutilisation des informations publiques, organisé par les articles 12 et suivants de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, est ouverte aux données culturelles. Pour autant, elle ne signifie pas leur exclusion de principe du champ du droit de réutilisation, qui, lui, est consacré « de façon générale » par l’article 10 de la loi de 1978 (voir CAA Lyon,4 juillet 2012, Département du Cantal c/NotreFamille.com, n° 11LY02325 et KPratique « L’open data innerve sans restriction les archives publiques »). Cette possibilité a pour seul effet de permettre aux établissements culturels d’adopter leurs propres règles de réutilisation, dans le respect des principes généraux fixés par les articles 12 et suivants de la loi de 1978. De ceux-ci, souvent issus de la jurisprudence, les établissements culturels ne devraient pas pouvoir s’affranchir.
La position du ministère chargé de la culture était très attendue, tant les données culturelles brutes sont porteuses d’un fort potentiel pour des réutilisations innovantes propres à dynamiser l’économie numérique. Le sujet, il faut le reconnaître, est relativement complexe puisqu’il se trouve à la croisée de différents régimes juridiques de protection et de liberté : protections des données à caractère personnel et des droits de propriété intellectuelle, d’une part et libertés de réutilisation et du commerce et de l’industrie, d’autre part. Néanmoins, l’initiative politique Etalab portée par l’Etat (l’établissement public Etalab, créé par le décret n° 2011-194 du 21 février 2011, est chargé de la mise en ligne, sur le site data.gouv.fr, des informations publiques numérisées de l’Etat et des collectivités territoriales adhérentes, afin de permettre leur « réutilisation libre, facile et gratuite ») et, au plan juridique, les avis rendus par la CADA, puis la CNIL et plusieurs décisions juridictionnelles ont permis de baliser un chemin dans lequel le « Guide Data Culture » vient tout naturellement s’inscrire.
Après avoir rappelé ce qu’était une information publique culturelle – en ayant notamment précisé que le terme « document » renvoie, pour ce qui concerne les informations publiques culturelles, à une grande variété de supports –, le guide explicite le régime de la réutilisation. On relèvera, en particulier, en page 15 du guide, l’affirmation ferme selon laquelle l’administration détentrice ne peut exciper de ses propres droits de propriété intellectuelle pour faire obstacle à la libre réutilisation. Cette affirmation, strictement conforme à la lettre de l’article 10 de la loi de 1978, contredit une orientation jurisprudentielle différente qui a pu être prise par un tribunal administratif et qui est soumise au juge d’appel (TA Poitiers, 31 janvier 2013, NotreFamille.com c/ Département de la Vienne, n° 1002347). Par ailleurs, afin de favoriser la réutilisation lorsque les droits sont effectivement détenus par des tiers, l’administration peut en obtenir la cession dans le cadre d’un contrat de cession de droits (le guide propose une clause à cet effet). Lorsqu’elle passe des marchés publics susceptibles de créer des données publiques réutilisables, l’administration devra veiller – outre les clauses prévues par les CCAG – à insérer une clause de cession de droits à son profit.
Le guide aborde la problématique des données à caractère personnel mais l’on peut s’étonner qu’il ne fasse nulle mention de la délibération n° 2010-460 de la CNIL du 9 décembre 2010. Si le champ d’application de celle-ci s’étend aux archives publiques, il faut néanmoins souligner qu’elle comporte un ensemble de lignes directrices particulièrement utiles tant sur le contour de la catégorie des données à caractère personnel protégées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 que sur les conditions de réutilisation des informations publiques comportant de telles données.
Puis le guide se concentre sur les conditions mêmes de la réutilisation.
En premier lieu, il rappelle que le droit de réutilisation est, « par principe » (p. 19), consenti à titre gratuit. Néanmoins, « dans des cas exceptionnels et justifiés » (p. 40), une redevance peut être fixée en contrepartie du droit de réutilisation. En application des principes dégagés par le juge administratif, cette redevance doit être orientée vers les coûts pertinents, respecter les principes généraux d’égalité et de non-discrimination et le droit de la concurrence. Si elle peut prendre en compte l’avantage économique procuré au réutilisateur – à l’instar des redevances domaniales et, plus récemment, des redevances pour service rendu (CE 16 juillet 2007, Syndicat national de défense de l’exercice libéral de la médecine, n° 293229) –, elle doit demeurer raisonnable pour ne pas créer de barrières à l’entrée (Avis CADA n° 20111743 du 26 mai 2011 : NotreFamille.com c/ Département du Rhône).
Après avoir rappelé que les établissements culturels ont la faculté de fixer leurs propres règles de réutilisation – faculté qui « ne doit par être perçue comme un bouclier entravant l'innovation dans le secteur culturel mais au contraire comme le moteur d'une stratégie numérique favorisant une dissémination et une réutilisation maîtrisées des données publiques numériques du secteur culturel sur le Web » (p. 22) –, le guide propose un modèle de licence de réutilisation à titre gratuit (de principe, dans le cadre de la politique plus générale d’open data) et un modèle de licence de réutilisation à titre onéreux.
Le guide, en conclusion, souligne à quel point la réutilisation des informations publiques est source de gains partagés. Outre le gain financier pour l’opérateur et l’administration, lorsque la réutilisation a un objet commercial et est soumise à redevance, le guide insiste sur le gain de notoriété pour les institutions publiques. Les partenariats bâtis autour de la réutilisation feront naître « une économie de la notoriété et de la construction d’une réputation des fonds détenus et/ou produits » (p. 50) par les établissements culturels.
L’on ne peut que souscrire à cette conclusion ouverte sur l’avenir (voir KPratique « Quand les collectivités territoriales œuvrent pour l’open data ») et espérer que les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les départements, tireront profit de ces enseignements dans le secteur culturel. Il serait difficile de concevoir que les départements, à qui leurs responsabilités en matière d’archives publiques confèrent un rôle crucial dans la réutilisation moderne des informations publiques contenues dans ces archives, ignorent la voie qu’indique le ministère de la culture et refusent de tirer avantage de l’analyse pacifiée qui leur est proposée du cadre juridique et économique, aujourd’hui largement balisé, d’une nouvelle branche de l’économie numérique.
La possibilité de déroger au régime de la réutilisation des informations publiques, organisé par les articles 12 et suivants de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, est ouverte aux données culturelles. Pour autant, elle ne signifie pas leur exclusion de principe du champ du droit de réutilisation, qui, lui, est consacré « de façon générale » par l’article 10 de la loi de 1978 (voir CAA Lyon,4 juillet 2012, Département du Cantal c/NotreFamille.com, n° 11LY02325 et KPratique « L’open data innerve sans restriction les archives publiques »). Cette possibilité a pour seul effet de permettre aux établissements culturels d’adopter leurs propres règles de réutilisation, dans le respect des principes généraux fixés par les articles 12 et suivants de la loi de 1978. De ceux-ci, souvent issus de la jurisprudence, les établissements culturels ne devraient pas pouvoir s’affranchir.
La position du ministère chargé de la culture était très attendue, tant les données culturelles brutes sont porteuses d’un fort potentiel pour des réutilisations innovantes propres à dynamiser l’économie numérique. Le sujet, il faut le reconnaître, est relativement complexe puisqu’il se trouve à la croisée de différents régimes juridiques de protection et de liberté : protections des données à caractère personnel et des droits de propriété intellectuelle, d’une part et libertés de réutilisation et du commerce et de l’industrie, d’autre part. Néanmoins, l’initiative politique Etalab portée par l’Etat (l’établissement public Etalab, créé par le décret n° 2011-194 du 21 février 2011, est chargé de la mise en ligne, sur le site data.gouv.fr, des informations publiques numérisées de l’Etat et des collectivités territoriales adhérentes, afin de permettre leur « réutilisation libre, facile et gratuite ») et, au plan juridique, les avis rendus par la CADA, puis la CNIL et plusieurs décisions juridictionnelles ont permis de baliser un chemin dans lequel le « Guide Data Culture » vient tout naturellement s’inscrire.
Après avoir rappelé ce qu’était une information publique culturelle – en ayant notamment précisé que le terme « document » renvoie, pour ce qui concerne les informations publiques culturelles, à une grande variété de supports –, le guide explicite le régime de la réutilisation. On relèvera, en particulier, en page 15 du guide, l’affirmation ferme selon laquelle l’administration détentrice ne peut exciper de ses propres droits de propriété intellectuelle pour faire obstacle à la libre réutilisation. Cette affirmation, strictement conforme à la lettre de l’article 10 de la loi de 1978, contredit une orientation jurisprudentielle différente qui a pu être prise par un tribunal administratif et qui est soumise au juge d’appel (TA Poitiers, 31 janvier 2013, NotreFamille.com c/ Département de la Vienne, n° 1002347). Par ailleurs, afin de favoriser la réutilisation lorsque les droits sont effectivement détenus par des tiers, l’administration peut en obtenir la cession dans le cadre d’un contrat de cession de droits (le guide propose une clause à cet effet). Lorsqu’elle passe des marchés publics susceptibles de créer des données publiques réutilisables, l’administration devra veiller – outre les clauses prévues par les CCAG – à insérer une clause de cession de droits à son profit.
Le guide aborde la problématique des données à caractère personnel mais l’on peut s’étonner qu’il ne fasse nulle mention de la délibération n° 2010-460 de la CNIL du 9 décembre 2010. Si le champ d’application de celle-ci s’étend aux archives publiques, il faut néanmoins souligner qu’elle comporte un ensemble de lignes directrices particulièrement utiles tant sur le contour de la catégorie des données à caractère personnel protégées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 que sur les conditions de réutilisation des informations publiques comportant de telles données.
Puis le guide se concentre sur les conditions mêmes de la réutilisation.
En premier lieu, il rappelle que le droit de réutilisation est, « par principe » (p. 19), consenti à titre gratuit. Néanmoins, « dans des cas exceptionnels et justifiés » (p. 40), une redevance peut être fixée en contrepartie du droit de réutilisation. En application des principes dégagés par le juge administratif, cette redevance doit être orientée vers les coûts pertinents, respecter les principes généraux d’égalité et de non-discrimination et le droit de la concurrence. Si elle peut prendre en compte l’avantage économique procuré au réutilisateur – à l’instar des redevances domaniales et, plus récemment, des redevances pour service rendu (CE 16 juillet 2007, Syndicat national de défense de l’exercice libéral de la médecine, n° 293229) –, elle doit demeurer raisonnable pour ne pas créer de barrières à l’entrée (Avis CADA n° 20111743 du 26 mai 2011 : NotreFamille.com c/ Département du Rhône).
Après avoir rappelé que les établissements culturels ont la faculté de fixer leurs propres règles de réutilisation – faculté qui « ne doit par être perçue comme un bouclier entravant l'innovation dans le secteur culturel mais au contraire comme le moteur d'une stratégie numérique favorisant une dissémination et une réutilisation maîtrisées des données publiques numériques du secteur culturel sur le Web » (p. 22) –, le guide propose un modèle de licence de réutilisation à titre gratuit (de principe, dans le cadre de la politique plus générale d’open data) et un modèle de licence de réutilisation à titre onéreux.
Le guide, en conclusion, souligne à quel point la réutilisation des informations publiques est source de gains partagés. Outre le gain financier pour l’opérateur et l’administration, lorsque la réutilisation a un objet commercial et est soumise à redevance, le guide insiste sur le gain de notoriété pour les institutions publiques. Les partenariats bâtis autour de la réutilisation feront naître « une économie de la notoriété et de la construction d’une réputation des fonds détenus et/ou produits » (p. 50) par les établissements culturels.
L’on ne peut que souscrire à cette conclusion ouverte sur l’avenir (voir KPratique « Quand les collectivités territoriales œuvrent pour l’open data ») et espérer que les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les départements, tireront profit de ces enseignements dans le secteur culturel. Il serait difficile de concevoir que les départements, à qui leurs responsabilités en matière d’archives publiques confèrent un rôle crucial dans la réutilisation moderne des informations publiques contenues dans ces archives, ignorent la voie qu’indique le ministère de la culture et refusent de tirer avantage de l’analyse pacifiée qui leur est proposée du cadre juridique et économique, aujourd’hui largement balisé, d’une nouvelle branche de l’économie numérique.