Congrès du Parti Socialiste : Le deal entre Hollande, Camba et Aubry
Actualités du droit - Gilles Devers, 8/06/2015
Personne n’a trop compris les orientations politiques du Congrès du Parti Socialiste, car le but était un pur blindage d’appareil. J’émets l’hypothèse que le truc, c’est un accord de Hollande et Camba avec Aubry : « Martine, tu rétablis la paix au PS, tu ramènes les électeurs de Gauche, et je te nommerai première ministre en 2017. Tu pourras même faire valoir le soutien de ton grand pote DSK. Et comme je ne serai pas renouvelable, tu auras les coudées franches ». Réélire un Hollande en carton-pâte, pour passer à autre chose.
Six faits doivent être pris en compte.
1/ Une différence politique nette
Aubry est la première opposante à Hollande. C’est elle qui, lors de la primaire de 2012, avait qualifié Hollande de « Gauche molle ». Après le Congrès de Reims, elle avait récupéré un PS par terre, et elle peut dire que Hollande est une nullité car elle en a faire l’expérience. Tous deux ont frayé ensemble le bref temps du Club Témoin, mais depuis il n’existe entre eux que mépris et distance. Il y a un an à peine, Aubry lâchait à Hollande : « Le problème, c’est toi ». Pour Aubry, la plus grave des fautes politiques de Hollande est d’avoir nommé El-Blancos Premier ministre, ce lascar qui ne vaut que 5% dans le PS, et qu'elle voulait virer du PS parce qu’il revendiquait les thèmes de Sarko…
Plus fondamentalement, Martine a en tête l'idée qu’il existe une place pour une Gauche pouvant concilier le réalisme économique et la solidarité. C’est là sa vraie opposition à Hollande et El-Blancos qui sont sur une ligne Blair : l’avenir de la Gauche est d’être de Droite.
2/ Une renonciation
Martine a renoncé pour des motifs illusoires à déposer sa motion au Congrès, ce qui aurait menacé la majorité du parti. A plusieurs reprises, elle avait dézingué la politique de Hollande, et tout spécialement par une interview dans le JDD, en période d’avant congrès. Si elle s’était lancée, elle aurait pu embarquer le Congrès et prendre le contrôle du parti pour bloquer Hollande. C’était à portée de main.
La preuve est qu’en blindant tout, en embarquant la grande majorité des députés et des secrétaires fédéraux, et l’amie Aubry, Camba n’a fait que 60%. Sans l’appui de Aubry, Camba était perdant. Il y aurait eu un renversement de majorité, autour d’un axe frondeurs / Aubry, avec El-Blancos mis en minorité, sans doute obligé de démissionner. Dans ce bouleversement politique, Hollande aurait été privé d’oxygène. Au menu, une fin de quinquennat comme une impasse, et une primaire humiliante pour un président sortant. Hollande et Camba peuvent dire merci à Aubry, mais il faut savoir se montrer reconnaissant.
3/ Le frondeur-en-chef… est un aubryiste
Comme c’est mignon. Les « frondeurs » – une blague – ont choisi comme leader, le charismatique Christian Paul,… qui est un des grands copains d’Aubry. Une bonne piste quand il faudra discuter.
4/ Une discrétion remarquable au congrès
Un congrès du PS, c’est le défilé pendant des heures de semi-anonymes à la tribune, avec de temps à autre quelques gloires qui remettent de l’ambiance. Aubry a renoncé à prendre son temps de parole, alors qu’elle avait des choses à dire,… et alors qu’elle aurait été acclamée comme lors du Congrès de Toulouse,… ce qui aurait renvoyé le Docteur-es-Sciences Camba à ses études en layette. Elle s’est contentée d’une policée et médiatisée déclaration de couloir, comme une enfant modèle.
5/ Qui donne la fessée à Montebourpif ?
Selon sa méthode coutumière – je n’existe que quand je tape sur le PS dans les médias – le vendeur de tapis de Montebourpif a lâché sa bulle dans le JDD, pour vanter la réussite des libéraux Merkel et Cameron, et sans former aucune proposition (à part, d’acheter ses tapis). Et qui est missionné par Camba pour répondre à l’incruste ? Celle qui n’avait rien à dire à la tribune du Congrès !... C’est Aubry qui y est allé d’une leçon de morale politique, et qui en plus – c’est ce qui a fini de mettre la puce à l’oreille – en soulignant les premières réussites du gouvernement. Ah bon ? Lesquelles, alors que le chômage et la dette sont en live ?
6/ Un p'tit coup de main serait bienvenu
Après le congrès national, suivent les congrès départementaux, on dit fédéraux. Et là, ce n'est pas évident pour Aubry, via le premier secrétaire sortant, Gilles Pargneaux, son pilier politique et politicien, qui était de toutes les photos à Poitiers,... mais qui est bien contesté par Patrick Kanner, ministre de la Ville et des Sports, qui jouant la carte du franc soutien au gouvernement soutient la candidature de Martine Filleul. Alors, Hollande a-t-il lâché Filleul pour tenir compte des bonnes manières de Aubry ? Réponse au vote fédéral du 11. Comme quoi, un destin tient à peu de choses...
Soyons réalistes
Des primaires à Gauche, il ne faut pas y compter. Ce serait détruire la fonction présidentielle, et là, on touche au sacré.
Donc, la « Gauche » va reconduire Hollande,… mais à quelles conditions ? Le Docteur-es-Sciences Camba ne roule que pour lui. La seule chose qui l’intéresse être le patron du PS, et de restaurer toute la micro-économie de l’appareil, avec ses succursales, ses auberges espagnoles et ses mutuelles étudiantes.
Pour faire réélire Hollande, il va falloir brasser les vieilles consciences de Gauche, car les bobos, c’est light, et une bonne part a émigré chez Juppé. Sur ce plan, seule Aubry est crédible. Le fait de n’avoir eu aucun rôle dans ce calamiteux quinquennat la protège. Jusqu’en 2017, elle va soutenir El Blancos, quelles que soient les déconfitures électorales à venir, et en 2017 El Blancos partira en maison de convalescence en attendant son heure. Mais 1) qui peut faire gagner la Gauche en 2017 ? et 2) comment ne pas nommer Première Ministre celle qui aura réussi cet exploit ?
Hormis les exercices horizontaux et casqués, une seule chose intéresse Hollande : être réélu, alors que Sarko ne l’avait pas été.