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Au procès Karim Achoui, l’école de la prison

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 18/09/2013

Ils ont entre 31 et 35 ans, et ils sont accusés d'être les auteurs de la tentative d'assassinat de l'ex-avocat Karim Achoui, le 22 juin 2007. A chacun d'entre eux, mercredi 18 septembre, la présidente de la cour d'assises de … Continuer la lecture

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Ils ont entre 31 et 35 ans, et ils sont accusés d'être les auteurs de la tentative d'assassinat de l'ex-avocat Karim Achoui, le 22 juin 2007. A chacun d'entre eux, mercredi 18 septembre, la présidente de la cour d'assises de Paris, Xavière Simeoni, a posé la même question.

"A votre âge, vous avez passé combien de temps en prison ?"

"Une dizaine d'années environ", a répondu le premier, Mamadou Ba, suspecté d'être le chauffeur du scooter à bord duquel avait pris place le tireur. "Plus de dix ans", a dit Djamel Hakkar, qui serait l'un des commanditaires du guet-apens, selon l'accusation. "Douze ans, dont neuf à l'isolement", a indiqué Ruddy Terranova, formellement identifié par Karim Achoui comme étant l'auteur des deux tirs qui l'ont atteint.

"Et quel bilan faites-vous de votre parcours ?", a poursuivi la présidente. "En prison, on fait des bonnes et des mauvaises rencontres", a répondu le premier, qui a ajouté : "La première fois, j'avais 18 ans, j'ai fait une rencontre qui a changé ma vie. Un braqueur, qui avait 20 ans de plus que moi et qui purgeait une peine de 18 ans. Dans ces moments là, on prend des engagements, et après, on essaie de les honorer..." En prison, Mamadou Ba lit "des écrits de Karl Marx sur le capitalisme".

"Mon parcours ? Ben, j'en suis fatigué", a dit Djamel Hakkar, issu d'une fratrie de dix enfants, dont quelques-uns ont des casiers judiciaires plus chargés que le sien. A 35 ans, visage émacié, teint gris vert, yeux cernés, il en paraît facilement quinze de plus.

Des trois, Ruddy Terranova est le plus bavard. Né dans les quartiers Nord de Marseille, issu d'une famille pied-noir, il a grandi comme il pouvait entre une mère et un beau-père qui multipliaient les séjours en prison. Son beau-père a été tué lors d'un règlement de comptes, sa mère s'est pendue quelques mois plus tard. Ruddy Terranova s'est converti depuis à l'islam radical et porte une épaisse barbe noire qui lui mange la moitié du visage. Lors de l'un de ses séjours à la Santé, il s'est lié d'amitié avec le terroriste Carlos. "J'étais entre lui et Guy Georges [condamné pour plusieurs viols et meurtres de jeunes femmes ]. Carlos m'a raconté ses faits de guerre, on a sympathisé".

Il émaille ses phrases de mots en arabe – à chaque fois, la présidente le reprend –, justifie le djihad – il a été condamné en 2005 pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme –, mêle Spinoza, le Coran et la guerre civile en Syrie dans de longues digressions qu'il est le seul à comprendre. Il a eu la mâchoire fracturée "par un tir de flash ball" et souffre d'une épaule, "parce que j'ai pris un coup de hachoir".

Karim Achoui, qui a boudé l'audience pendant quelques heures à la suited'un incident – il exigeait de ne pas passer par le portique commun aux trois détenus, qui comparaissent libres, et au public –, est revenu pour entendre l'interrogatoire de personnalité de Ruddy Terranova. L'homme a en effet été inscrit pendant un an au Bureau central des sources avant d'en être radié "en raison de son instabilité et de sa versatilité chroniques", indique le rapport de son officier traitant, versé au dossier. Cette proximité alimente depuis le début la version de Karim Achoui, selon laquelle il n'aurait pas été victime d'un règlement de comptes du milieu, mais d'un "complot policier".

Elle est surtout encombrante pour Ruddy Terranova, qui fait tout ce qu'il peut pour se défaire de l'étiquette d'indic et de "balance" qui lui colle à la peau et pour se hisser dans la cour des "grands". Dans la langue de Ruddy Terranova, cela donne : "Lui, si je l'avais rencontré, je lui aurais fait plus de trous que dans une flûte à bec."

Un peu plus tard, soucieux de donner des gages de loyauté à l'homme silencieux assis dans le prétoire, Jacques Haddad, une des figures du grand banditisme, qui comparaît libre : "C'est mon grand frère, Madame la présidente. Si Haddad me dit que sa famille est en danger, j'y vais [voir ses adversaires] et pas pour leur faire une pizza aux quatre fromages !"


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