Préfecture de police : l'incurie nue...
Justice au Singulier - philippe.bilger, 7/10/2019
Je ne me fais aucune illusion.
Mais de crimes en crimes, de tragédies en tragédies, la France se réveillera peut-être de sa torpeur indignée et de sa manie d'évaluer au lieu d'agir, de constater a posteriori au lieu de résister a priori.
Il me semble que les quatre assassinats au sein de la Préfecture de police de Paris peuvent, sur ce plan sanglant, offrir paradoxalement une piste d'espoir.
Rien d'occulte ni de dissimulé. Aucune stratégie d'évitement, pas la moindre précaution comme si le criminel ayant prémédité l'horreur avait mesuré à leur déplorable valeur la compétence et la fiabilité de la Direction du renseignement où il travaillait avant de la décimer.
L'incurie nue.
On avait tout. La conversion à l'Islam, la mosquée, les prêches haineux, le salafisme, l'apparence s'étant modifiée, l'approbation de la tuerie de Charlie Hebdo, le refus de saluer les femmes, des propos sans équivoque sur Facebook n'ont pas suffi à une direction du renseignement si peu renseignée sur elle-même.
L'Etat n'a pas été mis en échec (Le Figaro). Il s'est mis en échec tout seul.
Avec cette aberration qui représentait le comble de la naïveté. Ceux qui avaient alerté la hiérarchie sur le quotidien de Harpon devaient donner leur autorisation pour que leurs avertissements soient officiellement signalés.
L'incurie nue.
Ces quatre morts sont à porter aussi au débit de l'incompétence et de la négligence.
On a réclamé la démission du ministre de l'Intérieur. Une tradition française qui croit que changer un homme garantirait enfin une toute nouvelle efficacité. Illusion mais on aurait pu concevoir que Christophe Castaner, à titre personnel, malgré le soutien appuyé et pour tout dire ridicule du Premier ministre, se soit senti responsable de cette architecture calamiteuse de la Préfecture de police de Paris et en ait tiré des conclusions.
Mais ce pouvoir est soudé, corporatiste, pour s'épargner.
La France sombre doucement, tragiquement à tous les niveaux dans une sorte de délitement de la conscience professionnelle.
Pourquoi se gêner puisque de crimes en crimes, de tragédies en tragédies, on prend seulement acte et qu'on n'aura pas toujours la sombre infortune de disposer d'un tueur exhibant ostensiblement le terreau l'ayant préparé à l'ignoble ?
Epouvantable de devoir chercher dans l'innommable l'esquisse, la possibilité d'un sursaut, enfin, pour demain.