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Féminicides : il n'y a pas qu'à !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 7/07/2019

Féminicides, une horreur criminelle glissée trop souvent dans la familiarité d'une existence commune, soit. Mais il n'y a pas qu'à !

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Les féminicides : tragédies humaines et sociales.

Une urgence nationale, comme le titre Le Monde.

C'est indiscutable. Depuis le mois de janvier 2019, 74 femmes ont été victimes de leur conjoint ou ex-conjoint.

Ce sombre constat établi, que doit-on faire ?

D'abord ne plus adresser de pétitions, injonctions généreusement comminatoires, au président de la République même si ce dernier avait fait de l'égalité hommes-femmes une cause nationale en 2017. Ni d'avertissements aux ministres. Cesser de culpabiliser la société tout entière.

Comme si le premier, les deuxièmes et la dernière étaient ignorants de la réalité de ce fléau, en mesuraient mal l'ampleur et prenaient son éradication à la légère. Alors que cette sorte de condescendance pédagogique est le plus souvent contre-productive.

On est obligé de le relever malheureusement avec la lutte légitime politique et médiatique contre l'homophobie : les agressions et les propos homophobes augmentent à proportion de leur condamnation verbeuse politico-médiatique.

De la même manière, le fait que Muriel Robin, Marlène Schiappa et certains médias ciblent ce scandale des féminicides et des violences - avec des approximations policières et judiciaires - représente une donnée positive mais qui n'aura pas le moindre effet sur la quotidienneté de ces couples dont le crime constituera la terrifiante conclusion.

On nous annonce un Grenelle des violences conjugales et on nous apprend que Brigitte Macron va s'impliquer dans cette lutte. Il y a un rassemblement du "plus jamais ça". On va défiler, débattre, discuter, dénoncer, continuer à laisser croire que les féminicides doivent l'emporter sur toutes les autres tragédies et qu'il serait aisé de réduire la montée des violences dont les femmes sont victimes dans une quotidienneté - pas inutile de le souligner - où nul service officiel n'a le droit d'intervenir sans y être autorisé ou appelé.

Parce que, s'il est clair que "l'Etat peine à empêcher les meurtres de femmes" (Le Figaro), il conviendrait de se demander pourquoi et d'accepter les esquisses de solutions aussi bien psychologiques que matérielles qui pourraient représenter un progrès dans ce combat.

D'abord, on exige de plus en plus de la police et on lui octroie de moins en moins. En apport humain et professionnel et en moyens matériels.

La pauvreté de beaucoup de nos commissariats n'interdit certes pas d'écouter avec bienveillance celles qui viennent offrir leur plainte, leur parole angoissée et douloureuse. Mais après ?

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En dépit du fait qu'il y a des mains courantes et parfois même des plaintes qui heureusement ne se terminent pas toujours en drames, il conviendrait d'ériger, tel un principe de précaution utile sur le plan humain, la règle que toute alerte doit entraîner une réaction. Dans un monde policier idéal, ce serait facile. En tout cas, il est important de ne plus différer. On ne peut plus ne pas agir comme si la menace n'était jamais sûre. Alors que le crime est plausible dès le premier signal, est au bout trop souvent.

Une infraction dénoncée - violences ponctuelles ou répétitives - doit immédiatement entraîner l'ouverture d'une enquête qui sera transmise au procureur compétent. Il ne serait pas absurde de désigner au sein des juridictions un magistrat affecté - quelle que soit la charge de travail des juridictions et la pénurie dont elles souffrent - à cette spécialisation des violences conjugales.

Pour accélérer le processus, et remédier au blocage de certains services, la police pourrait lui transmettre immédiatement la plainte déposée et il opterait pour la modalité la plus appropriée de protection et/ou de poursuite.

Avec l'obligation pour les tribunaux correctionnels - les cours d'assises, en dépit des critiques, savent être rigoureuses quand la cause des femmes est intelligemment et avec talent soutenue - de ne pas fuir une sévérité de nature à stopper un processus qui sans elle risquerait de devenir fatal.

La garde des Sceaux a compris l'extrême difficulté de ces situations en amont du pire, avant toute démarche policière puis judiciaire. Imposer d'emblée une séparation radicale entre la femme et l'homme violent pourrait sembler la mesure adéquate mais ce serait sans compter avec les liens familiaux complexes, la présence d'enfants, qui rendraient malaisés à mettre en oeuvre, systématiquement, cette initiative.

Nicole Belloubet fait préparer un texte de loi qui pourra imposer le bracelet électronique - un dispositif anti-rapprochement - sur tout le territoire "sans attendre la condamnation de l'auteur ou même l'ouverture d'une information judiciaire". Ce sera une réponse opératoire à ce fléau dont je persiste à considérer que le verbe généreux, pas plus que les émotions collectives, n'auront d'effet sur son éradication et qu'il n'est pas le seul à meurtrir la société.

La protection des femmes est prioritaire dès que celles-ci alertent, se plaignent, ont peur. Prendre tout de suite ces doléances au tragique.

Sur ce plan, on ne sera jamais assez reconnaissant à l'égard de ces associations capitales, dont il faudra augmenter les moyens, qui prennent en charge avec bienveillance et efficacité ces femmes sorties parfois d'un véritable enfer.

Une double conséquence.

Ne pas reprocher à la police ce que trop souvent elle ne peut plus accomplir faute de moyens. "L'urgence nationale" est également, d'abord là.

Faire prendre conscience à beaucoup de femmes victimes - elles souffrent et subissent dans tous les milieux - qui encore maintenant espèrent dans l'illusion une rémission, une amélioration des relations ou sont intimidées par le recours aux services de police et/ou de Justice qu'il n'y a pas d'autre solution que ne plus tolérer l'intolérable. Aussi qu'elles ne soient plus tentées, sous des influences de mauvais aloi, de douter par principe de l'accueil qu'elles recevraient et donc de s'abstenir.

Féminicides, une horreur criminelle glissée trop souvent dans la familiarité d'une existence commune, soit.

Mais il n'y a pas qu'à !


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