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L’ENCADREMENT DES DELAIS DE LA PROCEDURE D’INFORMATION-CONSULTATION DU COMITE D’ENTREPRISE : LE DECRET ATTENDU A ETE PUBLIE LE 31 DECEMBRE 2013

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Stéphane BLOCH, Nathanaël PLACE, 10/01/2014

A défaut d’accord entre l’employeur et le comité d’entreprise, le délai imparti au comité d’entreprise pour émettre un avis est désormais encadré. Le comité d’entreprise sera réputé avoir émis un avis à l’expiration de ce délai sauf si le juge, saisi par le comité d’entreprise en référé, prolonge celui-ci.
L’employeur a l’obligation d’informer puis de consulter le comité d’entreprise avant de prendre toute décision relative à l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise notamment lorsque sont envisagées des mesures de nature à affecter le volume des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi de travail et de formation professionnelle (article L2323-6 du code du travail).

La consultation ne doit être ni prématurée (il faut en effet que le projet soumis au comité d’entreprise soit suffisamment abouti et que l’instance dispose d’éléments assez précis pour émettre un avis éclairé ou motivé), ni trop tardive (le projet doit être réversible afin que l’employeur puisse tenir compte des débats et de l’avis du comité).

Tout ceci prend du temps et les praticiens, qu’ils soient conseils de l’employeur ou du comité d’entreprise, sont régulièrement confrontés à la question, délicate mais cruciale, de l’insertion du processus d’information-consultation dans le calendrier de l’opération projetée, qu’il s’agisse d’une simple décision de gestion de l’employeur ou d’une restructuration importante de l’entreprise.

L’obtention de l’avis motivé des institutions représentatives du personnel n’est pas une simple formalité et le « closing » à bonne date d’une opération dépend en grande partie de la façon dont a été menée l’information-consultation préalable du comité d’entreprise.

Jusqu’alors, la capacité du comité d’entreprise d’être en position d’émettre un avis motivé dépendait de la mise à sa disposition par l’employeur d’informations précises et motivées et d’un délai d’examen suffisant.

Ce délai dit « suffisant » a laissé perplexe bon nombre de membres de comités de pilotage ou autre instance chargée de coordonner les différentes phases d’une opération de restructuration cherchant, parfois avec inquiétude, à caler dans leur planning le début, mais surtout la fin, de la procédure d’information-consultation…

Ce délai suffisant est apprécié selon la diversité des situations, en tenant compte des difficultés ou particularités spécifiques au dossier, ainsi que de la possibilité pour l’instance d’analyser les documents qui lui sont présentés, quitte à se faire assister d’un expert, même si la loi ne le prévoit pas, en accord avec l’employeur.

Les contours incertains de ce délai suffisant, dont le respect a été régulièrement contrôlé par le juge, susceptible, en référé, de suspendre une opération afin de laisser un temps complémentaire au comité d’entreprise pour se forger son opinion avant d’émettre un avis, ont essuyé un feu nourri de critiques.

Certes, la pratique des accords de méthode conclus entre l’employeur et les organisations syndicales afin de cadrer la consultation a souvent permis, notamment dans des opérations complexes ou de grande ampleur à étapes, d’atténuer cette incertitude et de donner aux parties une plus grande visibilité du calendrier prévisionnel de l’opération ; de nombreuses voix se sont néanmoins élevées pour que le législateur s’en mêle et organise la consultation du comité d’entreprise dans un cadre temporel précis.

Le législateur a exaucé ce souhait en modifiant les dispositions du code du travail concernées dans le cadre de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi dont le décret d’application relatif, notamment, aux délais de consultation du comité d’entreprise a été publié au journal officiel le 31 décembre 2013.

Que prévoit l’article L2323-3 du code du travail?

Tout d’abord, il est rappelé que pour émettre des avis et des vœux, le comité d’entreprise « dispose d'un délai d’examen suffisant ». Cette notion n’a donc pas disparu.

Mais alors que jusqu’à présent ce délai était laissé à l’appréciation des parties, et du juge en cas de conflit, il est à présent prévu que sa fixation dépend en premier lieu d’un accord entre l’employeur et l’instance concernée (comité d’entreprise ou comité central d’entreprise), adopté à la majorité des membres titulaires élus de l’instance.

La seule contrainte qui pèse sur les parties est que ce délai ne peut être inférieur à 15 jours.

La loi ne le précise pas mais il peut s’agir, soit d’un accord ponctuel pour l’opération projetée, soit d’un accord cadre applicable à des questions récurrentes.

Ce n’est qu’à défaut d’accord que s’appliquent des délais contraints dont l’article L2323-3 précise qu’ils résultent d’un décret en conseil d’état.

Ce décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013, codifié, pour le sujet des délais, aux articles R2323-1 et R2323-1-1 du code du travail, prévoit des délais qui varient non pas en fonction de l’objet de la consultation mais selon ses modalités :
• dans le cas général, 1 mois ;
• en cas de recours à un expert, 2 mois ;
• en cas de saisine d’un CHSCT, 3 mois ;
• en cas de mise en place d’une instance de coordination des CHSCT, 4 mois.

Il est par ailleurs prévu que l’avis du ou des CHSCT est transmis au comité d’entreprise au plus tard 7 jours avant l’expiration du délai de 3 ou 4 mois précité.

Le comité d’entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration de ces délais, s’il ne s’est pas prononcé.

Le code du travail précise que le délai de consultation court à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail et ne retient pas l’option envisagée, un temps, d’un point de départ reporté à la date de la première réunion de l’instance.

La communication des informations utiles à la consultation peut se faire via leur mise à disposition dans la base de données unique (BDU) qui regroupe de manière à la fois actualisée et prospective toutes les données utiles aux représentants du personnel afin de permettre un partage de l'information stratégique dans les domaines économiques et sociaux ( R2323-1-3 et R2323-1-4 du code du travail).

Quant à la prolongation du délai d’1 mois en cas d’expertise, il n’est pas dit s’il vise seulement l’expertise de droit ou également l’expertise dite « libre » assumée financièrement par le comité d’entreprise.

La rédaction générale de l’article nous conduit à penser que toutes les expertises sont ici visées, d’autant qu’il est devenu assez fréquent, notamment à l’occasion d’opérations complexes, que même dans les hypothèses où le recours à un expert n’est pas prévu par la loi, l’employeur accepte non seulement que le comité d’entreprise en désigne un mais aussi qu’il soit rémunéré par l’entreprise.

Il est vrai que, dans ce cas, un accord sera nécessairement conclu et que les parties ne se trouveront alors plus soumises aux stricts délais de l’article R2323-1-1 du code du travail.

Le décret encadre également des délais dans lesquels l’expert-comptable et l’expert libre rendent leur rapport.

A défaut d’accord et à défaut d’accord seulement, les délais sont les suivants :
• l'expert-comptable remet son rapport au plus tard 15 jours avant l'expiration du délai dont dispose le comité d’entreprise pour rendre son avis. Il demande à l'employeur au plus tard dans les 3 jours de sa désignation, toutes les informations qu'il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L'employeur répond à cette demande dans les 5 jours (article R2325-6-1 du code du travail) ;

• l'expert technique remet son rapport dans un délai de 21 jours à compter de sa désignation. Il demande à l'employeur au plus tard dans les 3 jours de sa désignation, toutes les informations qu'il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L'employeur répond à cette demande dans les 5 jours (article R2325-6-3 du code du travail).

Rappelons enfin que le comité d’entreprise, s’il estime ne pas disposer d’éléments suffisants, peut saisir le Président du Tribunal de Grande Instance statuant en la forme des référés, qui peut ordonner la communication par l’employeur d’éléments manquants. Le juge a l’obligation de statuer dans un délai de 8 jours.

Le délai conventionnel ou légal dans lequel le comité d’entreprise doit émettre un avis n’est pas pour autant prolongé sauf si le juge le décide (article L2323-4 du code du travail).



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