Le régime du fonds de commerce sur le domaine public : une première réponse
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Eve Derouesné, Anna Stefanini-Coste, 12/12/2014
Seuls les occupants du domaine public titulaires d’un titre postérieur à la loi PINEL peuvent revendiquer un fonds de commerce : telle est la réponse apportée par le Conseil d’Etat dans sa décision du 24 novembre 2014, Société Les Houches-Saint-Gervais.
L’article 72 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (Loi PINEL) a créé un petit séisme en reconnaissant expressément, sous réserve de l’existence d’une clientèle propre, la constitution d’un fonds de commerce sur le domaine public.
La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, si elle réglait la question de principe de savoir si un fonds de commerce pouvait être constitué sur le domaine public, ouvrait sur un nouveau champ d’interrogations.
Parmi ces interrogations, figurait celle de l’application des nouvelles dispositions dans le temps. Dans un article publié à La Semaine Juridique (Entreprises et Affaires, n° 41, 9 octobre 2014) intitulé « Fonds de commerce sur le domaine public : la reconnaissance législative », nous nous demandions « si le bénéfice de ces dispositions peut être revendiqué par les occupants titulaires d’autorisations d’occupation domaniale accordées à partir du jour de son entrée en vigueur, en l’occurrence le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République Française, soit le 20 juin 2014 ou également par ceux dont l’autorisation encore en cours avait été accordée antérieurement à son entrée en vigueur ? »
En effet, nous avions constaté que la doctrine était divisée sur ce point. Le Professeur Reygrobellet penchait pour une application de la loi en cours aux situations déjà existantes au jour de la promulgation de la loi.
Inversement, les professeurs Caroline Chamard-Heim et Philippe Yolka arrivaient à la conclusion selon laquelle les dispositions nouvelles ne peuvent s’appliquer qu’aux situations issues des autorisations d’occupation délivrées à compter du 20 juin 2014.
Par ailleurs, nous avions estimé que certaines jurisprudences du Conseil d’Etat pourraient conduire à ne pas appliquer les nouvelles dispositions aux contrats en cours. En effet, dans l’arrêt KPMG du 24 mars 2006, le Conseil d’Etat a considéré « qu’une disposition législative ou règlementaire nouvelle ne peut s’appliquer à des situations contractuelles en cours à sa date d’entrée en vigueur, sans revêtir par là-même un caractère rétroactif ; qu’il suit de là que, sous réserve des règles générales applicables aux contrats administratifs, seule une disposition législative peut, pour des raisons d’ordre public, fût-ce implicitement, autoriser l’application de la norme nouvelle à de telles situations ».
Dans un arrêt Commune d’Olivet du 8 avril 2009, le Conseil d’Etat avait jugé que « la loi ne peut être interprétée comme autorisant implicitement une telle application de ses dispositions [aux situations contractuelles en cours à la date de son entrée en vigueur] que si un motif d’intérêt général lié à un impératif d’ordre public le justifie et que s’il n’est dès lors pas porté une atteinte excessive à la liberté contractuelle ».
Ainsi, il s’agissait de déterminer si les dispositions de l’article 72 de la loi du 20 juin 2014 étaient d’ordre public pour déterminer si les dispositions s’appliquaient également aux contrats d’occupation domaniale signés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014.
Le Conseil d’Etat met un terme à cette incertitude dans un arrêt du 24 novembre 2014, Société Les Houches-Saint-Gervais, (n° 352402).
La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, si elle réglait la question de principe de savoir si un fonds de commerce pouvait être constitué sur le domaine public, ouvrait sur un nouveau champ d’interrogations.
Parmi ces interrogations, figurait celle de l’application des nouvelles dispositions dans le temps. Dans un article publié à La Semaine Juridique (Entreprises et Affaires, n° 41, 9 octobre 2014) intitulé « Fonds de commerce sur le domaine public : la reconnaissance législative », nous nous demandions « si le bénéfice de ces dispositions peut être revendiqué par les occupants titulaires d’autorisations d’occupation domaniale accordées à partir du jour de son entrée en vigueur, en l’occurrence le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République Française, soit le 20 juin 2014 ou également par ceux dont l’autorisation encore en cours avait été accordée antérieurement à son entrée en vigueur ? »
En effet, nous avions constaté que la doctrine était divisée sur ce point. Le Professeur Reygrobellet penchait pour une application de la loi en cours aux situations déjà existantes au jour de la promulgation de la loi.
Inversement, les professeurs Caroline Chamard-Heim et Philippe Yolka arrivaient à la conclusion selon laquelle les dispositions nouvelles ne peuvent s’appliquer qu’aux situations issues des autorisations d’occupation délivrées à compter du 20 juin 2014.
Par ailleurs, nous avions estimé que certaines jurisprudences du Conseil d’Etat pourraient conduire à ne pas appliquer les nouvelles dispositions aux contrats en cours. En effet, dans l’arrêt KPMG du 24 mars 2006, le Conseil d’Etat a considéré « qu’une disposition législative ou règlementaire nouvelle ne peut s’appliquer à des situations contractuelles en cours à sa date d’entrée en vigueur, sans revêtir par là-même un caractère rétroactif ; qu’il suit de là que, sous réserve des règles générales applicables aux contrats administratifs, seule une disposition législative peut, pour des raisons d’ordre public, fût-ce implicitement, autoriser l’application de la norme nouvelle à de telles situations ».
Dans un arrêt Commune d’Olivet du 8 avril 2009, le Conseil d’Etat avait jugé que « la loi ne peut être interprétée comme autorisant implicitement une telle application de ses dispositions [aux situations contractuelles en cours à la date de son entrée en vigueur] que si un motif d’intérêt général lié à un impératif d’ordre public le justifie et que s’il n’est dès lors pas porté une atteinte excessive à la liberté contractuelle ».
Ainsi, il s’agissait de déterminer si les dispositions de l’article 72 de la loi du 20 juin 2014 étaient d’ordre public pour déterminer si les dispositions s’appliquaient également aux contrats d’occupation domaniale signés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014.
Le Conseil d’Etat met un terme à cette incertitude dans un arrêt du 24 novembre 2014, Société Les Houches-Saint-Gervais, (n° 352402).
L’article 72 de la loi du 18 juin 2014 n’est applicable qu’aux contrats d’occupation domaniale signés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.
En effet, dans un considérant de principe, le Conseil d’Etat a jugé « qu’eu égard au caractère révocable et personnel, déjà rappelé, d’une autorisation d’occupation du domaine public, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire ; que si la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L.2124-32-1, aux termes duquel ‘Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre’, ces dispositions ne sont, dès lors que la loi n’en a pas disposé autrement, applicables qu’aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur ; que, par suite, l’exploitant qui occupe le domaine public ou doit être regardé comme l’occupant en vertu d’un titre délivré avant cette date, qui n’a jamais été légalement propriétaire d’un fonds de commerce, ne peut prétendre à l’indemnisation de la perte d’un tel fonds ».
Ainsi, l’article 72 de la loi du 18 juin 2014 n’est applicable qu’aux contrats d’occupation domaniale signés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014.
Un autre apport intéressant de l’arrêt doit être souligné : le Conseil d’Etat admet que l’autorité gestionnaire de la dépendance domaniale commet une faute de nature à engager sa responsabilité si elle a conclu un bail commercial sur le domaine public alors qu’elle ne pouvait légalement le faire ou si elle a laissé croire à l’exploitant qu’il bénéficiait des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux.
Le point important de l’application dans le temps des nouvelles dispositions étant réglé, nous attendons désormais que le Conseil d’Etat se prononce sur les autres incertitudes que nous avions identifiées et qui portent notamment sur la portée de la notion de clientèle propre sur le domaine public et sur l’articulation des nouvelles dispositions avec les prérogatives du maître du domaine.
Ainsi, l’article 72 de la loi du 18 juin 2014 n’est applicable qu’aux contrats d’occupation domaniale signés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014.
Un autre apport intéressant de l’arrêt doit être souligné : le Conseil d’Etat admet que l’autorité gestionnaire de la dépendance domaniale commet une faute de nature à engager sa responsabilité si elle a conclu un bail commercial sur le domaine public alors qu’elle ne pouvait légalement le faire ou si elle a laissé croire à l’exploitant qu’il bénéficiait des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux.
Le point important de l’application dans le temps des nouvelles dispositions étant réglé, nous attendons désormais que le Conseil d’Etat se prononce sur les autres incertitudes que nous avions identifiées et qui portent notamment sur la portée de la notion de clientèle propre sur le domaine public et sur l’articulation des nouvelles dispositions avec les prérogatives du maître du domaine.