Violences à Paris, incendies à Lyon, attaques à Marseille...
Justice au Singulier - philippe.bilger, 15/07/2019
Bien sûr, l'effet est facile qui consiste à coaguler tout ce qui s'est passé de gravement transgressif durant la nuit du 14 juillet.
Mais la réalité ne ment pas qui notamment à Paris, à Lyon et à Marseille montre que l'Etat ne fait plus peur parce que son autorité est non seulement défaillante mais, pire, absente (Morandini).
Certes ce ne sont pas les déclarations qui manquent et on peut être assuré sur ce plan que le verbe politique largement entendu dénoncera le présent et fera espérer pour l'avenir une France enfin apaisée, qui saura se tenir, comme on peut le dire d'un enfant bien éduqué.
La pire des attitudes serait une résignation citoyenne s'habituant à cet état de choses et l'expression d'une lassitude à force d'interpeller l'Etat pour rien.
J'ose cette banalité : il n'est pas normal qu'à Paris on frappe et dégrade, qu'à Lyon on incendie des voitures et qu'à Marseille on s'en prenne aux CRS.
Ou bien doit-on admettre le triste constat d'un pouvoir qui a accepté que dans notre pays il y ait un niveau inévitable et irrésistible de désordres et d'atteintes aussi bien humaines que matérielles et que donc il se laverait les mains face à cette prétendue inéluctabilité ?
Faudra-t-il finir par penser que nos gouvernants ne sont pas capables de mener de front dans notre République une double démarche : faire respecter la morale publique et en tirer les conséquences, faire respecter l'ordre sans cesse perturbé par une minorité de nos concitoyens ici ou là, quelle que soit leur origine, et par des étrangers sans droit ni titre.
Christophe Castaner est un bouc émissaire commode. On ne peut plus se voiler la face. Quand tout va mal sur le plan de la sécurité, il ne s'agit plus seulement d'incriminer la police, le ministre mais le Premier ministre et le président de la République. Quand un chaînon a durablement craqué, c'est à eux qu'on doit demander des comptes et de l'action.
Pour avoir l'honneur de se faire passer pour Jupiter, il convient au moins de pacifier notre quotidien. Sauf à considérer que les échecs sont pour les uns et l'impunité pour les autres. Je ne vois pas au nom de quoi, sinon par une révérence de principe absurde à l'égard de ce petit monde qui dirige et administre, on arrêterait notre indignation au milieu du gué au lieu de la laisser aller plus haut.
Nulle part l'incompétence, l'impéritie ne seraient ainsi tolérées.
J'ai évoqué Christophe Castaner. Quand il y a eu récemment "la dérive violente de certains supporteurs algériens" se comportant chez nous comme pas une seconde ils n'auraient pu le faire chez eux, tout ce qu'a su proposer l'intéressé a été un tweet : "Ceux qui se sont livrés à cela méprisent à la fois...les valeurs du football mais aussi le pays dont ils ont célébré la victoire".
Je devine les fauteurs de troubles terrorisés après une telle analyse qui n'est qu'un commentaire, une réaction molle et explicative alors que la France attendait une réaction forte !
Et cela naturellement a recommencé dans la soirée du 14 juillet après la victoire de l'équipe algérienne contre le Nigeria. Ce qui est prévisible n'est jamais étouffé dans l'oeuf.
On ne peut pas à la fois donner à la France des leçons de morale républicaine répétitives : contre le clivage et l'exclusion, pour la générosité à l'égard des migrants de moins en moins politiques, de plus en plus économiques, pour l'Europe qui nous protège, bref le discours habituel contre le RN et tout laisser faire pour que celui-ci monte, monte...
Avec le risque de voir une France exaspérée. Au procès de Génération identitaire, le procureur s'est exclamé, pour fustiger les prévenus : De quel droit peut-on faire le boulot de l'Etat ? (Le Monde).
Précisément quand il ne le fait pas !
Ce dessein, ce cynisme seraient scandaleux mais je ne suis même pas sûr qu'il y ait une telle intelligence perverse derrière ce "foutoir" et ces débordements, juste une lamentable habitude, une déplorable impuissance.
S'il y avait seulement de l'incurie, un amateurisme qui valide passivement ce qu'il n'a plus envie d'empêcher, ce qu'il ne sait plus réprimer ?