Adoption : un mot qui peut faire mal (505)
Droits des enfants - jprosen, 5/12/2012
Le reproche majeur qui peut être fait aux animateurs et acteurs de l'Arche de Zoé dans leur inconsciente aventure africaine est bien d'avoir fait souffrir quelques deux cent personnes qui avaient mis dans leurs mains leurs espoirs de se réaliser enfin comme parents.
Il est facile lorsqu'on est parent d'appeler ceux qui n'ont pas réalisé cette opportunité à la hauteur de leurs projets de faire leur deuil de l'enfant. Mais là n'est pas le débat. Aspirer à être parent est une attente légitime. Pour autant la puissance publique ne peut pas s'engager à la satisfaire. Pour cela il faut déjà qu'ils se trouvent des enfants en manque de famille. Si je peux m'autoriser cette formule, par l'adoption d'un pupille de l'Etat, on fera alors d'une pierre deux coups en offrant une famille à l'enfant qui en est privé et en comblant celle ou celui ou ceux qui aspirent à être parent à part entière.
On sait qu'ici comme ailleurs il y a de moins en moins d'enfants adoptables. En France ils étaient 150 000 en 1900, ils sont aujourd'hui 2300 pour une population qui a plus que doublé en un siècle. On oublierait de s'en réjouir. L'arrivée d'un enfant est de plus en plus souhaitée sinon programmé et non plus subie au point d'être parfois dramatique. Accueillir un enfant est une fête, on le délaissera donc rarement. Les dispositifs sociaux permettent généralement d'assumer sa charge. Le statut des mères célibataires n'est plus infamant comme il l'était jadis. Tout simplement la maîtrise de contraception s'est aujourd'hui répandue même si là encore il subsiste des inégalités. Autant d'avancées sociales qui expliquent que le nombre d'enfants devenant pupilles chaque année ait considérablement chuté
L'adoption est en vérité aujourd'hui souvent utilisée au sein des familles pour donner un père ou une mère juridique à l'enfant qui n'a qu'un seul parent juridique. On sait que le débat bât son plein pour permettre aux couples homosexuels, demain mariés, après demain non mariés, d'être parents.
J'ai eu plusieurs fois l'occasion de rappeler ici quel'adoption était d'abord faire pour créer un lien de filiation entre un enfant et un ou deux adultes qui acceptent de le faire leur.
Elle est un droit pour l'enfant; elle n'est pas un droit pour les adultes. La puissance publique - l'Etat à travers le préfet et la DDASS, le conseil général à travers son président et l'aide sociale à l'enfance sont là pour se poser régulièrement la question de l'enfant sans parents sur lequel ils exercent conjointement leur autorité. Chaque année la question du devenir de l'enfant sans famille doit être examinée en conseil de famille et éventuellement la question de la non-adoption posée. L'absence de projet d'adoption peut être une réponse opportune s'agissant notamment de grands enfants, mais elle doit résulter d'un choix positif et non pas d'un autre délaissement.
Le législateur a même eu le souci à partir de 1984 de lever tout obstacle qui pouvait paralyser un projet d'adoption pour un pupille de l'Etat quand depuis 1924, date où l'adoption a été ouverte aux mineurs, on exigeait que l'enfant "servi" à l'adoption soit en bonne santé. Désormais des enfants handicapés ou même condamnés à mourir à bref délai ont le droit d'entrer pleinement dans une famille .
Mais prendre en compte l'enfant ne veut pas dire négliger les "candidats à l'adoption" comme ont les appelle. Évalués à 15 000 en France, ils sont souvent à vif : ils ont le sentiment de n'être pas comme les autres ou tout simplement de souffrir de ne pas pouvoir s'épanouir avec des enfants comme il le souhaiteraient. Peu importe. Nous ne pouvons pas négliger cette souffrance. A fortiori l'accentuer ou la raviver.
Ils savent que satisfaire à leur attente est très aléatoire, en tout cas sera long et pénible. Il leur faudra répondre à de nombreuses questions, démontrer qu'ils sont sains de corps et d'esprit, tout simplement établir s'ils veulent adopter à deux qu'ils sont bien en phase quand souvent l'un aspire plus que l'autre à cet enfant. Outre le temps, il leur faudra parfois investir beaucoup d'argent.
Aspirer à être parent ce n'est pas accepter d'avoir un enfant à tout prix même si certains seraient prêts à payer tout ce qui est demandé pour satisfaire leur attente. Légitiment ces personnes souhaitent être rassurées sur l'itinéraire de l'enfant qui leur est présenté. Ils sont prêts à faire confiance aux autorités et aux intermédiaires d'adoption
L'expérience démontre que dans ce qui est généralement qualifié "de parcours du combattant" tout est interprété par les candidats à l'adoption comme un signe favorable. Peu importe ce qui sera réellement dit ou annoncé, ils n'entendent que ce que ils veulent entendre dans cette approche où le rationnel s'estompe : tout est un message d'espoir.
Ainsi il y a maintenant une trentaine d'année tel chanteur qui a l'époque avait sa petite renommée, du haut de sa Fondation, annonçait sur les antennes de télévision qu'il avait des enfants adoptables. Très rapidement 3000 courriers lui arrivèrent sans que bien évidemment il puisse imaginer commencer à les satisfaire. Ce jeune homme qui avait lui-même beaucoup bourlinguer au sein disait-il de 100 familles de l'ASE entendit qu'il avait fait souffrir trop de gens en leur donnant de faux espoirs.
C'est peut être un peu rapidement qu'on a qualifiés de Pieds Nickelés les animateurs et acteurs de l'Arche de Zoé car les héros de la bande dessinée de notre enfance ne faisaient de mal à personne dans la mémoire que j'en ai .
Ces enfants du Soudan n'étaient pas adoptables. Leurs parents ont été bernés : on leur a menti quand ils confiaient leurs enfants à l'association pour aller étudier. A preuve de cette duperie consciente le camouflage en enfants malades pour les exfiltrer vers la France.
L'Arche de Zoé a fait un mal fou aux associations sérieuses qui de longue date s'évertuent à avoir des pratiques respectueuses des personnes et des principes juridiques et éthiques qui gouvernent la planète Non, la fin ne justifie pas les moyens comme je l'ai encore entendu hier de tel acteur sur une radio qui ne regrettait toujours rien de ce qu'il avait fait sinon la mauvaise réputation qu'il en avait récolté et les ennuis judiciaires.
Ces gens ont fait mal à la France et à son image sur les droits humains.
Et j'insiste ils ont ravivé les douleurs de gens qui étaient déjà en souffrance.
Un fiasco de la part de personnes qui avaient peut être de bonnes intentions, mais qui ostensiblement ont négligé tous les avertissements qui leur avaient été donnés par les pouvoirs publics français en place avant de s'engager dans cette aventure contestable. Ils ont voulu jouer les Zorros sur un sujet délicat - l'adoption transnationale -comme s'ils étaient seuls propriétaires de la vérité en négligeant l'histoire et les réalités humaines.
Des irresponsables qui doivent aujourd'hui rendre des comptes et déjà s'estimer heureux de n'être pas dans les prisons où ils avaient été jetés et dont la France les a tirés.