Au procès Heaulme, une partie civile refuse un « coupable de substitution »
Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 16/05/2017
La première et sans doute la plus forte plaidoirie en défense de Francis Heaulme a été prononcée mardi 16 mai. Elle ne vient pas de ses avocats mais de celui de la grand-mère paternelle d’Alexandre Beckrich, l’un des deux enfants assassinés le 28 septembre 1986. Me Dominique Rondu a porté la voix de cette femme, aujourd’hui âgée de 91 ans, qui n’a pas pu, pas voulu, assister à cet énième procès sur le double meurtre de Montigny-lès-Metz (Moselle).
Sa conviction est acquise, elle s’est cristallisée il y a vingt-huit ans, lorsque Patrick Dils a été déclaré coupable du double meurtre. La révision de sa condamnation, puis son acquittement n’y ont rien changé, trois semaines de débats avec un autre accusé non plus. « Nous attendions des certitudes absolues, nous sommes dans le procès des hypothèses et des probabilités », a observé Me Rondu. « Alors, a-t-il ajouté, disons le tout de suite, nous avons un sentiment mitigé sur la culpabilité de Francis Heaulme. Mais avoir une opinion, ce n’est pas rendre un jugement. »
« Vous avez un devoir »
C’est aux jurés, et à eux seuls, que l’avocat parle désormais : « C’est toute la différence entre votre vie d’avant et celle d’aujourd’hui, où vous êtes assis ici, sur ces bancs. Vous avez atteint une autre dimension. Les familles des victimes ont un droit, vous, vous avez un devoir. Votre devoir, c’est de leur dire que vous êtes absolument certains de la culpabilité de celui qui est dans le box. »
Au nom de la grand-mère qu’il représente, l’avocat s’adresse à ces six hommes et femmes, à leur bonne conscience, à la compassion qu’ils éprouvent forcément à l’égard de l’inconsolable chagrin des familles des enfants et à la crainte qui est la leur de l’accroître encore par leur décision. Et il les libère.
« Si, au terme de votre réflexion, cela devient pour vous une mission impossible, eh bien sachez qu’elle ne vous en tiendra pas rigueur. Si le doute devait l’emporter, elle saluerait votre courage. » Ginette Beckrich, leur dit-il encore, ne veut pas que « sous le prétexte que Francis Heaulme est un routard du crime et qu’il mourra de toute façon en prison, vous vous disiez qu’une condamnation de plus ou de moins ne changera rien. Elle ne veut pas d’un coupable de substitution. »