Avec Jeremy Corbyn, le Labour va-t-il redevenir un parti de Gauche ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 17/08/2015
Il s’en passe de belles dans la Gauche travailliste british. Après la défaite d’Ed Miliband aux dernières législatives, le Labour a entrepris de désigner un nouveau leader. Un vote interne important, avec 610.000 électeurs, car le vainqueur sera le candidat des travaillistes pour la succession de David Cameron en 2020. Le vote a commencé le 14 août, pour s’achever le 10 septembre, et le résultat sera proclamé le 12.
Le contexte, c’est la défaite de 2015, suivant celle de 2010, achèvement de la blairisation du Labour. S’agissant de l’analyse des causes, une tendance minoritaire a vu un manque de lisibilité et de conviction, mais le staff du parti a estimé que c’était un positionnement trop à Gauche d’Ed Miliband qui avait fait figure d’épouvantail. Les têtes pensantes du parti ont donc recherché des quadras bien proprets, dans la ligne centriste, et voici Andy Burnham, Yvette Cooper et Liz Kendall. C’est un virage à Droite, et seules des nuances les distinguent. Pour faire démocrate, on assuré les 35 parrainages nécessaires à un candidat de la Gauche du parti, courant qui se situe en moyenne à moins de 10%.
Ce candidat, c’est Jeremy Corbyn, 66 ans, député d'Islington, un quartier du nord de Londres, réélu huit fois depuis 1983, qui s’est lancé dans l’affaire pour « faire le job » comme un vieux soldat.
Sauf que… très vite, Jeremy Corbyn a trouvé les mots pour dynamiser la campagne. Excellent orateur, charismatique, il a fait passer un vent d’enthousiasme : les salles sont pleines et l’ovationnent, et il monté en flèche dans les sondages, pour atteindre 53%, alors que ses concurrents plafonnent autour de 20. Ces gentils petits candidats qui n’ont rien à proposer, à part les idées de la famille New Labour sanctionnées dans les urnes, se liquéfient devant Jeremy Corbyn. Du jamais vu.
Question programme, c’est du classique pour l’aile Gauche du parti, mais ses adversaires qui passent leur temps à dire que ce sont les solutions des années 1980, ont manifestement sous-estimé les qualités argumentaires de Jeremy Corbyn, sa force de conviction… et les attentes des électeurs.
En politique étrangère, Jeremy Corbyn fait valoir son opposition à Blair pour la guerre en Irak, dit nécessaire d'associer le Hamas et le Hezbollah aux pourparlers de paix au Proche-Orient, et il revendique la renonciation à l’arme nucléaire.
Sur le plan économique, il estime l'austérité excessive, veut augmenter les impôts des entreprises et des personnes les plus aisées, renationaliser le rail et l'énergie, instaurer la gratuité des universités…
Revival de Pomedos ou Tsipras ? Pas évident, car cette dynamique-là a été bien cassée avec l’affaire grecque, et surtout, les succès de l’économie britannique, qui ont été la base de la réélection de Cameron, changent totalement la donne.
Alors, le Labour redeviendrait-il un parti de Gauche ? Difficile à envisager pour l’appareil du parti, lui aussi dépassé par l’évènement, et qui tente de sauver les meubles autour d’un « Anyone but Corbyn », qui sent bien mauvais. Tony Blair et Gordon Brown alarment sur les déroutes à venir, et même « l'annihilation » du parti… Comme ils sont inaudibles sur leurs propositions, reste le dézingage. Pour le moment, cette hargne anti-Corbyn renforce ses soutiens, et – meeting agrès meeting – la dynamique se maintient.