Si j'étais encore sarkozyste...
Justice au singulier - philippe.bilger, 13/02/2012
Si j'étais encore sarkozyste...
Je ne pourrais pas m'empêcher de douter, de m'interroger.
Pourquoi des enthousiastes du candidat de 2007 ont-ils si rapidement, dès les premiers pas vulgaires du président, abandonné celui-ci ? Comme immédiatement conscients d'une tromperie sur l'homme ?
Pourquoi, jamais, au grand jamais, Nicolas Sarkozy n'est-il parvenu vraiment à être président et, plus gravement encore, à "faire" président ? Insupportable quand il a été lui-même, décevant quand il a cherché à se normaliser ?
Pourquoi, cependant, cette pompe grotesque de l'Etat, ces services d'ordre pléthoriques, ces assistances composées et cette dilapidation ?
Pourquoi les promesses n'ont-elles pas été tenues ou d'une manière telle qu'elles ont perdu beaucoup de substance en s'incarnant ?
Pourquoi la méthode du quinquennat a-t-elle été si désordonnée, si erratique, sans visibilité ni cohérence ? Pourquoi plus d'agitation que d'action, plus d'improvisation que de réflexion, plus de foucades que de maîtrise, plus d'Hortefeux que de Le Maire, de Sarkozy que de Fillon ?
Pourquoi l'Etat irréprochable, pour la France comme dans la vie internationale, at-il été d'emblée jeté au rancart avec une désinvolture et un cynisme qui ont rendu désabusés ceux qui croyaient encore à la vertu de la politique et des engagements ? Pourquoi la morale publique sans cesse offensée, dans les détails comme pour l'essentiel, est-elle une grande plaie ouverte au coeur de ce quinquennat ?
Pourquoi la Justice a-t-elle été si humiliée, à cause évidemment de la frilosité peureuse de ses plus hauts représentants mais surtout parce que le président, garant de son unité et de son indépendance, l'a traitée sans ménagement ni respect, favorisant des affidés au lieu d'honorer, par son comportement et son impartialité, l'institution ? Pourquoi forcément Courroye plutôt que Van Ruymbeke, Patrick Ouart et le fond scandaleux des écoutes clandestines Woerth-Bettencourt plutôt que le souci au quotidien d'une justice démocratique ?
Pourquoi la réception honteuse de Kadhafi à Paris et sa compensation en Libye avec une intervention ambiguë suscitant déjà des effets dévastateurs ?
Pourquoi une gestion de la crise financière avec seulement Angela Merkel, les autres Etats étant réduits à la portion congrue ? Comment faire assumer à la France cette conséquence inévitable et humiliante d'une Chancelière dominatrice depuis quelques mois, notre pays à sa remorque, au point qu'elle n'a pas hésité, quelle condescendance !, à venir apporter son soutien à Nicolas sarkozy pour sa campagne présidentielle ? Elle n'avait pas d'autres occupations ?
Pourquoi ce faux suspense ridicule où le candidat Sarkozy se sert des moyens de l'Etat pour laisser croire à un vrai président ? La République est-elle une cour de récréation où on pourrait s'ébattre en se moquant du monde ?
Pourquoi, à quelques encablures de l'échéance, "sortir" de manière précipitée et provocatrice des projets qui révèlent moins la force d'un quinquennat que sa faiblesse, contraignant à de tristes expédients si peu démocratiques malgré l'apparence ? Pourquoi un aventurier de la politique quand nous aurions eu besoin d'un président de la République ?
Pourquoi la droite la plus intelligente du monde de 2007 est-elle devenue cette bête politique aux abois jouant le destin d'un pays à coups de dés pour sauvegarder le sort personnel de son chef jamais discuté publiquement ? Pourquoi les belles valeurs invoquées juste avant que le quinquennat commence ont-elles été à ce point foulées au Pouvoir, comme on dit aux pieds, qu'une part de la droite est écoeurée ? Presque tentée de rejoindre la gauche ou de consacrer enfin un homme honnête qui avait vu juste avant tout le monde ou, même, d'apporter sa voix à une femme talentueuse et démagogue et à un parti stérile ? Pourquoi une telle destruction, au bout de cinq ans, de ces principes incontestables au point que l'argent légitime, le mérite, le travail, l'honnêteté, l'égalité, l'équité, la justice apparaissent avec une sorte de nostalgie ? Bien avant 2007 ou bien après 2012 ?
Pourquoi n'être même plus capable, dans le bilan de ce quinquennat, de distinguer le bon grain de l'ivraie tant une pensée fixe, un désir obstiné, une hostilité viscérale habitent la plupart qui ne veulent plus de cet être qui nous représente encore parce qu'il nous a mal représentés durant cinq ans ?
Pourquoi à la fois ce combat personnel, intime et cette immense aspiration républicaine ?
Si j'étais encore sarkozyste...