Quel blog face à François Hollande ?
Justice au singulier - philippe.bilger, 10/05/2012
Qu'on ne compte pas sur moi pour regretter d'avoir été enthousiaste du candidat Sarkozy de 2007 et m'excuser d'avoir été totalement déçu par le président et le quinquennat !
Qu'on ne compte pas sur moi pour déplorer mon vote du premier tour en faveur de François Bayrou et mon soutien sans réserve à François Hollande, heureux que ce centriste de caractère, et non pas couché, ait eu la lucide résolution d'aller au bout de la cohérence ! A partir du moment où la morale publique lui importait au moins autant que les déficits, pourquoi aurait-il sacrifié la première en appelant à une réélection qui aurait été une séance de rattrapage et la France un banc d'essai ?
Avant le début officiel de ce nouveau quinquennat, je ne crois pas inutile, maintenant que les commentateurs de qualité qui honorent ce blog sont attachés exclusivement à traiter du fond de mes billets plutôt qu'à vilipender les personnes, de faire part du mode d'emploi qui sera le mien dans l'appréhension de ce qui adviendra sur le plan politique et civique.
Ces précisions m'éviteront d'avoir sans cesse à justifier la tenue d'un blog à la fois libre et engagé, comme si j'étais contraint d'adopter la posture de l'historien ou du journaliste et de me plier à une prétendue incompatibilité entre l'expression d'une conviction et la légitimité du blogueur. Il aurait été paradoxal qu'à partir de l'effacement de mon obligation de réserve, je me condamne à une retenue qui aurait violé à la fois ma propre nature et, me semble-t-il, la richesse de notre débat collectif.
Ce qui serait clairement contradictoire avec ce blog tel que je l'ai conçu et maintenu depuis le mois de novembre 2005 n'a rien à voir avec une quelconque implication mais tout, en revanche, avec une caporalisation de la pensée et une indignation systématique à l'égard de ce qui aurait le front d'être désaccordé avec ce que d'aucuns attendraient de moi.
Aussi, il ne suffit pas de souligner, dans les commentaires, à quel point je serais "partisan" ou peu "raisonnable" pour me damer le pion car ce type d'argumentation qui n'en est pas un revient seulement à vous démontrer que vous avez tort parce que votre contradicteur a raison, ce qui est un peu court. Au contraire, l'effervescence intellectuelle et l'intensité des échanges, voire la mise en cause vigoureuse mais urbaine, constitueront la richesse de ce blog, j'ose le dire unique par sa liberté de ton, son absence de censure et la correction formelle des commentaires...
Il va de soi que, comme hier, mes billets auront cette force et cette faiblesse de n'être que l'affirmation d'une subjectivité soumise à rien d'autre qu'à sa propre perception, dans l'instant, des situations et des êtres, du socialisme de François Hollande, de sa personnalité, de sa manière de présider et des mille aléas qui ne vont pas manquer de survenir dans cette histoire française d'une autre tonalité.
Certes, je suis persuadé que François Hollande échappera à l'inconditionnalité, qu'il ne la souhaitera pas, trop sûr de soi en profondeur pour en avoir besoin. Il se mettra à l'abri de ces multiples manifestations dérisoires ou importantes qui ont obéré le quinquennat de Nicolas Sarkozy, à commencer par ses débuts calamiteux.
Mais le regard bienveillant que je pourrai porter sur notre nouveau président, parce que sa personnalité me plaît et que son style m'agrée, ne m'empêchera jamais de dénoncer ce qui me semblera être sujet à caution dans une politique notamment judiciaire dont j'attends la mise en oeuvre avec impatience et à la fois inquiétude. Qu'elle ne défasse pas à tort et à travers et qu'elle construise, contrairement à hier, en réfléchissant.
François Hollande ayant affirmé son refus de l'ouverture au sens de 2007 et sa volonté de tout articuler sur un noyau central socialiste, il sera nécessaire qu'au-delà de ses soutiens idéologiques et écologiques, il puisse, plus que ne l'a jamais fait le président sortant, entendre les voix favorables mais non socialistes, les critiques, les objections, les réserves techniques, voire les dénonciations démocratiques d'alliés qui ont voulu son élection parce que la déception était trop vive de l'autre côté et qu'ils rêvaient d'un chef d'Etat normal pour relever des défis exceptionnels.
Sans surestimer l'importance de ce blog, je l'espère comme une adhésion, une sincérité, une oasis, une dissidence, une bienfaisante imprévisibilité. Au gré des circonstances. Capable aussi bien de pourfendre la déclaration indigne du maire d'Aix-en-Provence sur François Hollande que demain, si elle éclatait, l'arrogance socialiste ou le sectarisme de la gauche unie. Désireuse de voir l'action présidentielle facilitée mais pas à n'importe quel prix. Aspirant à une unité, un rassemblement, une concorde, un humanisme, une décence qui apaiseraient les Français et leur offriraient enfin un destin collectif digne de ce nom.
Par grâce, qu'on ne vienne pas alors me jeter dans l'esprit l'obligation d'une grise continuité et d'une fade cohérence privilégiant, l'une et l'autre, la constance dans la ligne plutôt que la vérité dans l'idée. Tant d'autres sujets vont nous solliciter. De "ces affaires qui menacent Nicolas Sarkozy" (Le Monde) aux ridicules médiatiques, et je parie qu'ils seront nombreux avec les opportunistes acharnés à saisir leur chance en oubliant leur servitude d'hier. De la comédie judiciaire au combat des législatives. De tout et de rien, de la vie dans ce qu'elle a de plus grave et de plus solennel à l'existence dans ce qu'elle a apparemment de plus futile. Du fil des jours aux orages du monde.
Juste une prière. Qu'on comprenne mon désir de n'être même pas enfermé dans ma propre opinion. Je réclame pour nous tous le droit au changement.
Pas seulement maintenant !