Procès Le Couviour, décomposition d’une famille
Chroniques judiciaires - prdchroniques, 23/05/2012
Le premier, Wenceslas Lecerf, 39 ans, est chauffeur routier et portier de boîte de nuit pour arrondir les fins de mois qui sont difficiles. Plus jeune, il rêvait de devenir para. Il aime beaucoup les femmes, la fête et les motos. Le second, Guénolé Madé, est son cadet de dix ans. Il était fâché avec l'école, a passé un CAP de menuiserie, sait tout faire ou presque de ses mains mais a du mal à se lever le matin pour partir au travail. Tous deux ont besoin d'argent. Tout le temps. Surtout Wenceslas Lecerf, avec sa vie sentimentale agitée, ses trois enfants, son dossier de surendettement et son divorce conflictuel. Alors, lorsqu'une de ses connaissances, Loïc Duglé, lui dit qu'il y a un "coup" à faire chez des gens riches moyennant 20.000 euros, il n'hésite pas. Il embarque dans l'aventure son copain Guénolé Madé, un grand gars gentil et plutôt apathique qu'il héberge de temps à autre chez lui et qui dit rarement "non".
Et voilà comment trois ans plus tard, les deux hommes se retrouvent assis dans un box de cour d'assises, sous l'accusation d'assassinat d'Anne-Marie Le Couviour, 75 ans, l'épouse de l'une des grosses fortunes du département, l'ancien industriel Eugène Le Couviour.
Au premier jour du procès qui devra déterminer si Anne-Marie Le Couviour a été la victime d'un assassinat programmé par sa belle-fille, Josiane, avec la complicité de son ancien jardinier et de deux hommes de main, le regard ne cessait de s'échapper vers la femme assise dans le prétoire, vêtue de sombre, cheveux gris-blonds coupés court, qui écoutait les deux hommes dans le box raconter leur vie de petits boulots, de galère et de débrouille. Josiane Le Couviour, le principal personnage de ce drame, comparaît libre. Comme son ancien jardinier, Loïc Duglé, qui a obtenu lui aussi sa remise en liberté après de longs mois de détention, elle est accusée de complicité d'assassinat. À quoi peut-elle penser, cette femme, par laquelle tant de vies ont basculé?
Mais c'était plus encore le premier rang du public qui retenait l'attention. A gauche, les deux fils aînés d'Eugène Le Couviour, nés de son premier mariage. Philippe et Jean-Jacques, le mari de l'accusée, font front aux côtés de Josiane Le Couviour. Ils soutiennent la thèse de sa défense, selon laquelle elle n'aurait commandité "qu'un" cambriolage destiné à récupérer les documents d'un testament. Pour eux, la mort de leur belle-mère est accidentelle et l'on devine qu'ils n'ont pas versé une larme sur une femme qu'ils accusent de les avoir séparés de leur père et qu'ils soupçonnent d'avoir voulu accaparer une partie de l'héritage au profit de ses propres enfants.
Ceux-là sont de l'autre côté de la travée, bien décidés à défendre la mémoire de leur mère et à faire partager à la cour leur conviction selon laquelle elle a été assassinée dans le cadre d'un contrat conçu par sa belle-fille.
Entre les deux clans, pas un regard, pas un échange. De l'incroyable réussite d'Eugène Le Couviour, 93 ans, ancien ouvrier tapissier, qui travaille depuis l'âge de 14 ans et qui est devenu l'un des gros industriels de la région, restent beaucoup beaucoup de millions. De la recomposition familiale autour du mariage qui, pendant plus de trente ans a uni ce patriarche à la victime, ne subsistent que les décombres.