La liquidation judiciaire insuffisante pour justifier la rupture du contrat de travail pour force majeure
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Hervé Duval et Gratiane Kressmann, 10/09/2014
En cas de force majeure, l’employeur peut mettre fin unilatéralement au contrat de travail tout en étant libéré des obligations légales et conventionnelles liées à la rupture du contrat. Cependant, les cas dans lesquels la jurisprudence admet que les éléments constitutifs de la force majeure sont réunis sont si rares que l’on en vient à penser que la force majeure ne se rencontre pratiquement pas en droit du travail. L’arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence du 11 avril 2014( n°13/11762) vient confirmer cette impression.
1. La Cour de cassation a donné la définition suivante de la force majeure dans son arrêt du 12 février 2003 (n°00-46660) :
« La force majeure permettant à l’employeur de s’exonérer de tout ou partie de ses obligations nées de la rupture du contrat de travail s’entend de la survenance d’un évènement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite dudit contrat ».
La force majeure est ainsi constituée par quatre éléments cumulatifs :
- la survenance d’un évènement extérieur aux parties,
- imprévisible lors de la formation du contrat,
- irrésistible au moment de l’exécution du contrat
- et rendant totalement impossible la poursuite du contrat de travail.
2. En l’espèce, un joueur de rugby avait signé avec un club de rugby professionnel, le 8 août 2011, une promesse d’embauche en vue de la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée pour la saison 2012-2013. Le 19 octobre 2011, le club a été placé en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Marseille.
Le joueur a alors saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir la réparation du préjudice que lui avait occasionné l’absence d’exécution, par le club de rugby, de la promesse que celui-ci avait contractée à son égard. Le club de rugby soutenait pour sa part que sa responsabilité ne pouvait pas être engagée la liquidation dont il avait fait l’objet ayant rendu « caduc » l’engagement qu’il avait pris à l’égard du joueur.
La Cour d’appel d’Aix en Provence a décidé que « dans la mesure où l’acte visait la rémunération et le début des fonctions, cette promesse d’embauche en contrat à durée déterminée, vaut contrat et sa rupture intervenue à l’initiative de l’employeur ou de son représentant légal le 19 octobre 2011, sans que le placement en liquidation judiciaire puisse être considéré comme un cas de force majeure, ouvre droit au salarié, selon l’article L1243-4 du code du travail à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal à la rémunération qu’il aurait perçue jusqu’au terme du contrat ».
La Cour, analysant les faits de l’espèce a, en effet considéré, comme le soutenait le joueur, qu’au moment où la promesse d’embauche avait été conclue le club de rugby savait que sa situation financière désastreuse devait nécessairement aboutir à sa disparition. En conséquence la liquidation prononcée le 19 octobre 2011 ne constituait pas, pour lui, un événement imprévisible. L’ensemble des éléments constitutifs de la force majeure n’étant pas réunis le club de rugby a été condamné à verser au joueur une indemnité égale au montant de l’ensemble des salaires qu’il aurait perçus s’il avait pu jouer au cours de la saison 2012-2013. (Cour d’appel d’Aix en Provence - 11 avril 2014 - n°13/11762)
3. Il n’existe donc pas de circonstances qui par nature seraient constitutives d’un cas de force majeure. Quelques soient les faits invoqués, les juges vérifient que toutes les conditions caractérisant la force majeure sont réunies et ils opèrent cette vérification avait un très haut degré d’exigence.
C’est cette rigueur que traduisent les décisions rendues par les cours d’appel de Rennes et de Grenoble :
- « Qu'ainsi la dissolution de l'équipe professionnelle « Agrigel » ne peut être tenue comme un événement irrésistible dès lors qu'elle résulte d'une décision de l'Association et qu'elle pouvait être évitée en recrutant d'autres coureurs au sein de l'équipe ;
Que si la suspension des 2 cyclistes pour cause de dopage avait fait perdre à l'Association ses sponsors et par voie de conséquence tout financement rendant plus difficile le recrutement de nouveaux coureurs, cette situation ne relève pas de la force majeure » (Rennes, 5 mars 1998 n°97-7203),
- La survenance de difficultés économiques d’un club n’est pas constitutive d’un cas de force majeure (Grenoble, 25 mars 2014 n°13/04463).
4. Les juges ont la volonté de protéger les salariés contre les situations dont la cause ne serait pas totalement étrangère aux parties, qui ne seraient pas absolument insurmontables et pour lesquelles une solution assurant la survie du contrat de travail serait toujours possible.
Il a ainsi été jugé qu’un incendie n’est pas un cas de force majeure s’il est possible de transférer l’activité dans un autre établissement, si les bâtiments n’ont pas été totalement détruits ou si l’activité pourrait reprendre après les travaux de remise en état.
Ainsi les juges retiendront comme cas de force majeure, uniquement l’évènement ayant entraîné la cessation définitive de l’entreprise et par conséquence l’impossibilité de reprise de l’activité.
Ainsi, à plusieurs reprises, la Cour d’appel de Paris a estimé que les deux premières guerres du Golfe présentaient les caractères de la force majeure autorisant alors l’employeur à rompre le contrat de travail (Paris, 26 novembre 1987, jurisdata n°1987-028766 et Paris, 27 janvier 1993, jurisdata n°1993-020126).
La Cour d’appel de Besançon a également considéré que la guerre civile ivoirienne constituait un cas de force majeure « rendant impossible la poursuite du contrat de travail » (Besançon, 24 octobre 2006 n°05/01323).
La force majeure est par ailleurs retenue en cas du décès du salarié.
Enfin, pour être complet, il convient de rappeler que le code du travail limite les effets de la force majeure lorsque celle-ci est due à un sinistre. Si un contrat de travail est rompu sur le fondement de la force majeure à la suite d’un sinistre, en plus de l’indemnité compensatrice de congés payés, l’employeur reste tenu de verser au salarié en CDI une indemnité d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité de rupture égale à l’indemnité légale de licenciement (article L1234-13) (1) et au salarié en CDD une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat (L1243-4).
1. (les commentateurs du Lamy considèrent qu’il pourrait s’agir de l’indemnité conventionnelle de licenciement voire de l’indemnité contractuelle).
« La force majeure permettant à l’employeur de s’exonérer de tout ou partie de ses obligations nées de la rupture du contrat de travail s’entend de la survenance d’un évènement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite dudit contrat ».
La force majeure est ainsi constituée par quatre éléments cumulatifs :
- la survenance d’un évènement extérieur aux parties,
- imprévisible lors de la formation du contrat,
- irrésistible au moment de l’exécution du contrat
- et rendant totalement impossible la poursuite du contrat de travail.
2. En l’espèce, un joueur de rugby avait signé avec un club de rugby professionnel, le 8 août 2011, une promesse d’embauche en vue de la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée pour la saison 2012-2013. Le 19 octobre 2011, le club a été placé en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Marseille.
Le joueur a alors saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir la réparation du préjudice que lui avait occasionné l’absence d’exécution, par le club de rugby, de la promesse que celui-ci avait contractée à son égard. Le club de rugby soutenait pour sa part que sa responsabilité ne pouvait pas être engagée la liquidation dont il avait fait l’objet ayant rendu « caduc » l’engagement qu’il avait pris à l’égard du joueur.
La Cour d’appel d’Aix en Provence a décidé que « dans la mesure où l’acte visait la rémunération et le début des fonctions, cette promesse d’embauche en contrat à durée déterminée, vaut contrat et sa rupture intervenue à l’initiative de l’employeur ou de son représentant légal le 19 octobre 2011, sans que le placement en liquidation judiciaire puisse être considéré comme un cas de force majeure, ouvre droit au salarié, selon l’article L1243-4 du code du travail à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal à la rémunération qu’il aurait perçue jusqu’au terme du contrat ».
La Cour, analysant les faits de l’espèce a, en effet considéré, comme le soutenait le joueur, qu’au moment où la promesse d’embauche avait été conclue le club de rugby savait que sa situation financière désastreuse devait nécessairement aboutir à sa disparition. En conséquence la liquidation prononcée le 19 octobre 2011 ne constituait pas, pour lui, un événement imprévisible. L’ensemble des éléments constitutifs de la force majeure n’étant pas réunis le club de rugby a été condamné à verser au joueur une indemnité égale au montant de l’ensemble des salaires qu’il aurait perçus s’il avait pu jouer au cours de la saison 2012-2013. (Cour d’appel d’Aix en Provence - 11 avril 2014 - n°13/11762)
3. Il n’existe donc pas de circonstances qui par nature seraient constitutives d’un cas de force majeure. Quelques soient les faits invoqués, les juges vérifient que toutes les conditions caractérisant la force majeure sont réunies et ils opèrent cette vérification avait un très haut degré d’exigence.
C’est cette rigueur que traduisent les décisions rendues par les cours d’appel de Rennes et de Grenoble :
- « Qu'ainsi la dissolution de l'équipe professionnelle « Agrigel » ne peut être tenue comme un événement irrésistible dès lors qu'elle résulte d'une décision de l'Association et qu'elle pouvait être évitée en recrutant d'autres coureurs au sein de l'équipe ;
Que si la suspension des 2 cyclistes pour cause de dopage avait fait perdre à l'Association ses sponsors et par voie de conséquence tout financement rendant plus difficile le recrutement de nouveaux coureurs, cette situation ne relève pas de la force majeure » (Rennes, 5 mars 1998 n°97-7203),
- La survenance de difficultés économiques d’un club n’est pas constitutive d’un cas de force majeure (Grenoble, 25 mars 2014 n°13/04463).
4. Les juges ont la volonté de protéger les salariés contre les situations dont la cause ne serait pas totalement étrangère aux parties, qui ne seraient pas absolument insurmontables et pour lesquelles une solution assurant la survie du contrat de travail serait toujours possible.
Il a ainsi été jugé qu’un incendie n’est pas un cas de force majeure s’il est possible de transférer l’activité dans un autre établissement, si les bâtiments n’ont pas été totalement détruits ou si l’activité pourrait reprendre après les travaux de remise en état.
Ainsi les juges retiendront comme cas de force majeure, uniquement l’évènement ayant entraîné la cessation définitive de l’entreprise et par conséquence l’impossibilité de reprise de l’activité.
Ainsi, à plusieurs reprises, la Cour d’appel de Paris a estimé que les deux premières guerres du Golfe présentaient les caractères de la force majeure autorisant alors l’employeur à rompre le contrat de travail (Paris, 26 novembre 1987, jurisdata n°1987-028766 et Paris, 27 janvier 1993, jurisdata n°1993-020126).
La Cour d’appel de Besançon a également considéré que la guerre civile ivoirienne constituait un cas de force majeure « rendant impossible la poursuite du contrat de travail » (Besançon, 24 octobre 2006 n°05/01323).
La force majeure est par ailleurs retenue en cas du décès du salarié.
Enfin, pour être complet, il convient de rappeler que le code du travail limite les effets de la force majeure lorsque celle-ci est due à un sinistre. Si un contrat de travail est rompu sur le fondement de la force majeure à la suite d’un sinistre, en plus de l’indemnité compensatrice de congés payés, l’employeur reste tenu de verser au salarié en CDI une indemnité d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité de rupture égale à l’indemnité légale de licenciement (article L1234-13) (1) et au salarié en CDD une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat (L1243-4).
1. (les commentateurs du Lamy considèrent qu’il pourrait s’agir de l’indemnité conventionnelle de licenciement voire de l’indemnité contractuelle).