Les papas maltraités par la justice ? C’est du n’importe quoi !
Actualités du droit - Gilles Devers, 18/02/2013
L’histoire de ce père qui squatte une grue pour protester contre le retrait du droit de visite sur son enfant montre certes le désarroi d’un homme, mais dresse un tableau stupéfiant de l’incapacité des représentants de l’Etat à tenir une ligne et à résister au moindre rapport de forces. Un grand bon en avant dans l'incompréhension...
I – L’affaire
La séparation du couple
Un couple non-marié s’est séparé. La résidence de l’enfant a été confiée à la mère, et le père disposait d’un droit de visite élargi, selon une décision du juge aux affaires familiales du 17 novembre 2009. Il ne s’agissait donc pas du régime à un WE sur deux, mais peut-être de deux sur trois, ou d’un jour ajouté dans la semaine.
Le père avait fait appel en demandant que la résidence de Benoît, alors âgé de trois ans, soit fixée à son domicile.
Deux soustractions d’enfant
A l’occasion de l’exercice de ce droit de visite, le père, à deux reprises, a refusé de rendre l’enfant, une fois en 2000 pour 15 jours, et une autre fois en 2011 pour deux mois et demi, et c’est chaque fois la police qui a dû le localiser et intervenir. Donc deux infractions de soustraction d’enfants, et on ajoute des menaces de commettre une nouvelle soustraction si la mère n'acceptait pas de mettre en place une résidence alternée. Sympatique et éducatif.
Dès lors que le juge s’était prononcé et dans l’attente de l’arrêt d’appel, l’ordonnance devait être respectée. Mais sans attendre l’arrêt de la Cour, le père s’était fait justice lui-même, par les soustractions d'enfant. C’est dire que le père carbonisait son appel, et ouvrait vers une remise en question d’un droit d’accueil à son domicile.
Ce genre d’affaire a des suites pénales et civiles, et on peut se référer aux explications factuelles données par l’avocate de la mère à l’AFP.
Suspension du droit de visite
L’attitude et les menaces du père caractérisant un danger pour l’enfant, le juge des enfants a placé Benoît chez sa mère et autorisé des visites médiatisées du père, c’est-à-dire en présence d’un tiers, et dans un lieu de rencontre surveillé.
Sur le plan civil, un arrêt de la cour d'appel de Rennes a suspendu le droit de visite du père, ce qui est attendu dans une telle affaire, et accordé à la mère seule, l’exercice de l'autorité parentale, ce qui plus rare, mais la cour a tiré les conséquences des carences éducatives et de la violence du père.
Condamnation pénale
Sur le plan pénal, le 12 septembre 2012, le père a été condamné par le tribunal correctionnel pour des faits de violences suivies d'une incapacité supérieure à huit jours, soustraction d'enfant, et menaces contre les personnes avec ordre de remplir une condition. Sa défense ? Il n’y en a pas eu, car le père ne s’est pas présenté à l'audience... mais il a interjeté appel du jugement. L’affaire est en attente d’être jugée par la cour d'appel.
Médiation
La situation étant très tendue ces derniers temps, la mère a proposé une mesure de médiation en urgence, prévue en fin de semaine,... mais le père l’a refusé.
De ce que je comprends, le père n’a pas même d’avocat. C’est sa liberté, mais quand on veut agir en justice, c’est quand même un peu mieux de se faire conseiller par des pros…
II – Quelques points d’analyse
Une affaire triste
Cette affaire est bien triste, mais elle ne conduit à rien : nul ne peut admettre l’idée de se faire justice soit même. La cour ne me donne pas la résidence de l’enfant,… eh bien je le prends, et je menace la mère. Excellent contexte éducatif pour l’enfant !
L’affaire était pourtant engagée de manière très correcte, avec la résidence chez la mère pour ce petit garçon de trois ans, et un droit de visite élargi. Le père avait fait appel, tout ceci est du très courant. Si l’enfant était si mal chez la mère, le père pouvait engager des procédures d’urgence, ce qui n’a pas été fait. C’est dire la violence soudaine que représentent les soustractions d’enfant et les menaces.
Il n’y a strictement rien à redire sur le fonctionnement institutionnel de la justice. Vouloir poser une problématique générale à partir de cette affaire est un non-sens. C'est pourtant ce qui a été fait...
La résidence des enfants souvent chez la mère
Selon le ministère de la Justice, dans 76,8% des cas de divorce en 2010, les enfants sont hébergés chez leur mère en résidence principale. Seuls 7,9% vivent chez leur père et 14,8% bénéficient d’une résidence alternée.
Oui, et alors ? Ces chiffres ne veulent rien dire, car les 76,8% des cas sont très majoritairement décidés par consensus des parents.
Nombre de demandes de résidence du père sont non sérieuses, présentées sans autre motif que de mettre la pression.
Aussi, la seule question valable serait de savoir si, lorsque les demandes contraires des parents ont des mérites comparables, les juges donnent outrageusement la faveur à la mère. Or, il est impossible par des statistiques de qualifier ce qui relève de l’appréciation du juge sur des affaires aussi intimes. Aucune étude sérieuse n’a jamais démontré la réalité d’une faveur donnée à la mère dans les cas équilibrés.
La résidence alternée
C’est loin d’être un lupanar. Pour que ça marche, il faut une bonne qualité relationnelle des parents, et des domiciles assez proches, pour l’école et la vie de tous les jours.
Par ailleurs, certains enfants apprécient, et d’autres non, préférant avoir une maison que deux…
Lorsqu’il y a accord des deux parents, les juges entérinent l’accord. S’il y a désaccord, les approches sont très individualisées, et il est impossible de définir une ligne jurisprudentielle dominante.
La rareté des poursuites pénales
Une autre injustice annnoncée serait que le parquet donne rarement suite aux plaintes pour « non-représentation d’enfant ». D’après les chiffres du ministère, 16,4% ont donné lieu à des poursuites et 4,5% à peine à des condamnations.
Attention aux apparences : la poursuite pénale en correctionnelle est rarement la bonne solution, et le parquet y renoncera chaque fois que se crée un accord après la crise, notamment par une mesure de médiation.
Souvent le parquet ne poursuit pas pour ne pas envenimer l’affaire, car le père ou la mère en correctionnelle, c’est rarement bon pour l’ambiance familiale. Mais si le parquet a classé, chaque parent peut obtenir une copie des PV et engager les poursuites pénales par une citation directe devant le tribunal correctionnel. Alors, où est le blème ?
Les politiques consternants
Les services de secours sont sur place. On entend beaucoup le préfet, et peu le procureur... mais enfin. Faisons leur confiance pour gérer cette affaire délicate au mieux.
Je suis en revanche consterné de voir comment les politiques se saisissent de cette affaire, comme si elle mettait en lumière un problème de maltraitance des petits papas…
Le premier ministre a dit se « saisir du dossier des droits des pères », alors que les questions posées sont la violence faite aux mères, aux enfants, et l'irrespect pour la justice.
La sous-ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti se lamente qu’il faut « entendre les revendications des pères ». Elle ajoute puissamment : « On ne peut pas vouloir à la fois l'égalité femme-homme, et en même temps, ne pas entendre les revendications des pères qui entendent assumer à part égales leurs responsabilités de parents ». Mais en quoi cette question est-elle posée par cette affaire ? Et qu’est que ce vocabulaire de « revendications des pères » ? Quelle représentativité de ces associations ? En quoi ces associations parlent-elles en mon nom ? C’est une maladie : vingt personnes se regroupent en asso, et ça devient une cause…
A droite, Valérie Pécresse, patauge dans la même semoule : « Il faut que la garde alternée devienne le principe et qu’il y ait des exceptions, mais que l'on puisse avoir un droit, un accès des parents, des pères, davantage à leurs enfants ». J’ai relu trois fois… mais j’ai pas tout pigé. Et je voudrais dire à Valérie que dans le grande majorité des cas il y a consensus des parents, et que les appels restent minoritaires. Alors, une belle usine à gaz ?
Donner ce crédit à une affaire qui est celle de la violence et de l’irrespect pour la justice me sidère.