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Le juge et la pendule

Chroniques judiciaires - prdchroniques, 23/12/2011

Ce matin de décembre, comme chaque matin, l'employé faisait sa tournée des pendules au palais de justice de Paris. Lorsqu'il est entré dans le bureau du président de la cour d'assises, il a tout de suite remarqué le vide sur … Continuer la lecture

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Ce matin de décembre, comme chaque matin, l'employé faisait sa tournée des pendules au palais de justice de Paris. Lorsqu'il est entré dans le bureau du président de la cour d'assises, il a tout de suite remarqué le vide sur le manteau de la cheminée. La pendule, une pièce d'horlogerie d'environ 70 cm de haut et 30 cm de large, classée au mobilier national, avait disparu. On était alors en plein procès Carlos. Une cour d'assises spéciale, comme il est d'usage en matière de terrorisme, avait été spécialement constituée, composée exclusivement de magistrats et des mesures de sécurité particulièrement strictes avaient été prises à l'intérieur du palais.

Olivier Leurent, qui préside le procès Carlos et arrive tôt à son bureau, est l'une des premières personnes alertées de la disparition de la pendule. Une poignée de ses collègues apprennent à leur tour la nouvelle. Chacun est abasourdi. Comment un tel vol est-il possible? Qui a bien pu s'introduire dans les bureaux en déjouant la vigilance du garde installé devant la porte d'accès? Les juges discutent avec le commandant militaire du palais qui se veut rassurant. Avec les caméras de surveillance disposées partout dans le palais, on devrait rapidement pouvoir mener l'enquête, explique-t-il. Parmi les magistrats qui assistent à l'échange, nul ne repère alors celui de leurs collègues qui semble découvrir avec effroi l'existence de ces yeux électroniques.

Le procès Carlos se poursuit. Dans l'après-midi, à l'occasion d'une suspension d'audience, le président de la cour et ses collègues jurés apprennent que la pendule a été retrouvée, dans un sac, salle des Pas perdus. C'est même l'un d'eux qui a fait la miraculeuse découverte et l'a aussitôt rapportée au poste de commandement militaire. Plus de peur que de mal, tout est rentré dans l'ordre, et la pendule retrouve le manteau de la cheminée qu'elle n'avait quitté que quelques heures.

Mais le parquet de Paris veut tout de même tirer l'affaire au clair. Une enquête pour vol est ouverte et les bandes de vidéo surveillance sont consultées.

Elles révèlent alors que le magistrat qui prétendait avoir trouvé la pendule était celui-là même qui s'était introduit dans le bureau du président de la cour d'assises pour glisser l'horloge dans son sac. Entendu, il avoue tout. Assure qu'il n'avait pas l'intention de dérober la pendule, dit qu'il ne sait pas ce qu'il lui a pris. Poursuivi pour vol, il accepte, comme le lui propose le parquet, la procédure discrète et rapide du plaider-coupable, lors d'une audience prévue en janvier. Vendredi 23 décembre, pour le président de la cour et ses collègues jurés qui découvrent l'identité du voleur juste avant que l'affaire ne soit révélée par RTL, c'est la consternation. A la cour d'appel de Paris, on se rassure au moins en constatant que le magistrat en cause, qui était assesseur suppléant, n'a pas siégé lors du délibéré du procès Carlos, ce qui dans le cas contraire, n'aurait sans doute pas manqué d'être utilisé pour contester le verdict. L'épisode ne fera donc pas mentir la devise inscrite sur l'une des façades du palais de justice de Paris. "Hora fugit, stat jus" (les heures s'enfuient, le droit demeure).

Actualisation, mardi 17 janvier
Le juge a été condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et 2000 euros d'amende, dans le cadre d'une procédure de plaider-coupable.
"Il n'y a pas d'explication, il s'agit d'un moment d'égarement", a indiqué Dominique Gaboret-Guiselin, 63 ans, à la présidente Janine Drai, qui l'interrogeait sur les raisons de son geste. Cet ancien juriste d'entreprise, devenu magistrat il y a une dizaine d'années, a fait valoir ses droits à la retraite.


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