OGM : Le grand affolement
Actualités du droit - Gilles Devers, 19/09/2012
Affoler la foule semble la méthode de ce gouvernement. Ses réactions fiévreuses après l’article du Nouvel Obs ont de quoi inquiéter, pour de bon. On se rend compte en direct live que sur un sujet éminemment scientifique, ça patauge au maximum.
Je suis comme tant de monde, entre très et énormément réticent aux OGM, mais je ne connais rien à ces sciences, et je cherche à comprendre. Le compte n’y est pas, pas du tout.
Hier, a été publiée une étude scientifique… Non ! Le Nouvel Obs n’est pas une revue scientifique, et l’article sera prochainement publié dans la réputée revue Food and Chemical Toxicology. L’article s’intitule «Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize», et il est signé par deux scientifiques connus, Gilles-Eric Séralini et Joël Spiroux de Vendômois (Criigen, Université de Caen). Donc, on ne connait ni l’article scientifique, ni l’étude, mais seulement les bonnes feuilles publiées par le Nouvel Obs… et c’est l’état d’alerte maximal au gouvernement ! Dans les heures qui ont suivi la publication de l’Obs, les trois ministres de la Santé, de l'Ecologie et de l'Agriculture ont publié ce communiqué :
«Le Gouvernement a pris connaissance des informations, rendues publiques aujourd'hui, sur l'étude menée par des chercheurs français, mettant en cause l'innocuité à long terme du maïs transgénique NK 603 sur les rats. Les conclusions de cette étude font l'objet d'une saisine immédiate de l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire. Elles feront également l’objet d’une analyse par le Haut Conseil des Biotechnologies. Elles seront également transmises en urgence à l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments.
« En fonction de l'avis de l'ANSES, le Gouvernement demandera aux autorités européennes de prendre toutes les mesures nécessaires en termes de protection de la santé humaine et animale, mesures qui pourront aller jusqu’à suspendre en urgence l’autorisation d’importation dans l’Union européenne du mais NK 603, dans l’attente d’un réexamen de ce produit sur la base de méthodes d’évaluation renforcées.
« Cette étude semble confirmer l'insuffisance des études toxicologiques exigées par la règlementation communautaire en matière d'autorisation de mise sur le marché de produits transgéniques. Elle valide la position de précaution prise par le Gouvernement français sur le moratoire des cultures OGM. Le Gouvernement demande aux autorités européennes de renforcer dans les meilleurs délais et de façon significative l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux.»
Cela veut dire que le gouvernement, responsable de la santé publique, est à un état de méconnaissance tel du sujet qu’un article du Nouvel Obs suffit à réorienter toute sa pratique politique. Cela veut dire que le gouvernement demande à ces instances scientifiques de se prononcer sur l’article de l’Obs ! Comment donner une réponse scientifique sans connaître toute l’étude ?
Ensuite, les résultats publiés par l'Obs sont affolants pour la santé publique, et je dois me poser quelques questions.
1/ Je vois mis en avant deux arguments contradictoires : les titres universitaires de deux chercheurs, et le fait que l’un des intérêts de l’étude serait qu’elle émane d’un labo privé, donc indépendant. Alors, est-ce le travail d’universitaires ou le travail d’une équipe privée ?
2/ Si c’est un labo privé, qui a financé ? Car j’imagine des budgets au sommet.
3/ Je lis que serait Greenpeace qui aurait financé, et qui finance Greenpeace, alors ?
4/ Gilles-Eric Séralini et Joël Spiroux de Vendômois sont reconnus comme des scientifiques opposés aux OGM, et proches des groupes militants. Ce n’est pas interdit, loin de là. Mais il faudrait que les deux chercheurs disent clairement ce qu’il en est. Nous sommes dans le conflit d’intérêts, qui n’est pas illégal en soi, mais qui doit être explicité.
5/ Si je synthétise, je vois que les études financées par le lobby OGM sont favorables aux OGM, et que les études financées par les opposants aux OGM sont défavorables aux OGM. Excusez du peu, mais, vu les enjeux, c’est totalement merdique ! Dois-je comprendre qu’il n’y a pas d’études d’Etat, conduites dans la transparence et au feu de la contradiction des savants ? Je suis très enclin à le penser, quand je vois que ces quelques pages publiées dans l’Obs ont fait virer casaque au gouvernement !
6/ D’un côté, on me dit que c’est la première étude à deux ans, alors que les autres n’étaient qu’à 90 jours, et de l’autre, on me dit que c’est entièrement faux et qu’il existe de nombreuses études à deux ans. Que sait le gouvernement ?
7/ Je crois volontiers que l’étude confirmera l’article de l’Obs. Mais vu cette toxicité extrême à deux ans, une corrélation a-t-elle était faite avec l’état de santé des populations qui consomment régulièrement des OGM ?
8/ L’étude conclut à des risques considérables pour la santé, qui ont de quoi faire flipper le commun des mortels, tel mézigue. Mais je lis que l’étude a été achevée en avril 2012, et les signes graves pour la santé étaient donc nécessairement bien antérieurs. Pourquoi ne pas avoir alerté les autorités sanitaires ?
Après les grandes affaires de santé publique qu’ont connues nos pays, je pensais que le background scientifique était blindé. Je vois que c’est du gruyère, et je me pose la question de savoir qui décide et sur quelles bases.