Contentieux administratif et protection des intérêts essentiels
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Laurent-Xavier Simonel, 15/06/2015
La conciliation entre les impératifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation et les règles du contentieux administratif doit être opérée de manière concrète, en pesant la réalité de la menace et l’intensité objective des risques
Cette démarche est illustrée par la modification du code de justice administrative actuellement poursuivie par le projet de loi sur le renseignement, qui vient de faire l’objet d’une première lecture par chacune des deux chambres.
Pour le contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l’État, les futurs articles L. 773-1 et s. de ce code organiseront au sein du Conseil d’Etat des formations spécialisées, disposant d’habilitations ès-qualités au secret de la défense nationale, aptes à adapter le principe du contradictoire à la nécessaire protection de ce secret et dont les décisions se départiront des règles gouvernant les autres décisions juridictionnelles. Ces décisions juridictionnelles spécialisées se borneront, semble-t-il sans autre motivation, à indiquer qu’aucune illégalité n’a été commise ou, au contraire à informer qu’une illégalité a été commise et, en matière de données à caractère personnel, ne les révéleront pas dans leur énoncé ni ne révéleront si le requérant figure ou non dans le traitement litigieux.
Les décisions administratives individuelles en matière de police de la protection des intérêts nationaux fondamentaux font l’objet d’un contentieux peu nourri, principalement tourné jusqu’ici autour du refus d’habilitation au secret de la défense nationale.
Dans ce domaine, l’Etat oppose fréquemment une fin de non-recevoir tirée de ce que les décisions d’habilitation sont des mesure d’ordre intérieur qui ne sont pas susceptibles d’être soumises à un contrôle juridictionnel (conclusions Grevisse sur CE, 11 mars 1955, secrétaire d’Etat à la guerre c/ Coulon citées dans les conclusions Bergeal sur CE, 13 juin 1997, ministre de la défense, n° 157 252, aux tables). Toutefois, les deux décisions d’assemblée Hardouin et Marie (CE ass., 17 février 1995, n° 107 766, au recueil) ont établi que les mesures d’ordre intérieur font grief et sont susceptibles de recours lorsque, eu égard à leur nature et à leur gravité, elles portent atteinte à des droits et libertés de celui qui en est l’objet ou qu’elles modifient sa situation juridique ou ses conditions d’existence. Dès lors, le refus de délivrance d’une habilitation à connaître des informations protégées par le secret de la défense nationale est un acte administratif dont la légalité peut être appréciée par la juridiction administrative (CE, 30 décembre 1998, M. Jean-Pierre X, n° 171 101, aux tables ; voir, aussi, par exemple, pour le contrôle juridictionnel des décisions administratives portant sur l’accès aux installations d’importance vitale, TA de Châlons-en Champagne, n° 1401546 et 1401573 du 1er septembre 2014. ). Cependant, l’enjeu des intérêts fondamentaux conduit à rendre difficile l’accès aux éléments nécessaires à l’exercice d’un recours effectif. Pour la contestation d’une décision administrative refusant une habilitation au secret de la défense nationale, la commission consultative du secret de la défense nationale émet un avis défavorable à la déclassification des motifs du refus en réponse à une demande production de ces motifs formulée par la juridiction administrative (avis n° 2015-08 du 28 mai 2015).
Le nouveau régime législatif gouvernant le renseignement devrait conduire à l’émergence d’un contentieux de type nouveau, soumis à des exigences de conciliation nouvelles, pour lequel il est probable qu’il faudra faire émerger des règles originales de procédure et d’appréciation au fond ancrées aux normes cardinales de l’Etat de droit et, en même temps, respectueuses du principe de réalité. Le droit fait la force des sociétés démocratiques tant qu’il ne devient pas l’expression de leur faiblesse face aux offensives asymétriques.
Pour le contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l’État, les futurs articles L. 773-1 et s. de ce code organiseront au sein du Conseil d’Etat des formations spécialisées, disposant d’habilitations ès-qualités au secret de la défense nationale, aptes à adapter le principe du contradictoire à la nécessaire protection de ce secret et dont les décisions se départiront des règles gouvernant les autres décisions juridictionnelles. Ces décisions juridictionnelles spécialisées se borneront, semble-t-il sans autre motivation, à indiquer qu’aucune illégalité n’a été commise ou, au contraire à informer qu’une illégalité a été commise et, en matière de données à caractère personnel, ne les révéleront pas dans leur énoncé ni ne révéleront si le requérant figure ou non dans le traitement litigieux.
Les décisions administratives individuelles en matière de police de la protection des intérêts nationaux fondamentaux font l’objet d’un contentieux peu nourri, principalement tourné jusqu’ici autour du refus d’habilitation au secret de la défense nationale.
Dans ce domaine, l’Etat oppose fréquemment une fin de non-recevoir tirée de ce que les décisions d’habilitation sont des mesure d’ordre intérieur qui ne sont pas susceptibles d’être soumises à un contrôle juridictionnel (conclusions Grevisse sur CE, 11 mars 1955, secrétaire d’Etat à la guerre c/ Coulon citées dans les conclusions Bergeal sur CE, 13 juin 1997, ministre de la défense, n° 157 252, aux tables). Toutefois, les deux décisions d’assemblée Hardouin et Marie (CE ass., 17 février 1995, n° 107 766, au recueil) ont établi que les mesures d’ordre intérieur font grief et sont susceptibles de recours lorsque, eu égard à leur nature et à leur gravité, elles portent atteinte à des droits et libertés de celui qui en est l’objet ou qu’elles modifient sa situation juridique ou ses conditions d’existence. Dès lors, le refus de délivrance d’une habilitation à connaître des informations protégées par le secret de la défense nationale est un acte administratif dont la légalité peut être appréciée par la juridiction administrative (CE, 30 décembre 1998, M. Jean-Pierre X, n° 171 101, aux tables ; voir, aussi, par exemple, pour le contrôle juridictionnel des décisions administratives portant sur l’accès aux installations d’importance vitale, TA de Châlons-en Champagne, n° 1401546 et 1401573 du 1er septembre 2014. ). Cependant, l’enjeu des intérêts fondamentaux conduit à rendre difficile l’accès aux éléments nécessaires à l’exercice d’un recours effectif. Pour la contestation d’une décision administrative refusant une habilitation au secret de la défense nationale, la commission consultative du secret de la défense nationale émet un avis défavorable à la déclassification des motifs du refus en réponse à une demande production de ces motifs formulée par la juridiction administrative (avis n° 2015-08 du 28 mai 2015).
Le nouveau régime législatif gouvernant le renseignement devrait conduire à l’émergence d’un contentieux de type nouveau, soumis à des exigences de conciliation nouvelles, pour lequel il est probable qu’il faudra faire émerger des règles originales de procédure et d’appréciation au fond ancrées aux normes cardinales de l’Etat de droit et, en même temps, respectueuses du principe de réalité. Le droit fait la force des sociétés démocratiques tant qu’il ne devient pas l’expression de leur faiblesse face aux offensives asymétriques.