Loi anti-niqab ? Illégal, répond la Cour suprême d’Espagne
Actualités du droit - Gilles Devers, 4/03/2013
Voter des lois pour se les faire recaler parce qu’elles sont illégales, c’est pas très malin. Et si elles sont déclarées illégales car violant la liberté de religion et discriminatoires, ça devient vraiment nul ! C’est ce qui vient d’arriver à une réglementation anti-niqab, annulée par Cour Suprême d’Espagne. Pour la France, d’une manière ou d’une autre, et tôt ou tard, le résultat sera le même : bricoler de petites lois liberticides et discriminatoires n’a jamais mené loin.
L’Espagne ne connait pas de loi interdisant le port du niqab. Mais au cours de l’année 2000, des communes, comme Barcelone ou Lleida en Catalogne, enhardies par le débat français, avaient adopté de telles mesures, en soutenant qu’elles étaient justifiées par des données locales spécifiques.
La municipalité de Lleida avançait des arguments aussi idiots que ceux du Législateur français, à savoir que cette interdiction était nécessaire pour éviter le ségrégationnisme de ces femmes, et pour des raisons de sécurité.Tout faux vient de répondre la Cour suprême, dans une décision du 14 février rendue publique ce jeudi 27.
Loin de prévenir une ségrégation, l’interdiction du niqab accroit les discriminations à l’égard des femmes puisque celles qui le portent ont le choix de rester chez elles… ou de violer la loi ! Le tribunal souligne par ailleurs l’importance de la liberté de culte et la faiblesse de l’argument sécuritaire, qui ne repose sur rien, pour conclure : « L'interdiction qui vise ces femmes viole non seulement les libertés religieuses, mais renforce également la discrimination à leur encontre. En assignant à résidence certaines femmes, on les prive d’une intégration dans la société espagnole». Une belle victoire pour l’Association Watani pour la Liberté et la Justice.
En France, on attend pour les prochaines semaines un arrêt de la Cour de cassation. Je rappelle que le Conseil d’Etat, consulté avant le vote de la loi, avait estimé qu’il fallait renoncer à ce funeste projet car la loi serait contraire aux principes du droit, cette interdiction générale étant contraire à tout le régime des libertés publiques. Le parlement est passé outre, aveuglé par les lumières des sondages et empétré dans ses conceptions rétrécies du monde.
Pour la Cour de cassation, le deal est simple : soit elle rejoint les analyses du Conseil d’Etat, de la Cour suprême du Canada, de celle d’Espagne ; soit elle s’accroche à la fiction d’un lunatique « ordre public immatériel », pour sauver la loi… en se préparant un rendez-vous expiatoire devant le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU dans 3 ou 4 ans…