Se sortir la prison de la tête
Actualités du droit - Gilles Devers, 29/10/2012
Le Point publie une excellente interview d’un des grands connaisseurs de la condition pénitentiaire, Jean-Marie Delarue, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).
Jean-Marie ne chôme pas : il a déjà visité les trois quarts des 190 établissements pénitentiaires. Il reçoit de plus nombre de requêtes individuelles, et se démène pour multiplier les contacts. Bref, quand il l’ouvre sur la prison, on l’écoute.
D’abord, quelques chiffres :
- sont incarcérées des personnes âgées de 13 à 85 ans ;
- 18 % sont de nationalité étrangère, issus de 80 nationalités différentes ;
- les deux tiers de la population détenue sont âgés de 21 à 39 ans ;
- seules 3,5 % des personnes détenues sont des femmes ;
- la durée moyenne de détention est de 9,6 mois ;
- 13,3 % des détenus ont passé moins d'un mois en détention (Qu’on me dise à quoi ça sert, à part à détruire) ;
- seulement 27,7 % des détenus peuvent travailler.
Vous trouverez ci-dessous cette interview, et je ne cite ici que cet extrait.
Le Point. Christiane Taubira estime que les prisons sont "vides de sens" ? Quel est le "sens" assigné à cette peine privative de liberté ? Et où la prison a-t-elle échoué ?
Jean-Marie. La loi assigne à la prison trois missions : sanctionner, réinsérer et prévenir la récidive. Dire que "la prison est vide de sens", c'est constater que les deux dernières missions et notamment la réinsertion ne sont pas assurées aujourd'hui. Du coup, la prison rend à notre société des individus qui ressemblent trait pour trait à ceux qui sont entrés en prison, voire plus dangereux encore. En mettant dehors des gens qui "ont la haine", la prison ne rend pas service à notre société. Elle n'assure pas la sécurité des Français, ce qui va à l'encontre de sa raison d'être. Toutefois, et parce qu'elle est le réceptacle de toutes nos peurs, la prison a néanmoins un sens : c'est d'être dissuasive. Elle est l'expression de ce que le châtiment est là, derrière ses murs. En somme, la prison n'est pas vide de sens, elle n'a pas le sens qu'elle doit avoir.
Merci Le Point, merci Jean-Marie, tout est parfaitement résumé.
C’est la perversion sarkozienne, qui fait un large consensus, de la justice pour faire peur. Or, le vrai c’est pile l’inverse. Quand je vois un Palais de justice, je me dis : « Voilà le lieu du respect des droits et de liberté, une garantie de la lutte contre les injustices ». Quand je passe devant une prison, je pense à la Déclaration de 1789 selon laquelle la société ne doit admettre que les peines « strictement nécessaires ».
Tout le problème est que les deux groupuscules que sont l’UMP et le PS (A eux deux, 160 000 militants,… une goutte d’eau [tiède] qui prétend représenter 62 millions de personnes, quelle blague !) font consensus autour de ces données semi-sauvages.
Comme ils ne savent plus faire de la politique, c’est-à-dire exercer l’autorité publique dans le sens de l’intérêt général, ils cultivent le culte de l’obéissance : « Fais pas ceci, fais pas ça… Si tu n’obéis pas, tu seras puni ». On crée, pièce après pièce, le fantasme d’une société pure, nette, impeccable, avec, passé le trait, le hors-jeu et la relégation, car celui qui n’obéit pas veut en fait détruire le groupe. Avec ces chauffards de la pensée, la prison devient obligatoire, comme une sorte de préservatif social.
C’est cet anéantissement de la pensée qui conduit à adorer la prison, entendue comme le lieu qui rassure en isolant les méchants, avec un Etat occultant qui supprime tout ce qu’il y a de mauvais.
Mais, chère amie, cher ami, le monde en jolies cases bien alignées, les bonnes et les mauvaises, c’est tout faux.
Tôt ou tard, pour toi ou tes proches, ce sera un pied dans la faute, c’est le sort le plus commun. Et là, tu seras content de trouver la vraie loi, celle qui n’est pas là pour t’isoler, mais pour te permettre de revenir au plus vite dans la société.