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Réfléchir est un "frein" pour les féministes !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 11/04/2015

Quel pervers et inattendu argument, pour les authentiques misogynes, que de devoir constater que pour les féministes pures et dures, réfléchir est "un frein" !

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Un homme a toujours infiniment de scrupule à venir se mêler de la cause des femmes, de leur combat et des avancées législatives qui, sur un certain nombre de plans, ont fait progresser leur libération.

D'abord parce qu'il doit avoir conscience qu'il n'est pas forcément le plus légitime pour en parler et que réserve et retenue, même dans la solidarité, sont bienvenues.

Mais, surtout, parce que, s'il s'aventurait dans une telle immixtion, il serait rudement renvoyé dans sa sphère par les féministes et les associations qui se réclament d'elles.

Pourtant, il me semble que la suppression du délai de réflexion de 7 jours, décidée par la commission des Affaires sociales et qui, si elle était adoptée en séance publique par l'Assemblée nationale, modifierait un point non négligeable de la loi Veil de 1975, dépasse très largement le champ du féminisme pour poser un véritable problème démocratique et révéler l'aberration des méthodes que l'idéologie et le féminisme - le cumul est possible et dévastateur ! - mettent en oeuvre (Le Parisien).

Ce délai de réflexion de 7 jours est prévu, pour une femme désirant avorter, entre une première consultation et une seconde pour confirmer son choix et l'intervention à pratiquer, médicamenteuse ou chirurgicale. Pour lui permettre, éventuellement, de s'abstenir, de se raviser ou, en pleine conscience, de maintenir. Dans le délai global de 12 semaines autorisant techniquement l'avortement, on ne peut vraiment pas soutenir que ces 7 jours constituaient une scandaleuse amputation, un retard irrémédiable.

L'amendement de suppression a été proposé par deux députées socialistes dont l'une Catherine Coutelle est la présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et l'autre, Catherine Quéré, évidemment sur la même ligne jusqu'au boutiste.

Pour la première, le délai de réflexion est "infantilisant et stigmatisant" et de la part du féminisme militant - qui ne vaut pas plus que celui de la virilité du même type -, il s'agissait d'une "demande récurrente, l'idée étant de lever les freins contenus dans la loi de 1975".

Ce qui me paraît choquant est le poids de ces groupes de pression puisque la ministre Marisol Touraine avait initialement projeté de réduire le délai de 7 à 2 jours avant de vite se soumettre aux intimidations féministes malgré la pertinence de son idée pour qui désirait absolument une modification.

Sur le fond, il est hallucinant de relever que le droit, la liberté et, pour un certain nombre de femmes, le progrès d'avorter n'étaient remis en cause par personne et que le délai de réflexion ne concernait qu'une modalité, que l'intelligence, la sensibilité et le bon sens justifiaient. C'était introduire, dans un processus délicat, douloureux, intime, en tout cas jamais léger, un suspens, une courte halte pour une délibération personnelle ou plurielle.

Loin d'être "stigmatisante, infantilisante", cette démarche faisait appel, au contraire, à la faculté humaine la plus noble : celle de peser avant d'agir, de penser avant de décider. A entendre les féministes, cette obligation aurait été humiliante mais on perçoit bien que, chez les plus extrêmes, ce qui aurait été redouté tenait précisément au revirement que ce délai de réflexion aurait permis et avait peut-être causé en de multiples occasions.

A supposer même qu'il n'ait dissuadé personne entre les deux consultations, je parviens mal à comprendre en quoi il était urgent d'abolir une prudence et une précaution qui intrinsèquement étaient positives et qui ne portaient pas atteinte à la substance de la faculté.

Certaines associations féministes sont à ce point déconnectées de la normalité humaine qu'elles se font une gloire de répudier ce que l'humain a de meilleur et qui, ne leur en déplaise, est indivis aux deux sexes : la vigilance, la lucidité, l'intelligence au plus près de soi, de ses humeurs, de ses désirs, de ses peurs, de ses espérances.

Quel pervers et inattendu argument, pour les authentiques misogynes, que de devoir constater que pour les féministes pures et dures, réfléchir est "un frein" !


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