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L'homme est un animal sauvage !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 10/05/2020

L'amour est ce qui s'amplifie quand la société vous quitte. Heureusement je suis un animal sauvage.

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Je viens de relire mon billet du 16 mars : "Le paradis, c'est les autres !".

N'ai-je pas cédé alors à une forme de démagogie qui depuis toujours nous assène que l'homme est un animal social et qu'il serait choquant de ne pas l'admettre ? Comme si d'emblée nous nous mettions à l'écart de l'humanité et que nous n'étions pas loin de souhaiter le pire pour les autres et de récuser les bienfaits de la société, du vivre- ensemble !

Tout n'est pas faux pourtant dans ce post mais du temps a passé. Avec ses leçons.

Le 11 mai, pour beaucoup le confinement strict va s'assouplir, une vie commerciale va reprendre, du mouvement va à nouveau emplir nos rues et nos boulevards et on peut espérer qu'enfin, avec la multiplication des masques et les précautions sanitaires, les vaillants qui ont assuré les besoins de notre quotidienneté n'iront plus travailler la peur au ventre.

Le 11 mai, des portes vont s'ouvrir et à lire les sondages et à écouter les gens à la radio et à la télévision, beaucoup de citoyens seront plutôt satisfaits d'avoir le droit de sortir d'un immobilisme contraint même si personne n'est vraiment rassuré sur le futur.

Pour ma part, avant d'aborder cette nouvelle phase avec, comme on dit en sport, un second souffle, je dispose de quelques certitudes qui me permettent de mieux prendre conscience de ce que je suis, de ce que je désire vraiment.

J'ai appris que j'étais "une personne vulnérable". Je n'en ai pas honte et n'en tire aucun motif de contentement. Se vérifie le fait que ce constat ne sort jamais de soi mais qu'il vous vient des autres qui, aimablement ou non, vous le font savoir ou de la lutte contre une épidémie, qui vous place dans une catégorie sensiblement plus fragile.

Sud Radio avait pris d'emblée la décision, à quelques exceptions près, de continuer durant le mois de mai ce mode de communication à distance dont chaque jour je remarque qu'il fonctionne à la perfection. Par souci de son équipe et volonté de ne prendre aucun risque inutile.

CNews et Pascal Praud veulent bien également favoriser la continuation de mes interventions par FaceTime.

Une analyse, par ailleurs, m'a révélé que je n'ai pas été jusqu'à maintenant atteint par le Covid-19. Donc, à l'évidence, à l'air libre, proie virtuelle pour le virus.

Ces éléments pour justifier, si j'en avais besoin, un confinement qui va encore durer et au sujet duquel il convient que je m'exprime sans détour. Le paradis, c'est peut-être les autres, mais je dois avouer que bénéficier d'un confinement de privilégiés à Paris - et je n'y reste pas par solidarité comme Arielle Dombasle ! - est un luxe, un bonheur, une opportunité rare pour apprendre qui on est ou, en ce qui me concerne, se le confirmer.

L'homme est un animal sauvage et Bilger en particulier. Qu'on ne voie pas dans cette formulation un syndrome à la Alain Delon mais juste une envie d'aller vite à l'essentiel.

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Je n'ai jamais été convaincu depuis deux mois, et auparavant déjà, par ces multiples considérations humanistes qui dénonçaient le repli sur soi, l'oubli, voire le mépris de la sociabilité, ces banalités qui n'envisageaient pas une seconde qu'on puisse être enchanté par un univers en quelque sorte épuré, simplifié, allégé. Le rêve, l'ambition seraient paraît-il de tendre de l'intérieur vers l'extérieur, de s'acharner à emplir son existence des mille aléas et situations professionnelles, sociales qui seraient le sel d'un destin réussi. D'une infinité de problèmes et d'anecdotes.

Alors que j'ai perçu à quel point l'inverse était vrai. Non pas émigrer de soi et d'un délicieux enfermement ne vous privant de rien, vous offrant tout mais sur un mode décapé, synthétique et vierge des scories que charrie inévitablement le cours des péripéties ordinaires. Toutes les futilités ou l'ennui des échanges qui viennent commenter une journée, avec les frustrations, les aigreurs, les doléances souvent sans intérêt qui s'y rattachent, sont expulsées et on se retrouve face à soi, forcément pour le meilleur puisque le pire a été éliminé et qu'on est enfin contraint de ne compter que sur soi, pour l'esprit, le coeur, la culture, en s'inventant à chaque seconde une justification d'être.

Et on n'est pas seul.

J'ai lu les dégâts du confinement pour des couples vivant dans des conditions difficiles ou non. Des enfants victimes de violences. Des violences conjugales à cause d'une cohabitation permanente. Des séparations programmées. Des désillusions inévitables.

C'est triste mais à côté de ces marches déplorables, de ces déchéances funèbres, de ces délitements progressifs, de cette fatalité de couples contraints de se regarder sans cesse et de percevoir qu'ils ne se supportent pas, que d'hymnes à l'amour !

On ne sait vraiment si on aime profondément que dans le fil du quotidien et bien davantage encore quand on est soumis à la lumière délicieuse et permanente d'un confinement qui n'autorise plus de se leurrer sur soi ou sur l'autre.

L'amour est ce qui s'amplifie quand la société vous quitte.

Heureusement je suis un animal sauvage.


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