La défense de Bradley Manning… Une victoire ? Pour qui ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 21/08/2013
« Lanceur d’alerte », « liberté d’expression », « devoir de vérité »… le menu était alléchant au procès de Bradley Manning, le jeune soldat de 25 ans accusé d’avoir, alors qu’il était en poste en Irak comme analyste de renseignements, transféré illégalement 740 000 documents confidentiels à WikiLeaks, entre novembre 2009 et mai 2010.
Dans le curieux système tribal qu’est la justice US, il risquait 160 ans de prison et il se retrouve avec 35 ans… Une victoire aussitôt claironné par WikiLeaks. Vivent les lanceurs d’alerte, l’avenir est à eux ! Plus cher que pour les violeurs d’enfants, mais bon, il parait que c’est une victoire.
Je suis évidemment intéressé par la force des arguments qui ont fait vacillé une cour martiale. Au pays du 1° amendement, je m’attends du lourd, question liberté d’expression.
Sauf, que la défense a été tout autre chose, et qu’on est déjà entré dans la légende en direct live…
L’avocat de Bradley Manning est mon excellent confrère David Coombs, et la première surprise vient avec le site de son cabinet… où il se présente comme lieutenant-colonel de réserve, et pose en treillis, armes à la main !
http://www.armycourtmartialdefense.com/
Avocat mirliton ou mirliton avocat – « Mr. Coombs is a soldier just like you » - il s’est spécialisé dans la défense des droits des militaires, des tracasseries de carrière jusqu'aux crimes, et il place comme un atout le fait d’avoir commencé sa carrière comme procureur.
L’avocat-soldat-lieutenant-colonel-procureur n’a pas précisé sur son site ses combats pour la liberté d’expression, mais c’est sûrement pas souci de discrétion. On allait voir ce qu’on allait voir au procès…
Ben, en fait, c’était mal parti… car la défense a plaidé coupable, donc a reconnu les infractions, pour l’ensemble des griefs liés à la divulgation des documents sauf… l’intelligence avec l’ennemi.
Alors, quand on se reconnait coupable, il reste quoi pour défendre la liberté d’expression ? Eh bien c’est vite vu : rien. Il reste juste à sa vautrer pour arracher une larme au tribunal. Ce qu’a très bien fait mon excellent confrère.
Sa ligne de défense : « payer pour ses erreurs tout en gardant l'espoir d'avoir une vie après la prison ». Pour mon excellent confrère Coombs, Manning n’est pas un héros, mais un jeune homme « naïf, idéaliste et bien intentionné». Il a plaidé l’enfance malheureuse (Si, si, parents alcoolos… dans un bled de l'Oklahoma…) et pire, qu’il était « psychologiquement perturbé par son orientation homosexuelle ». Je rêve !... Soulignant qu'il «avait une expérience limitée et de bonnes intentions », il a conclu : « C'est un jeune homme capable de se racheter ». La semaine dernière, Manning avait regretté « avoir fait du mal aux gens et aux Etats-Unis ». Donc, adieu les lanceurs d’alerte, va te faire voir WilkiLeaks, et vive l’armée des Etats-Unis !
Vous avez un doute ? Mon excellent confrère Coomb le lève... Interrogé par la presse sur l'affaire PRISM, il a répondu que si Edward Snowden était son client, il lui dirait que le climat actuel n'est pas favorable aux lanceurs d'alerte. Et pour faire bon poids, il a déclaré qu’il allait déposer un recours en grâce auprès de Barack Obama.
Bradley Manning semble bien un p’tit gars dépassé par les évènements et tant mieux s’il s’en tire pas trop mal. Mais pour ce qui est la liberté d’expression, on ira voir ailleurs.