Quand « immunité d’éxécution » rime avec « restitution »
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Georges Arama, Pascal Ithurbide, 3/03/2014
La matière est délicate.
L’insaisissabilité ou encore « immunité d’exécution » permet d’empêcher que soit poursuivie toute procédure d’exécution forcée portant sur les biens corporels ou incorporels des Etats, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, ainsi qu’aux établissements publics, pour autant que ces biens ne soient pas affectés à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé.
Elle procède de l’article L 2311-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
On la retrouve dans bon nombre de pays d’Afrique, comme le Cameroun, ce qui s’explique par le fait que ces pays sont régis par un droit d’obédience française.
Elle ne doit pas être confondue avec « l’immunité de juridiction », qui a pour objet de soustraire certains actes ou certaines personnes, dont les Etats, au pouvoir des juridictions de droit commun
Là où l’affaire se complique, c’est lorsque les contractants sont soumis à une clause d’arbitrage qui prévoit que : « Toute sentence arbitrale revêt un caractère obligatoire pour les parties. Par la soumission de leur différend au présent règlement, les parties s’engagent à exécuter sans délai la sentence à intervenir et sont réputées avoir renoncé à toutes voies de recours auxquelles elles peuvent valablement renoncer », comme le stipule, par exemple, le Règlement de la Chambre de Commerce Internationale.
On peut alors se demander si la soumission à l’arbitrage, qui suppose une renonciation à l’immunité de juridiction, emporte aussi renonciation à l’immunité d’exécution.
Au cas d’espèce, un avion militaire camerounais était en « Grande Visite », depuis de nombreux mois, dans les ateliers d’une société de maintenance implantée à Bordeaux.
Les factures de la réparation étaient payées, l’avion était en état de vol et, pourtant, la société de maintenance prétendait exercer un droit de rétention au motif d’un conflit plus large, portant sur les conditions de résiliation du contrat de maintenance, conflit soumis à un tribunal arbitral à Paris et susceptible de générer d’importants dommages et intérêts pour le prestataire délaissé.
Invoquant l’existence de difficultés sérieuses et l’absence d’urgence, la partie adverse cherchait à s’opposer à la demande de restitution, dans l’attente d’une décision sur le fond de la part du tribunal arbitral et soutenait, au surplus, la renonciation de la République du Cameroun à l’immunité de juridiction et à l’immunité d’exécution.
Or, par ordonnance de référé du 25 février 2014 (République du Cameroun c/ Sabena Technics BOD, RG n°2014R00043), le président du tribunal de commerce de Bordeaux ordonne la restitution, sous astreinte, de l’avion.
Sa motivation est claire : « (…) En toutes hypothèses (…), il ne peut y avoir rétention d’un bien appartenant à l’Etat, ce bien étant insaisissable. Par ailleurs, il n’est pas démontré qu’en acceptant de voir le litige qui l’oppose à la société S. tranché par un tribunal arbitral, la R. C. ait renoncé à quelque insaisissabilité des biens lui appartenant. Les conditions du droit de rétention ne sont donc pas réunies (…). »
Cette décision est en cohérence avec la position de nombreuses cours d’appel et, surtout de la cour de cassation qui, par un revirement jurisprudentiel récent, de 2013 (Cass. civ. 1ère, 28 mars 2013, n°10-25938, n°11-10450 et n°11-13323), décide que « (…) cette renonciation (à l’immunité d’exécution) n’est possible qu’à condition de figurer de manière expresse et spéciale dans un contrat écrit, en mentionnant les biens ou la catégorie de biens pour lesquels la renonciation est consentie », ce qui n’était pas le cas des parties en présence.
L’enseignement de cette affaire est précieux.
Il confirme que, même en référé, où chacun sait que le juge a des pouvoirs limités, il est possible de faire cesser une mesure de rétorsion mise en œuvre abusivement, une atteinte à l’immunité d’exécution étant constitutive d’un trouble manifestement illicite auquel il doit être mis fin sur-le-champ.
Il est clair que le juge des référés a aussi pris en compte le fait que l’avion était un matériel militaire, participant, de ce fait, à la défense nationale du Cameroun et des pays avoisinants, soumis à de fortes tensions internationales depuis quelques mois.
Il faut saluer ici une décision courageuse d’un magistrat consulaire qui a su s’abstraire des contingences locales pour faire triompher, en dépit de l’âpreté du débat, un principe intangible du droit international.
L’insaisissabilité ou encore « immunité d’exécution » permet d’empêcher que soit poursuivie toute procédure d’exécution forcée portant sur les biens corporels ou incorporels des Etats, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, ainsi qu’aux établissements publics, pour autant que ces biens ne soient pas affectés à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé.
Elle procède de l’article L 2311-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
On la retrouve dans bon nombre de pays d’Afrique, comme le Cameroun, ce qui s’explique par le fait que ces pays sont régis par un droit d’obédience française.
Elle ne doit pas être confondue avec « l’immunité de juridiction », qui a pour objet de soustraire certains actes ou certaines personnes, dont les Etats, au pouvoir des juridictions de droit commun
Là où l’affaire se complique, c’est lorsque les contractants sont soumis à une clause d’arbitrage qui prévoit que : « Toute sentence arbitrale revêt un caractère obligatoire pour les parties. Par la soumission de leur différend au présent règlement, les parties s’engagent à exécuter sans délai la sentence à intervenir et sont réputées avoir renoncé à toutes voies de recours auxquelles elles peuvent valablement renoncer », comme le stipule, par exemple, le Règlement de la Chambre de Commerce Internationale.
On peut alors se demander si la soumission à l’arbitrage, qui suppose une renonciation à l’immunité de juridiction, emporte aussi renonciation à l’immunité d’exécution.
Au cas d’espèce, un avion militaire camerounais était en « Grande Visite », depuis de nombreux mois, dans les ateliers d’une société de maintenance implantée à Bordeaux.
Les factures de la réparation étaient payées, l’avion était en état de vol et, pourtant, la société de maintenance prétendait exercer un droit de rétention au motif d’un conflit plus large, portant sur les conditions de résiliation du contrat de maintenance, conflit soumis à un tribunal arbitral à Paris et susceptible de générer d’importants dommages et intérêts pour le prestataire délaissé.
Invoquant l’existence de difficultés sérieuses et l’absence d’urgence, la partie adverse cherchait à s’opposer à la demande de restitution, dans l’attente d’une décision sur le fond de la part du tribunal arbitral et soutenait, au surplus, la renonciation de la République du Cameroun à l’immunité de juridiction et à l’immunité d’exécution.
Or, par ordonnance de référé du 25 février 2014 (République du Cameroun c/ Sabena Technics BOD, RG n°2014R00043), le président du tribunal de commerce de Bordeaux ordonne la restitution, sous astreinte, de l’avion.
Sa motivation est claire : « (…) En toutes hypothèses (…), il ne peut y avoir rétention d’un bien appartenant à l’Etat, ce bien étant insaisissable. Par ailleurs, il n’est pas démontré qu’en acceptant de voir le litige qui l’oppose à la société S. tranché par un tribunal arbitral, la R. C. ait renoncé à quelque insaisissabilité des biens lui appartenant. Les conditions du droit de rétention ne sont donc pas réunies (…). »
Cette décision est en cohérence avec la position de nombreuses cours d’appel et, surtout de la cour de cassation qui, par un revirement jurisprudentiel récent, de 2013 (Cass. civ. 1ère, 28 mars 2013, n°10-25938, n°11-10450 et n°11-13323), décide que « (…) cette renonciation (à l’immunité d’exécution) n’est possible qu’à condition de figurer de manière expresse et spéciale dans un contrat écrit, en mentionnant les biens ou la catégorie de biens pour lesquels la renonciation est consentie », ce qui n’était pas le cas des parties en présence.
L’enseignement de cette affaire est précieux.
Il confirme que, même en référé, où chacun sait que le juge a des pouvoirs limités, il est possible de faire cesser une mesure de rétorsion mise en œuvre abusivement, une atteinte à l’immunité d’exécution étant constitutive d’un trouble manifestement illicite auquel il doit être mis fin sur-le-champ.
Il est clair que le juge des référés a aussi pris en compte le fait que l’avion était un matériel militaire, participant, de ce fait, à la défense nationale du Cameroun et des pays avoisinants, soumis à de fortes tensions internationales depuis quelques mois.
Il faut saluer ici une décision courageuse d’un magistrat consulaire qui a su s’abstraire des contingences locales pour faire triompher, en dépit de l’âpreté du débat, un principe intangible du droit international.