Le déploiement de la fibre optique est sans incidence sur la tarification de l’accès à la boucle locale de cuivre
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Virginie Delannoy, 10/02/2014
La maturité du marché de gros du dégroupage et le déploiement de la fibre optique sont autant de raisons qui conduisent à une cristallisation du contentieux entre France Télécom et les opérateurs alternatifs sur la question tarifaire, à travers les décisions prises par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). L’arrêt rendu le 31 janvier 2014 par le Conseil d’Etat (AFORST, req. n° 361150), confirmant une décision tarifaire de l’ARCEP, en est une nouvelle illustration.
La concurrence effective sur le marché des communications électroniques suppose l’accès des opérateurs alternatifs aux consommateurs finals, afin de leur proposer une offre de services diversifiée concurrente de celle de France Télécom. Avant le déploiement des réseaux de fibre optique par chaque opérateur, la solution la plus ancienne et la plus développée a consisté en l’accès physique de l’opérateur alternatif à la partie du réseau déployé sur l’ensemble du territoire par France Télécom en période de monopole dont la capillarité permet d’atteindre les consommateurs finals : la boucle locale de cuivre.
Répliquer la boucle locale de cuivre n’aurait pas de sens économiquement compte tenu du coût de l’investissement et du temps nécessaire au déploiement. C’est pourquoi la solution du dégroupage a-t-elle été considérée comme le vecteur du développement de la concurrence dès 1999, puisqu’elle offre aux opérateurs alternatifs la maîtrise de bout en bout de leur réseau, jusqu’à leurs abonnés, en utilisant la boucle locale de France Télécom, en contrepartie d’une redevance d’accès.
Le montant de cette rémunération constitue l’enjeu principal du dégroupage car de lui dépend l’effectivité de la concurrence mais aussi son efficacité économique. Fixé à un niveau trop élevé, il serait une barrière à l’entrée pour les alternatifs. A l’inverse, des tarifs d’accès extrêmement bas n’inciteraient pas l’opérateur historique à améliorer son efficacité par des investissements innovants dans son infrastructure.
L’ARCEP est chargée de fixer les obligations pesant sur France Télécom en matière tarifaire pour l’accès à sa boucle locale, notamment sur la base du principe cardinal d’orientation vers les coûts. A cet effet, elle a publié la décision n° 05-0834 du 15 décembre 2005 qu’elle met à jour à intervalles réguliers par de nouvelles décisions. C’est ainsi que le Conseil d’Etat s’est trouvé saisi d’un recours diligenté par l’Association française des opérateurs de réseaux et services de télécommunications (AFORST ; association regroupant la plupart des opérateurs alternatifs) contre la décision n° 2012-0007 du 17 janvier 2012.
La critique principale du recours portait sur l’absence de modification par l’ARCEP de la méthode de comptabilisation des coûts de France Télécom. Le principe d’orientation vers les coûts recouvre des réalités très différentes selon la méthode retenue pour valoriser les coûts encourus par l’opérateur historique de manière à fixer un tarif qui réponde aux objectifs d’effectivité de la concurrence et d’efficacité économique, au bénéfice du consommateur final. Le choix de la méthode des « coûts historiques » prônée par l’AFORST ne permet pas de répondre à ce double objectif : fondée sur une stricte approche comptable des coûts effectivement supportés dans le passé, elle n’incite l’opérateur historique ni à moderniser son infrastructure puisqu’au fil du temps, les tarifs d’accès à la boucle locale subissent une décote identique à celle de l’investissement initial après amortissement, ni à réduire ses coûts, puisqu’il ne retire aucun avantage tarifaire à cette réduction.
A l’inverse, la méthode choisie par l’ARCEP depuis 2005 et maintenue en 2012, dite des « coûts courants économiques » repose à la fois sur les coûts effectivement supportés par France Télécom dans le passé et sur une anticipation de ses investissements futurs en fonction des prévisions de déploiement des opérateurs. Les tarifs sont ainsi établis à partir de ces paramètres tout en laissant à France Télécom le bénéfice d’une partie des gains d’efficacité qu’elle pourrait réaliser, afin de l’inciter à réduire ses coûts.
Le Conseil d’Etat se fonde sur l’arrêt de la CJCE Arcor du 24 avril 2008 (aff. C-55/06) qui souligne que les Etats membres sont libres de fixer leur méthode de comptabilisation des coûts, pourvu qu’elle ne conduise pas à « désavantager de manière injustifiée l’opérateur notifié ». Il rappelle, en outre, que le marché français du haut débit est extrêmement compétitif, les prix de détail étant, en France, parmi les plus faibles du monde, ce qui a « permis d’atteindre un taux élevé d’équipement de la population française en accès en haut débit fixe ». En conséquence et malgré le déploiement des boucles locales en fibre optique qui pourrait conduire à une obsolescence des câbles de cuivre et à un frein des investissements innovants (arguments de l’AFORST), le Conseil d’Etat estime que la décision de 2012 de l’ARCEP n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation
L’enjeu pourrait ne pas être historiquement daté si l’architecture de déploiement de la fibre dite FttDP (Fiber to the Distribution Point) était viable et privilégiée par certains opérateurs. Cette architecture consiste à approcher la fibre au plus proche du logement de l’abonné puis, à partir de ce Distribution point, utiliser la boucle locale de cuivre ou coaxiale pour achever le raccordement jusqu’à l’abonné (voir communiqué de presse de l’ARCEP du 7 février 2014).
Répliquer la boucle locale de cuivre n’aurait pas de sens économiquement compte tenu du coût de l’investissement et du temps nécessaire au déploiement. C’est pourquoi la solution du dégroupage a-t-elle été considérée comme le vecteur du développement de la concurrence dès 1999, puisqu’elle offre aux opérateurs alternatifs la maîtrise de bout en bout de leur réseau, jusqu’à leurs abonnés, en utilisant la boucle locale de France Télécom, en contrepartie d’une redevance d’accès.
Le montant de cette rémunération constitue l’enjeu principal du dégroupage car de lui dépend l’effectivité de la concurrence mais aussi son efficacité économique. Fixé à un niveau trop élevé, il serait une barrière à l’entrée pour les alternatifs. A l’inverse, des tarifs d’accès extrêmement bas n’inciteraient pas l’opérateur historique à améliorer son efficacité par des investissements innovants dans son infrastructure.
L’ARCEP est chargée de fixer les obligations pesant sur France Télécom en matière tarifaire pour l’accès à sa boucle locale, notamment sur la base du principe cardinal d’orientation vers les coûts. A cet effet, elle a publié la décision n° 05-0834 du 15 décembre 2005 qu’elle met à jour à intervalles réguliers par de nouvelles décisions. C’est ainsi que le Conseil d’Etat s’est trouvé saisi d’un recours diligenté par l’Association française des opérateurs de réseaux et services de télécommunications (AFORST ; association regroupant la plupart des opérateurs alternatifs) contre la décision n° 2012-0007 du 17 janvier 2012.
La critique principale du recours portait sur l’absence de modification par l’ARCEP de la méthode de comptabilisation des coûts de France Télécom. Le principe d’orientation vers les coûts recouvre des réalités très différentes selon la méthode retenue pour valoriser les coûts encourus par l’opérateur historique de manière à fixer un tarif qui réponde aux objectifs d’effectivité de la concurrence et d’efficacité économique, au bénéfice du consommateur final. Le choix de la méthode des « coûts historiques » prônée par l’AFORST ne permet pas de répondre à ce double objectif : fondée sur une stricte approche comptable des coûts effectivement supportés dans le passé, elle n’incite l’opérateur historique ni à moderniser son infrastructure puisqu’au fil du temps, les tarifs d’accès à la boucle locale subissent une décote identique à celle de l’investissement initial après amortissement, ni à réduire ses coûts, puisqu’il ne retire aucun avantage tarifaire à cette réduction.
A l’inverse, la méthode choisie par l’ARCEP depuis 2005 et maintenue en 2012, dite des « coûts courants économiques » repose à la fois sur les coûts effectivement supportés par France Télécom dans le passé et sur une anticipation de ses investissements futurs en fonction des prévisions de déploiement des opérateurs. Les tarifs sont ainsi établis à partir de ces paramètres tout en laissant à France Télécom le bénéfice d’une partie des gains d’efficacité qu’elle pourrait réaliser, afin de l’inciter à réduire ses coûts.
Le Conseil d’Etat se fonde sur l’arrêt de la CJCE Arcor du 24 avril 2008 (aff. C-55/06) qui souligne que les Etats membres sont libres de fixer leur méthode de comptabilisation des coûts, pourvu qu’elle ne conduise pas à « désavantager de manière injustifiée l’opérateur notifié ». Il rappelle, en outre, que le marché français du haut débit est extrêmement compétitif, les prix de détail étant, en France, parmi les plus faibles du monde, ce qui a « permis d’atteindre un taux élevé d’équipement de la population française en accès en haut débit fixe ». En conséquence et malgré le déploiement des boucles locales en fibre optique qui pourrait conduire à une obsolescence des câbles de cuivre et à un frein des investissements innovants (arguments de l’AFORST), le Conseil d’Etat estime que la décision de 2012 de l’ARCEP n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation
L’enjeu pourrait ne pas être historiquement daté si l’architecture de déploiement de la fibre dite FttDP (Fiber to the Distribution Point) était viable et privilégiée par certains opérateurs. Cette architecture consiste à approcher la fibre au plus proche du logement de l’abonné puis, à partir de ce Distribution point, utiliser la boucle locale de cuivre ou coaxiale pour achever le raccordement jusqu’à l’abonné (voir communiqué de presse de l’ARCEP du 7 février 2014).